Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 8 mars et 10 mai 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE A.O.N. CONSEIL ET COURTAGE, dont le siège est 45 rue Kléber à Levallois-Perret (92697) ; la SOCIETE A.O.N. CONSEIL ET COURTAGE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 08VE00877 du 15 décembre 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a annulé le jugement n° 0504254 du tribunal administratif de Versailles du 20 décembre 2007 rejetant la demande de M. Jean-Claude A tendant à l'annulation de la décision du 10 mai 2005 du ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale autorisant son licenciement ainsi que cette décision ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de M. A ;
3°) de mettre à la charge de M. A la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Bruno Bachini, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la SOCIETE A.O.N. CONSEIL ET COURTAGE et de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de M. A,
- les conclusions de M. Rémi Keller, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la SOCIETE A.O.N. CONSEIL ET COURTAGE et à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de M. A,
Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis des fonctions de conseiller prud'homme, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail ; que, lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec leur appartenance syndicale ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ; qu'un agissement du salarié intervenu en dehors de l'exécution de son contrat de travail ne peut motiver un licenciement pour faute, sauf s'il traduit la méconnaissance par l'intéressé d'une obligation découlant de ce contrat ;
Considérant que, par une décision du 10 mai 2005, le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale a autorisé la SOCIETE AON CONSEIL ET COURTAGE à procéder au licenciement pour faute de M. A, directeur de clientèle au sein de cette société et investi des fonctions de conseiller prud'homme, au motif que ce dernier avait produit un faux document comportant les mentions légales de la société dans le cadre d'un litige d'ordre privé l'opposant à la copropriété de son immeuble ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le moyen tiré de ce que les faits reprochés n'étaient pas d'une gravité suffisante pour justifier l'autorisation de licenciement litigieuse avait été soulevé par M. A dans ses écritures d'appel ; que, par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la cour administrative d'appel de Versailles aurait commis une erreur de droit en soulevant d'office ce moyen ;
Considérant qu'en jugeant que, nonobstant la fonction occupée par M. A, l'agissement fautif, survenu dans le cadre d'un litige privé, qui était reproché à ce dernier ne revêtait pas une gravité suffisante pour justifier son licenciement au motif qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier qu'un tel comportement ait causé un préjudice à l'employeur ou ait eu une répercussion sur le fonctionnement de l'entreprise, la cour administrative d'appel, qui a ainsi nécessairement vérifié que cet agissement intervenu en dehors de l'exécution du contrat de travail traduisait une méconnaissance de la part du salarié de l'une des obligations découlant de son contrat, n'a commis ni erreur de droit ni erreur de qualification juridique ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE A.O.N CONSEIL ET COURTAGE n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ; que ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la SOCIETE A.O.N CONSEIL ET COURTAGE la somme de 3 000 euros à verser à M. A au même titre ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la SOCIETE A.O.N CONSEIL ET COURTAGE est rejeté.
Article 2 : La SOCIETE A.O.N. CONSEIL ET COURTAGE versera la somme de 3 000 euros à M. A en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE A.O.N. CONSEIL ET COURTAGE, à M. Jean-Claude A et au ministre du travail, de l'emploi et de la santé.