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09/12/2011 | FRANCE | N°337990

France | France, Conseil d'État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 09 décembre 2011, 337990


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 26 mars et 28 juin 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Sophie A, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 15 janvier 2010 par laquelle le ministre de la défense, après avis de la commission des recours des militaires, a rejeté son recours administratif préalable dirigé contre la décision implicite par laquelle le centre territorial d'administration et de comptabilité de Marseille a refusé de lui verser les

majorations familiales à l'étranger et le supplément familial à l'étra...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 26 mars et 28 juin 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Sophie A, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 15 janvier 2010 par laquelle le ministre de la défense, après avis de la commission des recours des militaires, a rejeté son recours administratif préalable dirigé contre la décision implicite par laquelle le centre territorial d'administration et de comptabilité de Marseille a refusé de lui verser les majorations familiales à l'étranger et le supplément familial à l'étranger, au titre des enfants de sa partenaire pour la période du 16 juin 2006 au 16 juin 2008 ;

2°) d'enjoindre au ministre de la défense de lui verser les sommes en cause, assorties des intérêts légaux et de leur capitalisation, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jours de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la défense ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 ;

Vu le décret n° 97-900 du 1er octobre 1997 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Nicolas Polge, Maître des Requêtes,

- les observations de Me Haas, avocat de Mme Sophie A,

- les conclusions de M. Nicolas Boulouis, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à Me Haas, avocat de Mme Sophie A ;

Considérant qu'il résulte du 2° de l'article 2 du décret du 1er octobre 1997 fixant les modalités de calcul de la rémunération des militaires affectés à l'étranger, dans sa version en vigueur avant l'intervention du décret modificatif du 10 janvier 2011, que leurs émoluments comprennent limitativement, au titre des avantages familiaux : " - le supplément familial (...) ; / les majorations familiales pour enfant à charge, dans les conditions définies à l'article 8 du présent décret (...) ", lequel dispose que : " Tout militaire qui a au moins un enfant à charge peut prétendre aux majorations familiales, quel que soit le lieu de résidence de cet enfant.(...) / Les majorations familiales sont attribuées, quel que soit le lieu de résidence des enfants, déduction faite des avantages de même nature dont peut bénéficier l'agent ou son conjoint au titre des mêmes enfants et qui sont dus au titre de la législation ou de la réglementation française ou de tout accord communautaire ou international. Les majorations familiales ne peuvent être cumulées avec le supplément familial de traitement ou de solde versé en France, soit au militaire, soit à son conjoint au titre des mêmes enfants. (...) " ;

Considérant, en premier lieu, que la décision du 15 janvier 2010 par laquelle le bénéfice de ces avantages familiaux a été refusé à Mme A a été signée par M. B, directeur-adjoint du cabinet civil et militaire du ministre de la défense, lequel avait reçu à cette fin une délégation de signature en vertu d'un arrêté de ce ministre du 19 juin 2007, publié au Journal officiel de la République française du 27 juin 2007 ; que, par suite, le moyen tiré de ce que M. B n'aurait pas eu qualité pour signer la décision attaquée doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, que, d'une part, la décision refusant de faire droit à une telle demande n'est pas au nombre des mesures prises en considération de la personne, lesquelles ne peuvent intervenir sans que, préalablement, l'intéressé ait été mis à même de consulter son dossier ; que, d'autre part, il ne résulte d'aucun texte ni d'aucun principe que l'avis motivé de la commission de recours des militaires doive faire l'objet d'une communication préalable à l'auteur du recours ; qu'il n'est, par ailleurs, pas contesté que Mme A a répliqué aux observations de la direction centrale du commissariat de l'armée de terre ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que la procédure suivie devant la commission aurait été entachée d'irrégularités n'est pas fondé ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'article 9 du décret du 1er octobre 1997 que, pour l'application des articles 7 et 8 relatifs aux avantages familiaux en cause, " la notion d'enfant à charge s'apprécie selon les critères retenus en France pour l'attribution des prestations familiales par les articles L. 513-1 et L. 521-2 du code de la sécurité sociale. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 513-1 de ce code : " Les prestations familiales sont, sous réserve des règles particulières à chaque prestation, dues à la personne physique qui assume la charge effective et permanente de l'enfant " ; que l'article R. 513-1 du même code dispose que : " la personne physique à qui est reconnu le droit aux prestations familiales a la qualité d'allocataire. Ce droit n'est reconnu qu'à une seule personne au titre d'un même enfant. (...) " ; que, selon le premier alinéa de l'article L. 521-2 du même code : " Les allocations sont versées à la personne qui assume, dans quelques conditions que ce soit, la charge effective et permanente de l'enfant " ; que les parents sont présumés assumer la charge effective et permanente de l'enfant et qu'en cas de séparation des parents et de résidence alternée de l'enfant au domicile de chacun d'eux, ils sont présumés partager cette charge, ainsi que le précise le deuxième alinéa inséré à l'article L. 521-2 par l'article 124 de la loi du 21 décembre 2006 ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A, commandant de l'armée de terre affectée à Djibouti du 16 juin 2006 au 16 juin 2008, avait conclu un pacte civil de solidarité avec la mère de deux enfants qui vivaient pendant cette période avec cette dernière ; que le jugement du 7 novembre 2005 du tribunal de grande instance de Privas a prononcé le divorce des parents de ces enfants et décidé la résidence alternée des enfants au domicile de chacun d'eux ; que les deux parents étaient ainsi présumés assumer en commun, compte tenu des modalités de leur divorce, la charge effective et permanente de leurs enfants, pour l'application des dispositions des articles L. 513-1 et L. 521-2 du code de la sécurité sociale ; que si Mme A soutient avoir contribué matériellement et financièrement à l'entretien des enfants, elle n'établit pas en avoir assumé la charge effective et permanente en lieu et place de leurs parents ; qu'ainsi, en estimant, après avoir constaté que la partenaire de Mme A et son ancien conjoint avaient la charge effective et permanente des deux enfants, que la requérante ne pouvait bénéficier du versement des majorations familiales à l'étranger et du supplément familial à l'étranger, le ministre de la défense n'a pas fait une inexacte application des dispositions régissant l'octroi de ces avantages familiaux ;

Considérant, enfin, que la circonstance, invoquée par Mme A, qu'un autre militaire du même corps que le sien aurait perçu ces avantages familiaux, en méconnaissance des dispositions du décret du 1er octobre 1997, est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision attaquée ; que ses conclusions à fin d'injonction et celles qu'elle a présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme A et au ministre de la défense et des anciens combattants.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

ARMÉES ET DÉFENSE - PERSONNELS DES ARMÉES - QUESTIONS COMMUNES À L'ENSEMBLE DES PERSONNELS MILITAIRES - SOLDES ET AVANTAGES DIVERS - AVANTAGES FAMILIAUX (ART - 7 ET 8 DU DÉCRET DU 1ER OCTOBRE 1997) - RENVOI - POUR L'APPRÉCIATION DE LA NOTION D'ENFANT À CHARGE - AUX CRITÈRES DES ART - L - 513-1 ET L - 521-2 DU CODE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE - NOTION DE PERSONNE ASSUMANT LA CHARGE EFFECTIVE ET PERMANENTE DE L'ENFANT AU SENS DE CES ARTICLES - PRÉSOMPTION SIMPLE EN FAVEUR DES PARENTS - EXISTENCE.

08-01-01-06 L'article 9 du décret n° 97-900 du 1er octobre 1997 renvoie, pour l'appréciation de la notion d'enfant à charge ouvrant droit au bénéfice du supplément familial et des majorations familiales, aux critères retenus en France pour l'attribution des prestations familiales par les articles L. 513-1 et L. 521-2 du code de la sécurité sociale. Les parents sont présumés assumer la charge effective et permanente de l'enfant au sens de ces articles et, en cas de séparation des parents et de résidence alternée de l'enfant au domicile de chacun d'eux, ils sont présumés partager cette charge. Il s'agit d'une présomption simple que l'agent qui sollicite un avantage familial peut renverser en établissant qu'il assume en réalité cette charge en lieu et place des parents.

SÉCURITÉ SOCIALE - PRESTATIONS - PRESTATIONS FAMILIALES ET ASSIMILÉES - NOTION DE PERSONNE ASSUMANT LA CHARGE EFFECTIVE ET PERMANENTE DE L'ENFANT (ART - L - 513-1 ET L - 521-2 DU CODE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE) - PRÉSOMPTION SIMPLE EN FAVEUR DES PARENTS - EXISTENCE.

62-04-06 Les parents sont présumés assumer la charge effective et permanente de l'enfant au sens des articles L. 513-1 et L. 521-2 du code de la sécurité sociale relatifs à l'attribution des prestations familiales et, en cas de séparation des parents et de résidence alternée de l'enfant au domicile de chacun d'eux, ils sont présumés partager cette charge. Il s'agit d'une présomption simple que la personne qui sollicite un avantage peut renverser en établissant qu'elle assume en réalité cette charge en lieu et place des parents.


Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 09 déc. 2011, n° 337990
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Jacques Arrighi de Casanova
Rapporteur ?: M. Nicolas Polge
Rapporteur public ?: M. Nicolas Boulouis
Avocat(s) : HAAS

Origine de la décision
Formation : 7ème et 2ème sous-sections réunies
Date de la décision : 09/12/2011
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 337990
Numéro NOR : CETATEXT000024942931 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2011-12-09;337990 ?
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