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23/12/2011 | FRANCE | N°330608

France | France, Conseil d'État, 3ème et 8ème sous-sections réunies, 23 décembre 2011, 330608


Vu le pourvoi, enregistré le 7 août 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT ; le ministre demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt n° 06MA001646 du 11 juin 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille, faisant droit à l'appel de la société Subtil France, a annulé le jugement n° 0201890 du 10 avril 2006 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de cette société tendant à la décharge des rappels de taxe sur la val

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Vu le pourvoi, enregistré le 7 août 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT ; le ministre demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt n° 06MA001646 du 11 juin 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille, faisant droit à l'appel de la société Subtil France, a annulé le jugement n° 0201890 du 10 avril 2006 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de cette société tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 1997 au 31 décembre 1998, ainsi que des intérêts de retard correspondants, et a prononcé la décharge demandée par cette société ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 ;

Vu la directive 91/680/CEE du Conseil du 16 décembre 1991 ;

Vu la directive 92/111/CEE du Conseil du 14 décembre 1992 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, Auditeur,

- les observations de la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la société Subtil France,

- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la société Subtil France ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Subtil France, qui a pour activité le commerce de produits de céramique et de faïence, a acquis en 1997 et 1998 des produits de faïence auprès de la société Faianca Subtil, établie au Portugal, et les a revendus à des clients établis dans des Etats membres de la Communauté européenne autres que le Portugal et la France en les acheminant directement du site de production portugais vers l'Etat de destination ; qu'elle a soumis ces opérations d'acquisition à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et a procédé à la déduction de la taxe ainsi acquittée ; qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 1997 au 31 décembre 1998, l'administration fiscale a remis en cause le droit à déduction de la TVA exercé par la société Subtil France ; que, par un jugement du 10 avril 2006, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de la société tendant à la décharge des rappels de TVA résultant de ces redressements ; que, par un arrêt du 11 juin 2009, contre lequel le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé ce jugement et déchargé la société Subtil France des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 1997 au 31 décembre 1998, ainsi que des pénalités correspondantes ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant qu'aux termes de l'article 258 C du code général des impôts dans sa rédaction applicable à la période d'imposition en litige : I. Le lieu d'une acquisition intracommunautaire de biens meubles corporels est réputé se situer en France lorsque les biens se trouvent en France au moment de l'arrivée de l'expédition ou du transport à destination de l'acquéreur. / II. Le lieu de l'acquisition est réputé se situer en France si l'acquéreur a donné au vendeur son numéro d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée en France et s'il n'établit pas que l'acquisition a été soumise à la taxe sur la valeur ajoutée dans l'Etat membre de destination des biens. / Toutefois, si l'acquisition est ultérieurement soumise à la taxe dans l'Etat membre où est arrivé le bien expédié ou transporté, la base d'imposition en France est diminuée du montant de celle qui a été retenue dans cet Etat (...) ; que l'article 271 du même code, dans sa rédaction alors applicable, dispose : I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. / (...) / II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : / (...) / d) Celle qui correspond aux factures d'acquisition intracommunautaire délivrées par leurs vendeurs dont le montant figure sur la déclaration de recettes conformément au b du 5 de l'article 287./ (...) / V. Ouvrent droit à déduction dans les mêmes conditions que s'ils étaient soumis à la taxe sur la valeur ajoutée : / (...) / d) Les opérations non imposables en France réalisées par des assujettis dans la mesure où elles ouvriraient droit à déduction si leur lieu d'imposition se situait en France (...) ;

Considérant que, par un arrêt du 22 avril 2010, Staatssecretaris van Financiën c/ X et Fiscale eenheid Facet BV (aff. C-536/08 et C-539/08), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que les dispositions de l'article 17, paragraphes 2 et 3, et de l'article 28 ter, A, paragraphe 2, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, doivent être interprétées en ce sens que l'assujetti qui relève de la situation visée au premier alinéa du paragraphe 2 du A de l'article 28 ter n'a pas le droit de déduire immédiatement la TVA ayant grevé en amont une acquisition intracommunautaire ; qu'en effet, ainsi que l'a jugé la Cour de justice de l'Union européenne dans cet arrêt, d'une part, les biens meubles corporels faisant l'objet d'une acquisition intracommunautaire réputée effectuée dans l'Etat membre d'identification de l'acquéreur en application du dispositif dit du filet de sécurité prévu par l'article 28 ter, A, paragraphe 2, de la directive 77/388/CEE n'ayant pas été réellement introduits dans cet Etat membre, ils ne sauraient y être utilisés pour les besoins des opérations taxables de cet assujetti ; que, d'autre part, le régime général de déduction de la taxe prévu à l'article 17 de la directive n'a pas vocation à se substituer au régime spécifique prévu au paragraphe 2 du A de l'article 28 ter de la directive, qui est fondé sur un mécanisme de réduction de base d'imposition permettant de corriger la double imposition ; qu'en outre, le fait d'accorder un droit à déduction dans un tel cas de figure risquerait de porter atteinte à l'effet utile du dispositif du filet de sécurité ainsi prévu et de mettre en péril l'application de la règle de base selon laquelle, s'agissant d'une acquisition intracommunautaire, le lieu d'assujettissement est réputé se situer dans l'Etat membre d'arrivée de l'expédition ou du transport, à savoir l'Etat membre de consommation finale, qui est l'objectif du régime transitoire ; qu'il résulte de l'interprétation ainsi donnée par la Cour de justice de l'Union européenne qu'un assujetti qui relève de la situation visée au premier alinéa du II de l'article 258 C du code général des impôts, pris pour la transposition du premier alinéa du paragraphe 2 du A de l'article 28 ter de la directive 77/388/CEE, ne saurait bénéficier du régime général de déduction prévu par les dispositions des II et V de l'article 271 du code général des impôts, pris pour la transposition des paragraphes 2 et 3 de l'article 17 de la directive 77/388/CEE ;

Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit qu'en jugeant que les opérations d'acquisitions relevant du II de l'article 258 C du code général des impôts ouvraient droit à déduction en application du d) du 1 du II de l'article 271 du même code, la cour administrative d'appel de Marseille a commis une erreur de droit ; que son arrêt doit, par suite, être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant qu'il est constant que les opérations litigieuses réalisées par la société Subtil France, par lesquelles elle a acquis des produits de faïence auprès d'un vendeur établi au Portugal et les a acheminés directement auprès de clients établis dans d'autres Etats membres de la Communauté européenne, sans que ces biens soient introduits physiquement en France, relèvent de la situation visée au II de l'article 258 C du code général des impôts, dès lors que cette société ne conteste pas avoir donné son numéro d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée en France et ne soutient plus en appel que ces opérations auraient été soumises à la taxe sur la valeur ajoutée dans l'Etat membre de destination des biens ; que, dès lors, cette société ne saurait bénéficier, s'agissant de la taxe ayant grevé ces acquisitions, du régime général de déduction prévu par l'article 271 du code général des impôts, ni sur le fondement du d) du II de cet article, ni sur celui du d) de son V ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Subtil France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 1997 au 31 décembre 1998 ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par la société Subtil France et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 11 juin 2009 est annulé.

Article 2 : La requête de la société Subtil France devant la cour administrative d'appel de Marseille et les conclusions présentées par cette société au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT, PORTE-PAROLE DU GOUVERNEMENT et à la société Subtil France.


Synthèse
Formation : 3ème et 8ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 330608
Date de la décision : 23/12/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 23 déc. 2011, n° 330608
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Emilie Bokdam-Tognetti
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:330608.20111223
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