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23/12/2011 | FRANCE | N°331659

France | France, Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 23 décembre 2011, 331659


Vu le pourvoi et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 septembre et 30 novembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE SEA CLUB, dont le siège social est situé 90, Grande Rue à Grèges (76370) ; la société demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 08DA00316 du 9 juillet 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement n° 0301681-0301682 du 8 janvier 2008 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses demandes tendant à la décharge, d'u

ne part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de con...

Vu le pourvoi et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 septembre et 30 novembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE SEA CLUB, dont le siège social est situé 90, Grande Rue à Grèges (76370) ; la société demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 08DA00316 du 9 juillet 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement n° 0301681-0301682 du 8 janvier 2008 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses demandes tendant à la décharge, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle de 10 % auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1997, 1998 et 1999, d'autre part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er octobre 1996 au 30 septembre 1999 ainsi que des pénalités correspondantes ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa requête d'appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Eliane Chemla, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de la SARL SEA CLUB,

- les conclusions de M. Laurent Olléon, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de la SARL SEA CLUB ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à l'issue de la vérification de comptabilité de la SOCIETE SEA CLUB, qui exploitait une discothèque, l'administration a procédé à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er octobre 1996 au 31 septembre 1999 et à l'établissement de cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des années 1997 à 1999 ; qu'en l'absence de réponse à ses réclamations, la société a saisi du litige le tribunal administratif de Rouen qui, par un jugement du 8 janvier 2008, a rejeté ses demandes ; qu'elle demande l'annulation de l'arrêt du 9 juillet 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a rejeté sa requête ;

Sur l'arrêt en tant qu'il porte sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant qu'aux termes de l'article 290 quater du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " I. Dans les établissements de spectacles comportant un prix d'entrée, les exploitants doivent délivrer un billet à chaque spectateur avant l'entrée dans la salle de spectacles. (...) II. Lorsqu'ils ne délivrent pas de billets d'entrée en application du I, les exploitants de discothèques et de cafés-dansants sont tenus de remettre à leurs clients un ticket émis par une caisse enregistreuse" ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 26 du livre des procédures fiscales : " Les agents de l'administration peuvent intervenir, sans formalité préalable et sans que leur contrôle puisse être retardé, dans les locaux professionnels des personnes soumises, en raison de leur profession, à la législation des contributions indirectes ou aux législations édictant les mêmes règles en matière de procédure et de recouvrement, pour y procéder à des inventaires, aux opérations nécessaires à la constatation et à la garantie de l'impôt et généralement aux contrôles qualitatifs et quantitatifs prévus par ces législations. " ;

Considérant, en premier lieu, qu'en jugeant qu'il résultait de l'instruction et notamment du procès-verbal du 9 juillet 1999, signé par le gérant de la société, que le contrôle dont celle-ci avait fait l'objet le 6 juin 1999 n'avait constitué qu'un contrôle de billetterie effectué par des agents de la brigade de contrôle et de recherche en application des dispositions des articles 290 quater du code général des impôts et L. 26 du livre des procédures fiscales, alors même que cette intervention avait été réalisée en présence d'agents de la gendarmerie nationale, lesquels avaient procédé au comptage des clients présents dans la discothèque, la cour, qui a suffisamment motivé son arrêt sur ce point et a répondu implicitement mais nécessairement au moyen tiré de ce que cette intervention ne constituait pas un contrôle inopiné, n'a ni dénaturé ni inexactement qualifié les faits soumis à son contrôle ; qu'en écartant, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 38 du livre des procédures fiscales relatif au droit de visite des agents des douanes et des droits indirects, elle n'a pas commis d'erreur de droit ;

Considérant, en deuxième lieu, que dans le cadre d'un contrôle effectué sur le fondement de l'article L. 26 du livre des procédures fiscales, l'administration peut consulter les registres de délivrance des billets et les souches de ces billets ; que, dès lors, après avoir relevé, par une appréciation souveraine, que les opérations de contrôle du 6 juin 1999 n'avaient donné lieu à l'examen ni des déclarations fiscales de la société ni de ses écritures comptables ou de pièces justificatives de ces écritures, alors même que lors de son audition du 18 juin 1999 préalable à l'établissement du procès-verbal, le gérant de la société avait présenté le registre de délivrance des billets d'entrée de la discothèque ainsi que les souches des billets délivrés entre le 1er janvier 1998 et le 5 juin 1999, la cour, en jugeant que cette intervention ne constituait pas le début d'une vérification de comptabilité, n'a commis ni erreur de droit ni erreur de qualification juridique ;

Considérant, enfin, que les irrégularités qui affectent les opérations de contrôle effectuées sur le fondement de l'article L. 26 du livre des procédures fiscale sont sans influence sur la régularité de la procédure d'imposition, sauf si celle-ci a eu pour seule fin de permettre des redressements fiscaux en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée ; qu'en conséquence, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que la circonstance que le contrôle de billetterie du 6 juin 1999 se serait déroulé sans débat oral et contradictoire était sans influence sur la régularité des impositions contestées, alors même qu'elle a relevé que la notification de redressements du 26 août 2000 faisait état, pour justifier le rejet par le vérificateur de la comptabilité présentée par la société, des résultats du contrôle de billetterie ;

Sur l'arrêt en tant qu'il porte sur le bien-fondé des impositions :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " (...) la charge de la preuve appartient au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission (...)" ;

Considérant que la cour a estimé, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, qu'en raison des graves irrégularités, qu'elle a relevées, qui entachaient la comptabilité produite par la société, l'administration était fondée à reconstituer les recettes de manière extra comptable ;

Considérant que la cour, qui n'était pas tenue de répondre à tous les arguments de la société, n'a pas dénaturé les pièces soumises à son examen en estimant, d'une part, que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires avait retenu une nouvelle méthode de reconstitution des recettes, d'autre part, que son avis était suffisamment motivé et, par suite, régulier ; qu'elle n'a pas, en conséquence, commis d'erreur de droit en jugeant que, compte tenu du caractère gravement irrégulier de la comptabilité et de ce que l'avis de la commission avait été suivi par l'administration, la charge de la preuve de l'exagération des impositions incombait à la société ;

Considérant que la cour a relevé, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, que l'allégation de la société selon laquelle l'évaluation des consommations offertes, pertes et consommations du personnel retenue par le service serait insuffisante n'était assortie d'aucun élément de preuve et qu'elle critiquait la reconstitution des recettes qui avait été abandonnée après l'avis de la commission départementale, sans proposer aucune méthode de reconstitution plus précise que celle utilisée par l'administration, qui a procédé à la reconstitution du chiffre d'affaires sans faire usage d'un ratio appliqué au produit de la vente des boissons consommées au bar ;

Sur l'arrêt en tant qu'il porte sur les pénalités :

Considérant, en premier lieu, que la cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que les dispositions du 1 de l'article 1729 du code général des impôts relatives aux pénalités pour mauvaise foi, qui proportionnent les pénalités aux agissements du contribuable et prévoient des taux de majoration différents selon la qualification qui peut être donnée au comportement de celui-ci, ne méconnaissent pas les stipulations du premier paragraphe de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, alors même qu'elles ne confèrent pas au juge un pouvoir de modulation du taux des pénalités qu'elles instituent ;

Considérant, en second lieu, que la cour a estimé, par une appréciation souveraine des faits qui lui étaient soumis, exempte de dénaturation, que les irrégularités comptables graves et répétées et les importantes minorations de recettes sur l'ensemble de la période vérifiée traduisaient le caractère délibéré des omissions constatées ; qu'en déduisant de ces faits que l'administration devait être regardée comme apportant la preuve de l'absence de bonne foi de la société, la cour a exactement qualifié les faits et n'a pas commis d'erreur de droit ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le pourvoi de la SOCIETE SEA CLUB doit être rejeté, y compris ses conclusions fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de la SOCIETE SEA CLUB est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE SEA CLUB et à la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement.


Synthèse
Formation : 8ème et 3ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 331659
Date de la décision : 23/12/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-03-01 CONTRIBUTIONS ET TAXES. GÉNÉRALITÉS. RÈGLES GÉNÉRALES D'ÉTABLISSEMENT DE L'IMPÔT. CONTRÔLE FISCAL. - PROCÉDURE DE CONTRÔLE PRÉVUE À L'ARTICLE L. 26 DU LPF - IRRÉGULARITÉS - ABSENCE D'INCIDENCE SUR LA RÉGULARITÉ DE LA PROCÉDURE D'IMPOSITION - EXCEPTION - HYPOTHÈSE DANS LAQUELLE CES OPÉRATIONS ONT EU POUR SEULE FIN DE PERMETTRE DES REDRESSEMENTS FISCAUX EN MATIÈRE D'IS ET DE TVA [RJ1].

19-01-03-01 La procédure de contrôle prévue à l'article L. 26 du livre des procédures fiscales (LPF) n'ayant pas un caractère fiscal, les irrégularités qui affectent les opérations de contrôle effectuées sur ce fondement sont sans influence sur la régularité de la procédure d'imposition, sauf si ces opérations ont eu pour seule fin de permettre des redressements fiscaux en matière d'impôt sur les sociétés (IS) et de taxe sur la valeur ajoutée (TVA).


Références :

[RJ1]

Cf. CE, 26 septembre 2001, SARL Espace Loisirs, n° 208238, p. 430 (fiché sur un autre point).


Publications
Proposition de citation : CE, 23 déc. 2011, n° 331659
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Jacques Arrighi de Casanova
Rapporteur ?: Mme Eliane Chemla
Rapporteur public ?: M. Laurent Olléon
Avocat(s) : SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:331659.20111223
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