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15/12/2011 | FRANCE | N°354199

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 15 décembre 2011, 354199


Vu la requête, enregistrée le 21 novembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par l'UNION NATIONALE DES ÉTUDIANTS DE FRANCE (UNEF), dont le siège est situé au 112, boulevard de la Villette à Paris (75019), l'UNION NATIONALE DES ÉTUDIANTS DE FRANCE A.G.E. DE NANCY, dont le siège est situé à la faculté de lettres et de sciences humaines, 23 boulevard Albert 1er à Nancy (54100) et l'ASSEMBLÉE GÉNÉRALE ÉTUDIANTE DE L'UNEF METZ, dont le siège est situé à l'Université de Metz, Ile de Saulcy à Metz (57000) ; l'UNEF et autres demandent au juge des rÃ

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Vu la requête, enregistrée le 21 novembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par l'UNION NATIONALE DES ÉTUDIANTS DE FRANCE (UNEF), dont le siège est situé au 112, boulevard de la Villette à Paris (75019), l'UNION NATIONALE DES ÉTUDIANTS DE FRANCE A.G.E. DE NANCY, dont le siège est situé à la faculté de lettres et de sciences humaines, 23 boulevard Albert 1er à Nancy (54100) et l'ASSEMBLÉE GÉNÉRALE ÉTUDIANTE DE L'UNEF METZ, dont le siège est situé à l'Université de Metz, Ile de Saulcy à Metz (57000) ; l'UNEF et autres demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution du décret n°2011-1169 du 22 septembre 2011 portant création de l'université de Lorraine ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative;

elles soutiennent que leur requête est recevable ; qu'elles ont intérêt à agir dès lors qu'elles ont pour mission de défendre les intérêts des étudiants ; que la condition d'urgence est remplie dans la mesure où le décret contesté porte une atteinte grave et immédiate à leurs intérêts et à ceux des étudiants dont elles défendent les intérêts ; que le décret litigieux est susceptible d'affecter l'accès des bacheliers et étudiants à l'enseignement supérieur et porte directement atteinte aux conditions de représentation des étudiants ; que la fusion réalisée au 1er janvier 2012 aura des conséquences irréversibles même si le décret contesté devait être ultérieurement annulé par le Conseil d'Etat ; que cette situation porte atteinte au respect du principe de sécurité juridique ; qu'il existe un doute sérieux quant à la légalité du décret contesté ; qu'il a été pris par une autorité incompétente, en violation des articles 34 et 37 de la Constitution ; qu'il est entaché d'incompétence négative en ce qu'il méconnaît les dispositions des articles L. 711-4 et L. 717-1 du code de l'éducation ; qu'il est entaché de vice de forme dès lors qu'il a été pris en méconnaissance des dispositions de l'article L. 612-6 du même code ; que le recours au statut de grand établissement constitue un détournement de pouvoir, méconnaît l'article L. 717-1 du code de l'éducation et révèle une erreur manifeste d'appréciation, l'université de Lorraine ne présentant aucune des spécificités autorisant le recours à ce statut ; que le décret contesté méconnaît le principe d'égalité et le droit à l'éducation en ne garantissant pas le maintien des formations actuellement dispensées et leur localisation ; que les dispositions du décret sont contraires aux articles L. 713-3, L. 713-4 et L. 713-9 du code de l'éducation et méconnaissent l'objectif à valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité des normes juridiques ; que la désignation des membres du conseil d'administration par les seuls présidents d'établissement porte atteinte au principe de gestion démocratique des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel, tel qu'il résulte notamment des dispositions de l'article L. 711-1 du code de l'éducation, aux intérêts des étudiants tenant à une représentation propre et authentique et au principe constitutionnel d'indépendance des professeurs ; que le décret méconnaît le principe de neutralité du service public ainsi que les dispositions de l'article 2 de la loi du 9 décembre 1905 et de l'article L. 141-6 du code de l'éducation, dans la mesure où la possibilité de dispenser des enseignements de théologie et de délivrer des diplômes sanctionnant une formation à caractère religieux hors du territoire concordataire n'est pas exclue ;

Vu le décret dont la suspension est demandée ;

Vu la copie de la requête à fin d'annulation du décret contesté ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 12 décembre 2011, présenté par le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que la requête à fin d'annulation est irrecevable en ce qu'elle émane de l'UNEF dont la compétence pour ester en justice se limite aux procédures contentieuses aux implications nationales ou inter-académiques ; que la condition d'urgence n'est pas remplie ; qu'en effet, les organisations requérantes ont attendu la limite du délai de recours pour introduire leur demande ; qu'en outre, aucune atteinte grave et immédiate aux intérêts défendus par les requérantes ne peut être établie ; que la fusion des établissements permettra d'améliorer l'accessibilité à l'enseignement supérieur et d'enrichir l'offre de formation ; que la représentation des étudiants est garantie par le décret ; que le projet a été soutenu par les principaux acteurs syndicaux et institutionnels ; que le moyen tiré de l'atteinte au principe de sécurité juridique est inopérant ; qu'il existe un intérêt public à ne pas suspendre l'exécution du décret dont la suspension, d'une part, serait cause de difficultés sérieuses de gestion susceptibles d'affecter le bon fonctionnement des établissements et la continuité du service public de l'enseignement supérieur et, d'autre part, nuirait à la situation des étudiants et aux intérêts socioéconomiques de la région de Lorraine ; qu'aucun des moyens soulevés n'est susceptible de créer un doute sérieux quant à la légalité du décret contesté ; que les moyens tirés de l'incompétence du pouvoir réglementaire, de la méconnaissance des exigences résultant des dispositions combinées des articles L. 711-4 et L. 717-1 du code de l'éducation et de l'existence d'un vice de forme doivent être écartés ; que le décret contesté n'est pas entaché d'un détournement de pouvoir, d'une violation de l'article L. 717-1 du code de l'éducation ou d'une erreur manifeste d'appréciation ; qu'en effet, le choix du statut de grand établissement est justifié par la nécessité d'adopter un mode d'organisation et de gouvernance permettant de prendre en compte les caractéristiques propres et la singularité du nouvel établissement créé ; que le moyen tiré de la violation du principe d'égalité et du droit à l'éducation ne peut être utilement invoqué dès lors que le décret ne contient aucune disposition relative à la suppression d'enseignements ou de formations ; que les dispositions du décret relevant d'une combinaison de dispositions générales et de dispositions spéciales ne sont pas de nature à soulever une difficulté d'interprétation méconnaissant l'objectif d'accessibilité et d'intelligibilité des normes juridiques ; que le décret garantit une représentation équilibrée, propre et authentique au sein du conseil d'administration provisoire, lequel vise à répondre aux impératifs de sécurité juridique et de continuité du service public, dans la mesure où ses membres seront issus des anciens conseils démocratiquement élus des quatre établissements faisant l'objet de la fusion ; que l'enseignement de la théologie et des sciences religieuses s'inscrit dans une approche pluridisciplinaire des sciences humaines et sociales et ne saurait par suite être regardé comme portant atteinte au principe de neutralité du service public ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 12 décembre 2011, présenté pour l'université de Lorraine, l'université de Metz, l'université de Nancy I, l'université de Nancy II et l'institut national polytechnique de Lorraine qui conclut au rejet de la requête ; ils soutiennent que l'urgence n'est pas caractérisée ; que les requérantes ont en effet introduit leur demande un jour avant l'expiration du délai de recours ; qu'aucune atteinte grave et immédiate à un intérêt public ou aux intérêts défendus par les associations requérantes ne peut être établie ; que le projet a été soutenu par les principaux syndicats professionnels et étudiants ; que les dispositions du décret garantissent la représentation des étudiants au sein des différents conseils ; que la suspension du décret porterait une atteinte grave, d'une part, à l'intérêt public que constitue la continuité du service public de l'enseignement supérieur et de la recherche, dès lors qu'elle préjudicierait au bon fonctionnement des universités sur le plan organisationnel, budgétaire et financier et déstabiliserait les étudiants dans leur choix d'orientation et, d'autre part, à l'un des leviers essentiels de la politique de développement économique et social de la région ; que les moyens tirés de l'incompétence du pouvoir réglementaire, de l'incompétence négative du décret et de l'existence d'un vice de forme ne sont pas de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité du décret contesté ; que le décret n'est entaché ni de détournement de pouvoir ni d'erreur manifeste d'appréciation et ne méconnaît pas les dispositions de l'article L. 717-1 du code de l'éducation dans la mesure où la particularité de l'université de Lorraine tenant au secteur géographique concerné et aux spécificités pédagogiques et scientifiques justifie le recours au statut de grand établissement ; que le moyen tiré de la méconnaissance de l'objectif d'accessibilité et d'intelligibilité des normes juridiques est inopérant ; que le moyen tiré de la violation du principe d'égal accès à l'éducation ne peut être utilement invoqué ; que les dispositions transitoires prévus par le décret et visant à répondre aux impératifs de sécurité juridique et de continuité du service public ne portent pas atteinte aux principes d'indépendance des professeurs et de représentation des étudiants, et garantissent une représentation équilibrée, propre et authentique au sein du conseil d'administration provisoire ; que les formations dispensées par l'université de Lorraine ne font pas obstacle au respect du principe de laïcité ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution ;

Vu le code de l'éducation ;

Vu la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat ;

Vu la loi n° 84-52 du 26 janvier 1984 sur l'enseignement supérieur ;

Vu la loi n° 2007-1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, l'UNION NATIONALE DES ÉTUDIANTS DE FRANCE, l'UNION NATIONALE DES ÉTUDIANTS DE FRANCE A.G.E. DE NANCY et l'ASSEMBLÉE GÉNÉRALE ÉTUDIANTE DE L'UNEF METZ et, d'autre part, le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, l'université de Lorraine, l'université de Metz, l'université de Nancy I, l'université de Nancy II et l'institut national polytechnique de Lorraine ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du jeudi 15 décembre 2011 à 12 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- les représentants de l'UNION NATIONALE DES ÉTUDIANTS DE FRANCE, de l'UNION NATIONALE DES ÉTUDIANTS DE FRANCE A.G.E. DE NANCY et de l'ASSEMBLÉE GÉNÉRALE ÉTUDIANTE DE L'UNEF METZ ;

- les représentants du ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche ;

- Me Molinié, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de l'université de Lorraine, de l'université de Metz, de l'université de Nancy I, de l'université de Nancy II et de l'institut national polytechnique de Lorraine ;

- les représentants de l'université de Lorraine, de l'université de Metz, de l'université de Nancy I, de l'université de Nancy II et de l'institut national polytechnique de Lorraine ;

et à l'issue de laquelle l'instruction a été close ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête ;

Considérant qu'en vertu du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution d'une décision administrative à la condition, notamment, que l'urgence le justifie ; que tel est le cas lorsque l'exécution d'un acte porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre ; qu'il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies, si les effets de l'acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue ;

Considérant que les organisations requérantes demandent, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution du décret du 22 septembre 2011 portant création de l'université de Lorraine, issue du regroupement des universités de Metz, Nancy I et Nancy II ainsi que de l'institut national polytechnique de Lorraine ;

Considérant que, pour justifier de l'urgence qui s'attache à ce que soit ordonnée la suspension de l'exécution de ce décret, les organisations requérantes font valoir, en premier lieu, que les dispositions du décret sont de nature à préjudicier aux intérêts des étudiants du nouvel établissement dès lors que les modifications de la carte universitaire qui en résulteront pourront conduire à la suppression de formations ou à des regroupements de formations sur un nombre limité de sites ; qu'ainsi l'accès des bacheliers et étudiants à l'enseignement supérieur est susceptible d'être compromis ; qu'il ne ressort cependant ni des éléments versés au dossier ni des indications données lors de l'audience de référé que de tels effets seraient susceptibles de se produire à brève échéance ; qu'ils ne résulteraient pas directement, en tout état de cause, des dispositions du décret contesté ;

Considérant que si les organisations requérantes soutiennent, en deuxième lieu, que les modalités de représentation des étudiants au sein des instances universitaires seront affectées, en particulier la proportion de représentants des étudiants, aucun des effets mentionnés n'est la conséquence nécessaire et immédiate des dispositions du décret contesté ; que, d'ailleurs, le projet de règlement intérieur versé au dossier, qui sera prochainement soumis au conseil d'administration provisoire institué par l'article 21 du décret et qui, en vertu de l'article 15 du décret, fixe, dans le respect des principes d'autonomie et de démocratie universitaires, le nombre de sièges par catégorie au sein des différentes instances de l'université de Lorraine, ne confirme aucune des craintes invoquées ; que les associations requérantes, qui n'ont pas pour mission la défense des intérêts des personnels des universités, ne peuvent soutenir utilement que les intérêts de ces personnels seraient lésés par la création de l'université de Lorraine ;

Considérant, enfin, que la seule circonstance que le décret contesté fixe le siège de l'université de Lorraine à Nancy, hors des départements d'Alsace et de Moselle, et qu'ainsi l'université de Lorraine puisse dispenser des formations de théologie, aujourd'hui dispensées par l'université de Metz, et délivrer, au terme de l'année universitaire 2011-2012, des diplômes dans cette discipline, n'est pas, en tout état de cause, de nature à caractériser une atteinte grave et immédiate aux principes de la laïcité et de la neutralité de l'Etat à l'égard des cultes justifiant que l'exécution du décret attaqué soit suspendue, dès lors, notamment, qu'il est constant que les formations universitaires de théologie ne seront proposées aux étudiants, comme par le passé, que dans les limites du département de la Moselle ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans même qu'il soit nécessaire d'apprécier les motifs d'intérêt général invoqués en défense pour justifier la poursuite du processus de création de l'université de Lorraine, qu'à la date de la présente ordonnance la condition d'urgence, requise par l'article L. 521-1 du code de justice administrative pour justifier la suspension immédiate du décret contesté, n'est pas remplie ; qu'il y a lieu, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner si les organisations requérantes font état de moyens propres à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité du décret, de rejeter la requête, y compris les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de l'UNION NATIONALE DES ÉTUDIANTS DE FRANCE et autres est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à l'UNION NATIONALE DES ÉTUDIANTS DE FRANCE, à l'UNION NATIONALE DES ÉTUDIANTS DE FRANCE A.G.E. DE NANCY, à l'ASSEMBLÉE GÉNÉRALE ÉTUDIANTE DE L'UNEF METZ, au Premier ministre, au ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, à l'université de Lorraine, à l'université de Metz, à l'université de Nancy I, à l'université de Nancy II et à l'institut national polytechnique de Lorraine.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 354199
Date de la décision : 15/12/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 15 déc. 2011, n° 354199
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Christian Vigouroux
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:354199.20111215
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