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23/12/2011 | FRANCE | N°328213

France | France, Conseil d'État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 23 décembre 2011, 328213


Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 25 mai 2009 et 9 avril 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Miloud B, demeurant ... et pour Mme Yamina A, demeurant ... ; M. B et Mme A demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé par M. B dirigé contre la décision implicite par laquelle le consul général de France à Oran (Algérie) a refusé de lui délivrer un

visa d'entrée et de long séjour en France en qualité de conjoint de ressort...

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 25 mai 2009 et 9 avril 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Miloud B, demeurant ... et pour Mme Yamina A, demeurant ... ; M. B et Mme A demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé par M. B dirigé contre la décision implicite par laquelle le consul général de France à Oran (Algérie) a refusé de lui délivrer un visa d'entrée et de long séjour en France en qualité de conjoint de ressortissante française ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de procéder au réexamen de la demande de visa dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention franco-algérienne du 27 août 1964 relative à l'exequatur et à l'extradition ;

Vu le code civil ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de procédure civile,

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Nadia Bergouniou-Gournay, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,

- les observations de Me Ricard, avocat de Mme A,

- les conclusions de M. Cyril Roger-Lacan, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à Me Ricard, avocat de Mme A ;

Considérant que M. B, ressortissant algérien et Mme A, de nationalité française, demandent au Conseil d'Etat d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé par M. B dirigé contre la décision implicite par laquelle le consul général de France à Oran (Algérie) a refusé de lui délivrer un visa d'entrée et de long séjour en France en qualité de conjoint de ressortissant français ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 5 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public : Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais de recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande (...) ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. B n'a pas demandé la communication des motifs de la décision attaquée; qu'il suit de là que le moyen tiré du défaut de motivation de la décision implicite de la commission de recours doit être écarté ;

Considérant, en second lieu, que les jugements rendus par un tribunal étranger relativement à l'état et à la capacité des personnes produisent leurs effets en France indépendamment de toute déclaration d'exequatur, sauf dans la mesure où ils impliquent des actes d'exécution matérielle sur des biens ou de coercition sur des personnes ; qu'il incombe à l'autorité administrative de tenir compte de tels jugements, dans l'exercice de ses prérogatives, tant qu'ils n'ont pas fait l'objet d'une déclaration d'inopposabilité; que, compétemment saisi d'un litige posant des questions relatives à l'état et la capacité des personnes, il n'appartient pas au juge administratif de se prononcer sur l'opposabilité en France d'un jugement rendu en cette matière par un tribunal étranger ; que, si elles s'y croient fondées, les parties peuvent saisir le juge judiciaire qui est seul compétent pour se prononcer sur l'effet de plein droit de tels jugements ; qu'il appartient toutefois à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de ne pas fonder sa décision sur des éléments issus d'un jugement étranger qui révélerait l'existence d'une fraude ou d'une situation contraire à la conception française de l'ordre public international ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que si M. B et Mme A se sont mariés le 23 juin 2007 à la mairie d'Aïn Fettah en Algérie et si leur mariage a été transcrit sur les registres d'état civil français, le tribunal de Nedroma (Algérie) a ensuite dissous leur mariage par un jugement rendu le 25 mai 2008 ; que la commission de recours s'est fondée sur cette circonstance pour refuser le visa sollicité au motif que M. B ne possédait plus la qualité de conjoint de ressortissant français qu'il invoquait au soutien de sa demande ; que M.B et Mme A soutiennent que, ce faisant, la commission a commis une erreur de droit dans la mesure où le jugement du 25 mai 2008 ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles l'article 1er de la convention franco-algérienne du 27 août 1964, relative à l'exequatur des décisions rendues en matière civile et commerciale et à l'extradition, subordonne l'effet de plein de droit des décisions émanant d'une juridiction siégeant en Algérie ; qu'ils font à cet égard valoir que le jugement de divorce émane d'une juridiction incompétente et que le divorce a été prononcé en l'absence de tentative de conciliation et de convocation des époux, en méconnaissance des stipulations respectivement du a) et du b) de l'article 1er de ladite convention ; que, toutefois, les requérants ne sauraient utilement invoquer la méconnaissance de ces stipulations de la convention franco-algérienne du 27 août 1964, dont le d) de l'article 1er stipule que les décisions rendues par les juridictions siégeant en France ou en Algérie ne doivent pas, dès lors qu'elles sont invoquées sur le territoire de l'autre Etat, être contraires à l'ordre public de cet Etat, alors que ni l'une ni l'autre des stipulations invoquées n'est relative à des questions touchant à la conception française de l'ordre public international ; qu'il suit de là qu'en prenant en compte la dissolution du mariage prononcée par le jugement du 25 mai 2008 dont il n'est ni soutenu ni même allégué qu'il serait entaché de fraude ou qu'il créerait une situation contraire à la conception française de l'ordre public international, la commission des recours n'a pas commis d'erreur de droit ; qu'en fondant le refus contesté sur la circonstance que, les époux étant divorcés, M. B ne pouvait pas se prévaloir de la qualité de conjoint de ressortissant français, la commission n'a pas commis d'erreur d'appréciation ; que, compte tenu du motif qui fonde la décision contestée, M.B et Mme A ne sont pas fondés à soutenir que la décision attaquée a porté une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de leur vie privée et familiale ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B et Mme A ne sont pas fondés à demander l'annulation de la décision attaquée ; que, par suite, leurs conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être également rejetées ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. B et de Mme A est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Miloud B, Mme Yamina A, et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.


Synthèse
Formation : 6ème et 1ère sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 328213
Date de la décision : 23/12/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 23 déc. 2011, n° 328213
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Christian Vigouroux
Rapporteur ?: Mme Nadia Bergouniou-Gournay
Rapporteur public ?: M. Cyril Roger-Lacan
Avocat(s) : RICARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:328213.20111223
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