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20/12/2011 | FRANCE | N°349926

France | France, Conseil d'État, 2ème sous-section jugeant seule, 20 décembre 2011, 349926


Vu la requête, enregistrée le 7 juin 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Awatef A, demeurant au ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 31 décembre 2010 portant retrait du décret en date du 8 juillet 2008 lui accordant la nationalité française et l'autorisant à franciser son prénom ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur, de l'outre mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, de lui restituer son passeport et sa carte d'identité ;

3°) de mettre à la

charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de j...

Vu la requête, enregistrée le 7 juin 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Awatef A, demeurant au ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 31 décembre 2010 portant retrait du décret en date du 8 juillet 2008 lui accordant la nationalité française et l'autorisant à franciser son prénom ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur, de l'outre mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, de lui restituer son passeport et sa carte d'identité ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

Vu la décision du 5 novembre 2008 portant délégation de signature ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Airelle Niepce, chargée des fonctions de Maître des requêtes,

- les conclusions de M. Damien Botteghi, rapporteur public ;

Considérant qu'aux termes de l'article 27-2 du code civil, dans sa rédaction applicable à la date du décret attaqué : Les décrets portant naturalisation ou réintégration peuvent être rapportés sur avis conforme du Conseil d'Etat dans le délai d'un an à compter de leur publication au Journal officiel si le requérant ne satisfait pas aux conditions légales ; si la décision a été obtenue par mensonge ou fraude, ces décrets peuvent être rapportés dans le délai de deux ans à partir de la découverte de la fraude ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A, ressortissante tunisienne arrivée en France avec sa famille en 2002, a formé une demande de naturalisation le 29 décembre 2005, enregistrée le 24 septembre 2007, dans laquelle elle a indiqué être célibataire ; qu'elle a déclaré sur l'honneur s'engager à signaler par écrit à la préfecture toute modification de sa situation personnelle et familiale ; qu'au vu de cette déclaration, elle a été naturalisée et autorisée à franciser son prénom par un décret du 8 juillet 2008 ; que, le 19 janvier 2009 , le ministre des affaires étrangères et européennes a informé le ministre chargé des naturalisations que Mme A avait épousé en Tunisie, le 18 août 2007, M. B, de nationalité tunisienne et résidant habituellement en Tunisie ; que, par le décret attaqué, le Premier ministre a rapporté le décret prononçant la naturalisation de Mme A au motif qu'il avait été pris au vu d'informations erronées délivrées par celle-ci quant à sa situation familiale ;

Considérant qu'il ressort des mentions de l'ampliation du décret attaqué certifiée conforme par le secrétaire général du gouvernement que le décret attaqué a été signé par le Premier ministre et contresigné par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration ; que l'ampliation notifiée à Mme A n'avait pas à être revêtue de ces signatures ;

Considérant qu'à la date du 12 juin 2009, à laquelle le Gouvernement a fait connaître à Mme A son intention de rapporter son décret de naturalisation et l'a invitée à formuler éventuellement des observations, l'adjoint au chef du bureau des affaires juridiques et du contentieux disposait en application des dispositions combinées du décret du 27 juillet 2005 et de la décision du 5 novembre 2008 pour signer, au nom du ministre, tous actes, arrêtés et décisions, à l'exclusion des décrets, dans la limite de ses attributions ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'adjoint au chef du bureau des affaires juridiques et du contentieux aurait été incompétent pour signer la lettre du 12 juin 2009 doit, en tout état de cause, être écarté ;

Considérant que le mariage contracté par Mme A le 18 août 2007 a constitué un changement dans sa situation personnelle et familiale qu'elle aurait dû signaler aux services en charges des naturalisations ; que si, pour établir sa bonne foi, Mme A soutient que, ayant déposé sa demande alors qu'elle était encore mineure, comme le permettent les dispositions de l'article 17-3 du code civil, elle n'a pas compris le sens et la portée de sa déclaration sur l'honneur du 29 décembre 2005, il ressort des pièces du dossier que l'intéressée, établie en France depuis 2002, scolarisée jusqu'en classe de seconde et dont le procès-verbal d'assimilation dressé durant l'instruction de sa demande de naturalisation atteste qu'elle possédait une connaissance suffisante de la langue française, n'a pu se méprendre, malgré son jeune âge, sur son obligation de déclarer aux autorités françaises les changements intervenus dans sa situation ; qu'il ressort aussi des pièces du dossier que Mme A n'a pas fait état de son mariage alors qu'elle avait été interrogée sur les liens qui la rattachaient encore à son pays d'origine au cours de son entretien d'assimilation, qui s'est déroulé le 24 septembre 2007, soit un mois à peine après son mariage ; qu'elle doit donc être regardée comme ayant sciemment dissimulé la modification intervenue dans sa situation matrimoniale ; que, par suite, en rapportant, dans le délai de deux ans à compter de la découverte de la fraude, la naturalisation de Mme A, le Premier ministre n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article 27-2 du code civil ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à demander l'annulation du décret du 13 décembre 2010 rapportant le décret du 8 juillet 2008 en tant qu'il prononçait sa naturalisation et francisait son prénom ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande Mme A au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de Mme A est rejetée

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme Awatef A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.


Synthèse
Formation : 2ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 349926
Date de la décision : 20/12/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 20 déc. 2011, n° 349926
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Edmond Honorat
Rapporteur ?: Mme Airelle Niepce
Rapporteur public ?: M. Damien Botteghi

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:349926.20111220
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