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14/12/2011 | FRANCE | N°342985

France | France, Conseil d'État, 5ème sous-section jugeant seule, 14 décembre 2011, 342985


Vu, 1°) sous le n° 342985, la requête, enregistrée le 3 septembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le SYNDICAT DES AGENCES DE PRESSE TELEVISEE, dont le siège est 24 rue du Faubourg Poissonnière à Paris (75010) ; le syndicat demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2010-747 du 2 juillet 2010 relatif à la contribution à la production d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles des services de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre ;

Vu, 2°) sous le n° 342986, la requête, enregistrée le 3

septembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pa...

Vu, 1°) sous le n° 342985, la requête, enregistrée le 3 septembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le SYNDICAT DES AGENCES DE PRESSE TELEVISEE, dont le siège est 24 rue du Faubourg Poissonnière à Paris (75010) ; le syndicat demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2010-747 du 2 juillet 2010 relatif à la contribution à la production d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles des services de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre ;

Vu, 2°) sous le n° 342986, la requête, enregistrée le 3 septembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le SYNDICAT DES PRODUCTEURS INDEPENDANTS, dont le siège est 1 bis rue du Havre à Paris (75008) ; le syndicat demande au Conseil d'Etat d'annuler le même décret du 2 juillet 2010 ;

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la directive 89/552/CEE du Conseil, du 3 octobre 1989, visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres relatives à l'exercice d'activités de radiodiffusion télévisuelle ;

Vu la directive 2010/13/UE du Parlement européen et du Conseil, du 10 mars 2010, visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels ;

Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, modifiée notamment par la loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Philippe Ranquet, Maître des Requêtes,

- les conclusions de Mme Sophie-Justine Lieber, rapporteur public ;

Considérant que les requêtes du SYNDICAT DES AGENCES DE PRESSE TELEVISEE et du SYNDICAT DES PRODUCTEURS INDEPENDANTS sont dirigées contre le même décret n° 2010-747 du 2 juillet 2010 ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Considérant qu'aux termes de l'article 27 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, dans sa rédaction résultant de la loi du 5 mars 2009 : Compte tenu des missions d'intérêt général des organismes du secteur public et des différentes catégories de services de communication audiovisuelle diffusés par voie hertzienne terrestre, des décrets en Conseil d'Etat fixent les principes généraux définissant les obligations concernant : / (...) 3° La contribution des éditeurs de services au développement de la production, en tout ou partie indépendante à leur égard, d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles, ainsi que la part de cette contribution ou le montant affectés à l'acquisition des droits de diffusion de ces oeuvres sur les services qu'ils éditent, en fixant, le cas échéant, des règles différentes pour les oeuvres cinématographiques et pour les oeuvres audiovisuelles et en fonction de la nature des oeuvres diffusées et des conditions d'exclusivité de leur diffusion (...) / En matière audiovisuelle cette contribution porte, entièrement ou de manière significative, sur la production d'oeuvres de fiction, d'animation, de documentaires de création, y compris de ceux qui sont insérés au sein d'une émission autre qu'un journal télévisé ou une émission de divertissement, de vidéo-musiques et de captation ou de recréation de spectacles vivants ; elle peut inclure des dépenses de formation des auteurs et de promotion des oeuvres (...) ; que l'article 28 de la même loi dispose que la délivrance des autorisations d'usage de la ressource radioélectrique pour chaque nouveau service diffusé par voie hertzienne terrestre, autre que ceux exploités par les sociétés nationales de programme, est subordonnée à la conclusion d'une convention passée entre le Conseil supérieur de l'audiovisuel au nom de l'Etat et la personne qui demande l'autorisation et indique que cette convention, qui doit respecter les règles générales fixées notamment en application de l'article 27, peut notamment porter sur les modalités permettant d'assurer la contribution au développement de la production d'oeuvres audiovisuelles ; que l'article 71-1 dispose que les décrets prévus à l'article 27 précisent les conditions dans lesquelles une oeuvre audiovisuelle peut être prise en compte au titre de la contribution d'un éditeur de services à la production indépendante en fonction de la part détenue, directement ou indirectement par l'éditeur de services, ou par le ou les actionnaires le contrôlant, au sens du 2° de l'article 41-3, au capital de l'entreprise qui produit l'oeuvre et interdisent la détention directe ou indirecte par l'éditeur de parts de producteur ;

Considérant que le décret attaqué, relatif à la contribution à la production d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles des services de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre, a été pris notamment pour l'application des dispositions des articles 27, 28 et 71-1 de la loi du 30 septembre 1986 ; qu'il impose aux éditeurs de services de consacrer chaque année une part annuelle de leur chiffre d'affaires annuel net de l'exercice précédent à des dépenses contribuant au développement de la production d'oeuvres audiovisuelles européennes ou d'expression originale française et fixe cette part, soit au moins à 15% du chiffre d'affaires, dont au moins 10,5% consacrés à des dépenses contribuant au développement de la production d'oeuvres patrimoniales, soit au moins à 12,5% lorsque ces dépenses sont entièrement consacrées à des oeuvres patrimoniales ; que pour les éditeurs de services consacrant plus de la moitié de leur temps de diffusion à des captations ou des recréations de spectacles vivants et des vidéomusiques et 40% de ce temps aux seules vidéomusiques, le décret fixe cette part à au moins 8% du chiffre d'affaires, dont au moins 7,5% consacrés à des dépenses contribuant au développement de la production d'oeuvres patrimoniales ; qu'il définit comme patrimoniales les oeuvres énumérées à la première phrase du deuxième alinéa du 3° de l'article 27 de la loi du 30 septembre 1986 ; qu'il dispose, par ailleurs, qu'une part des dépenses obligatoires est consacrée au développement de la production indépendante et précise les critères selon lesquels ces dépenses sont prises en compte au titre du développement de la production indépendante ;

Sur la légalité externe :

Considérant que le gouvernement n'était pas tenu de joindre au projet de décret transmis pour avis au Conseil supérieur de l'audiovisuel les résultats de la consultation publique qu'il avait antérieurement organisée sur le site internet du ministère de la culture et de la communication ; qu'il ressort des pièces du dossier que le gouvernement a transmis au conseil supérieur, avant qu'il ne se prononce, le dernier état du projet de décret ; que les membres de ce conseil ont été régulièrement convoqués à la séance du 4 mai 2010 ; qu'au cours de cette séance, il s'est prononcé sur le projet de décret en présence de ses neufs membres ; que par suite, le moyen tiré de ce que le Conseil supérieur de l'audiovisuel n'aurait pas été régulièrement consulté manque en fait ;

Considérant qu'en prenant les dispositions attaquées, l'auteur du décret n'a pas excédé la compétence découlant des articles 27 et 71-1 de la loi du 30 septembre 1986 qui prévoient que seront fixés, par décret en Conseil d'Etat, les principes généraux relatifs à la contribution des éditeurs de services au développement de la production audiovisuelle et les conditions dans lesquelles une oeuvre peut être prise en compte au titre de cette contribution ; que ces dispositions n'empiètent pas sur le pouvoir du Conseil supérieur de l'audiovisuel de fixer, pour chaque service, cette contribution par voie conventionnelle, lequel s'exerce, comme le rappelle l'article 28 de la loi, dans les respect des règles générales prises en application de l'article 27 ;

Sur la légalité interne :

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 5 de la directive 89/552/CEE du 3 octobre 1989 dite Télévision sans frontières :

Considérant qu'aux termes de l'article 5 de cette directive, ultérieurement repris à l'article 17 de la directive 2010/13/UE dite Services de médias audiovisuels : Les Etats membres veillent, chaque fois que cela est réalisable et par des moyens appropriés, à ce que les organismes de radiodiffusion télévisuelle réservent au moins 10 % de leur temps d'antenne, à l'exclusion du temps consacré aux informations, à des manifestations sportives, à des jeux, à la publicité, aux services de télétexte et au téléachat, ou alternativement, au choix de l'État membre, 10 % au moins de leur budget de programmation, à des oeuvres européennes émanant de producteurs indépendants d'organismes de radiodiffusion télévisuelle. Cette proportion, compte tenu des responsabilités de l'organisme de radiodiffusion télévisuelle à l'égard de son public en matière d'information, d'éducation, de culture et de divertissement, devra être obtenue progressivement sur la base de critères appropriés. ; que, selon l'article 4 de la même directive : 1. Les Etats membres ont la faculté, en ce qui concerne les fournisseurs de services de médias qui relèvent de leur compétence, de prévoir des règles plus détaillées ou plus strictes dans les domaines couverts par la présente directive, sous réserve que ces règles soient conformes au droit de l'Union ;

Considérant que le décret attaqué a, en contrepartie de l'instauration d'une obligation nouvelle de contribution à la production d'oeuvres audiovisuelles européennes ou d'expression originale française patrimoniales, abaissé le niveau de la contribution à la production indépendante exprimé en pourcentage des ressources nettes du service, ce qu'il lui était loisible de faire, dès lors que les règles ainsi fixées demeuraient compatibles avec les objectifs de la directive ; que tel est le cas, dès lors que l'article 15 du décret impose aux éditeurs de consacrer au moins 9% de leur chiffre d'affaires annuel net au développement de la production indépendante, soit une contribution supérieure à l'objectif de 10% du budget de programmation fixé par la directive ;

En ce qui concerne le moyen tiré de l'atteinte à la liberté contractuelle :

Considérant que l'article 15 du décret, qui définit les critères selon lesquels les dépenses de l'éditeur de service peuvent être décomptées au titre de sa contribution à la production indépendante, précise que ces dépenses concernent notamment des oeuvres sur lesquelles l'éditeur ne détient pas directement ou indirectement de parts de producteur et ne prend pas personnellement ou ne partage pas solidairement l'initiative et la responsabilité financière, technique et artistique de la réalisation de l'oeuvre et n'en garantit pas la bonne fin et précise que l'éditeur lorsqu'il a financé une part substantielle du coût total de l'oeuvre, (...) peut détenir un droit sur les recettes d'exploitation dans des conditions précisées par les conventions (...) passées avec le Conseil supérieur de l'audiovisuel ;

Considérant que ces dispositions ont pour seul objet de renvoyer à la convention passée entre l'autorité de régulation et l'éditeur de service le soin de déterminer les modalités selon lesquelles, lorsqu'un droit à recettes sur l'exploitation d'une oeuvre a été contractuellement consenti par le producteur à l'éditeur, cette oeuvre peut néanmoins être décomptée dans la contribution à la production indépendante de l'éditeur ; que ces dispositions, qui sont prises pour l'application de l'article 71-1 de la loi du 30 septembre 1986, précisent les modalités définies à cet article ; que par suite, contrairement à ce que soutiennent les requérants, ces dispositions n'ont ni pour objet ni pour effet de donner au Conseil supérieur de l'audiovisuel compétence pour fixer le droit à recettes de l'éditeur sur les oeuvres qu'il a financées ni de porter atteinte à la liberté contractuelle ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation du décret attaqué ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les requêtes du SYNDICAT DES AGENCES DE PRESSE TELEVISEE et du SYNDICAT DES PRODUCTEURS INDEPENDANTS sont rejetées.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au SYNDICAT DES AGENCES DE PRESSE TELEVISEE, au SYNDICAT DES PRODUCTEURS INDEPENDANTS, au Premier ministre et au ministre de la culture et de la communication.

Copie en sera adressée pour information au Conseil supérieur de l'audiovisuel.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 14 déc. 2011, n° 342985
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : Mme Sylvie Hubac
Rapporteur ?: M. Philippe Ranquet
Rapporteur public ?: Mme Sophie-Justine Lieber

Origine de la décision
Formation : 5ème sous-section jugeant seule
Date de la décision : 14/12/2011
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 342985
Numéro NOR : CETATEXT000024985317 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2011-12-14;342985 ?
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