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23/12/2011 | FRANCE | N°322463

France | France, Conseil d'État, 9ème sous-section jugeant seule, 23 décembre 2011, 322463


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 17 novembre 2008 et 17 février 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE SD2R, dont le siège est 56 rue Alfred Mureril à Toulouse (31400) ; la SOCIETE SD2R demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 006BX00692 du 14 octobre 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement n° 0002339 du 17 janvier 2006 du tribunal administratif de Toulouse rejetant sa demande tendant à la déchar

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Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 17 novembre 2008 et 17 février 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE SD2R, dont le siège est 56 rue Alfred Mureril à Toulouse (31400) ; la SOCIETE SD2R demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 006BX00692 du 14 octobre 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement n° 0002339 du 17 janvier 2006 du tribunal administratif de Toulouse rejetant sa demande tendant à la décharge des compléments de taxe sur la valeur ajoutée, ensemble de la pénalité de 150 % qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 1995 au 31 décembre 1996 et, d'autre part, à la décharge des impositions et de la pénalité en litige ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa requête ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu l'ordonnance n°2005-1512 du 7 décembre 2005 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Pauline Flauss, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la SOCIETE SD2R,

- les conclusions de M. Frédéric Aladjidi, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la SOCIETE SD2R ;

Considérant que la SOCIETE SD2R, anciennement dénommée SARL Capitole, qui a exploité jusqu'au 31 octobre 1996 un établissement de restauration rapide à l'enseigne Mac Donald's, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période du 1er janvier 1995 au 31 décembre 1996 ; que la comptabilité de la société étant tenue au moyen de systèmes informatisés, le vérificateur a procédé, conformément aux dispositions de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales et selon les modalités prévues par les dispositions de l'article L. 47 A du même livre, aux traitements informatiques utiles au contrôle portant sur les systèmes de caisses ; qu'à cette occasion, l'administration a constaté, d'une part, que l'entreprise n'avait conservé au titre de la période vérifiée aucune des données de son système informatisé de caisses enregistreuses et, d'autre part, qu'elle avait présenté différentes versions des tables de paramétrage des produits et de la taxe sur la valeur ajoutée et qu'elle n'avait pas fourni la documentation informatique indispensable à la compréhension de son système informatisé ; que les différentes démarches entreprises par le vérificateur pour obtenir les éléments comptables de l'entreprise se sont révélées vaines ; que l'administration a déduit que ces manquements étaient constitutifs d'une opposition à contrôle fiscal au sens et pour l'application du deuxième alinéa de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales ; que l'EURL NEW CAPITOLE ayant, à compter du 1er novembre 1996, poursuivi l'activité de la SOCIETE SD2R sans discontinuité avec les mêmes dirigeants et dans les mêmes conditions d'exploitation que la SOCIETE SD2R, l'administration a utilisé, en l'absence de données exploitables au titre des périodes 1995 et 1996, les éléments recueillis à l'occasion de la vérification de comptabilité de l'EURL, relatifs au second semestre 1997, qu'il a extrapolés rétroactivement aux exercices clos en 1995 et 1996 ; qu'à la suite de ces opérations de contrôle, l'administration a notifié à la SOCIETE SD2R des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui, en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales, ont été assortis des pénalités prévues par l'article 1730 du code général des impôts alors applicable ; que par un jugement en date du 17 janvier 2006, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande de la SOCIETE SD2R tendant à la décharge de ces rappels en droits et pénalités ; que la cour administrative d'appel de Bordeaux a confirmé ce jugement par un arrêt en date du 14 octobre 2008 contre lequel la SOCIETE SD2R se pourvoit en cassation ;

En ce qui concerne l'étendue du litige :

Considérant que par une décision en date du 24 août 2011, l'administration a prononcé le dégrèvement de la somme de 41 428 euros ; qu'il n'y a donc plus lieu de statuer sur les conclusions du pourvoi dans la mesure de ce dégrèvement ;

En ce qui concerne le surplus des conclusions du pourvoi :

Considérant, en premier lieu, qu'en constatant que la SOCIETE SD2R avait fourni à l'administration, à l'occasion de la vérification de sa comptabilité, différentes versions des tables de paramétrages et omis de fournir des informations sur la gestion des logiciels des caisses nécessaires à la compréhension de son système informatique, la cour administrative d'appel de Bordeaux a souverainement apprécié les pièces du dossier sans les dénaturer ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'en énonçant, après avoir rappelé les termes de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, que la SOCIETE SD2R qui avait opté pour un traitement informatisé de sa comptabilité, n'avait pas présenté au vérificateur les données afférentes aux années 1995 et 1996 s'agissant des mouvements des caisses enregistreuses, en méconnaissance de ses obligations de conservation des informations sur support informatique pour en déduire que la société avait empêché la mise en oeuvre par l'administration des opérations prévues à l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales pour la période correspondant aux années 1995 et 1996, la cour n'a pas dénaturé les pièces du dossier ; que la cour a également relevé qu'en fournissant différentes versions des tables de paramétrage et en omettant de fournir des informations sur la gestion des logiciels des caisses nécessaires à la compréhension du système informatique du restaurant, la société ne pouvait être regardée que comme ayant voulu égarer le vérificateur et qu'elle témoignait d'un comportement qui caractérise une opposition à contrôle fiscal ; que, ce faisant, la cour administrative d'appel n'a pas soulevé un moyen nouveau et par conséquent méconnu le principe du contradictoire, dès lors que l'appréciation du comportement de la société était nécessaire pour répondre à son moyen contestant l'existence d'une opposition à contrôle fiscal ; qu'en se fondant sur le comportement précédemment décrit de la société, en écartant l'argument tiré du caractère prétendument fortuit d'une défaillance informatique, pour en déduire que celui-ci était caractéristique d'une opposition à contrôle fiscal, elle n'a pas davantage commis d'erreur de droit ni d'erreur de qualification juridique ;

Considérant, en troisième lieu, que la cour a porté sur les faits de l'espèce et les pièces du dossier une appréciation souveraine exempte de dénaturation en jugeant que l'administration avait constaté des discordances entre le montant des résultats et le montant des ventes déclarées par la société au taux réduit et en avait conclu que cette discordance correspondait nécessairement à des ventes imposables au taux normal mais déclarées au taux réduit ;

Considérant, en quatrième lieu, que la cour n'était pas tenue de répondre à l'argument tiré de ce que, malgré la discordance décrite ci-dessus, l'exploitation des données avait permis d'établir une proportion respective de 73 % et 27 % des ventes soumises au taux normal et au taux réduit ; qu'elle a par ailleurs suffisamment motivé son arrêt, sans dénaturer les pièces du dossier ni commettre d'erreur de droit, en constatant que la méthode de reconstitution des recettes utilisée par l'administration n'était pas sérieusement contestée par la société et qu'elle n'était ni sommaire ni viciée dans son principe ;

Considérant enfin que la cour a pu, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, juger que la méthode alternative proposée par la société, ne constituait pas une méthode alternative sérieuse de nature à se substituer à celle retenue par l'administration ;

En ce qui concerne les pénalités :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1730 du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable : Dans le cas d'évaluation d'office des bases d'imposition prévue à l'article L. 74 du livre des procédures fiscales, les suppléments de droits mis à la charge du contribuable sont assortis, outre l'intérêt de retard visé à l'article 1727 calculé dans les conditions définies à l'article 1727 A et au 2 de l'article 1729, d'une majoration de 150 p. 100. ;

Considérant que, d'une part, le législateur a prévu dans le code général des impôts plusieurs sanctions qui visent à réprimer des comportements de non-respect des obligations déclaratives, de gravité croissante ; que le pouvoir de contrôle de l'administration fait partie intégrante du système déclaratif, dont il constitue la contrepartie nécessaire ; que, dans ces conditions, l'amende sanctionnant l'infraction d'opposition à contrôle fiscal, instituée par les dispositions précitées de l'article 1730 du code général des impôts, appartient à un même ensemble de sanctions relatives à la violation des obligations déclaratives, qui comporte notamment les sanctions prévues aux articles 1728 et 1729 du même code réprimant les comportements de retard, d'insuffisance ou d'omission de déclaration, dont elle constitue la plus sévère compte tenu de sa particulière gravité ; que le taux de la pénalité fiscale prévue à l'ancien article 1730 était de 150 %, et les taux prévus aux articles 1728 et 1729, étaient de 10 %, 40 % ou 80 % ; que les dispositions des articles 1728, 1729 et 1730 du code général des impôts proportionnaient l'amende qu'elles instituaient au montant des sommes sur lesquelles portait l'infraction que l'amende visait à réprimer ; qu'en outre, les dispositions de l'article 1728 prévoyaient des taux de majoration différents selon que le défaut de déclaration dans le délai était constaté sans mise en demeure de l'intéressé ou après une ou deux mises en demeure infructueuses ; que la loi elle-même avait ainsi assuré, dans une certaine mesure, la modulation des peines en fonction de la gravité des comportements réprimés ; que, d'autre part, le juge de l'impôt exerce un plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration pour appliquer l'amende et décide, selon les résultats de ce contrôle, soit de maintenir cette amende, soit d'en prononcer la décharge ; que, dès lors, en jugeant, par adoption des motifs des premiers juges, que les dispositions de l'article 1730 du code général des impôts n'étaient pas incompatibles avec les stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, alors même qu'elles ne conféraient pas au juge un pouvoir de modulation du taux de l'amende qu'elles prévoyaient, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ;

Considérant, en second lieu, qu'ainsi qu'il a été précédemment rappelé, l'administration, faisant application de l'ordonnance du 7 décembre 2005 susvisée, a accordé en cours d'instance un dégrèvement correspondant à la substitution, à la majoration de 150 % prévue en cas d'opposition à contrôle fiscal par l'article 1730 du code général des impôts dans sa version applicable à l'époque des faits, de la majoration de 100 % désormais prévue par l'article 1732 du même code ; que par suite, au regard des conclusions restant en litige, la SOCIETE SD2R ne saurait utilement se prévaloir de ce que la cour aurait méconnu les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et libertés fondamentales en ne relevant pas d'office l'application d'un taux de pénalité plus favorable, de 100 %, au montant des pénalités qui lui avaient été infligées ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que, dans la mesure des conclusions restant en litige, le pourvoi de la SOCIETE SD2R doit être rejeté ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la société au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

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Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions du pourvoi de la SOCIETE SD2R à concurrence de la somme de 41 428 euros.

Article 2 : Le surplus des conclusions du pourvoi de la SOCIETE SD2R est rejeté.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE SD2R et à la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement.


Synthèse
Formation : 9ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 322463
Date de la décision : 23/12/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 23 déc. 2011, n° 322463
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Jean-Pierre Jouguelet
Rapporteur ?: Mme Pauline Flauss
Rapporteur public ?: M. Frédéric Aladjidi
Avocat(s) : SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:322463.20111223
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