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23/12/2011 | FRANCE | N°334523

France | France, Conseil d'État, 3ème et 8ème sous-sections réunies, 23 décembre 2011, 334523


Vu, 1° sous le n° 334523, la requête, enregistrée le 11 décembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Yves C et M. Daniel C, demeurant ... ; MM. C demandent au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir :

1°) le décret n° 2009-1217 du 9 octobre 2009 en tant qu'il homologue le cahier des charges de l'appellation d'origine contrôlée (AOC) " Bergerac " ;

2°) le décret n° 2009-1243 du 14 octobre 2009 en tant qu'il homologue le cahier des charges de l'AOC " Côtes de Bergerac " ;

3°) le décret n° 2009-1262 du 19 octobre

2009 en tant qu'il homologue les cahiers des charges des AOC " Montravel " et " Côtes ...

Vu, 1° sous le n° 334523, la requête, enregistrée le 11 décembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Yves C et M. Daniel C, demeurant ... ; MM. C demandent au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir :

1°) le décret n° 2009-1217 du 9 octobre 2009 en tant qu'il homologue le cahier des charges de l'appellation d'origine contrôlée (AOC) " Bergerac " ;

2°) le décret n° 2009-1243 du 14 octobre 2009 en tant qu'il homologue le cahier des charges de l'AOC " Côtes de Bergerac " ;

3°) le décret n° 2009-1262 du 19 octobre 2009 en tant qu'il homologue les cahiers des charges des AOC " Montravel " et " Côtes de Montravel " ;

Vu, 2° sous le n° 334564, la requête, enregistrée le 14 décembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Pierre A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2009-1217 du 9 octobre 2009 en tant qu'il homologue le cahier des charges de l'appellation d'origine contrôlée (AOC) " Bergerac " ;

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Vu, 3° sous le n° 334571, la requête, enregistrée le 14 décembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Pierre A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat d'annuler le décret n° 2009-1262 du 19 octobre 2009 en tant qu'il homologue les cahiers des charges des AOC " Montravel ", " Côtes de Montravel " et " Haut Montravel " ;

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le règlement (CE) n° 1234/2007du Conseil du 22 octobre 2007 ;

Vu le code rural ;

Vu les décrets n° 2011-1181, n° 2011-1182 et n° 2011-1184 du 23 septembre 2011, le décret n° 2011-1260 du 7 octobre 2001 et le décret n° 2011-1277 du 11 octobre 2011 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Christine Allais, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Didier, Pinet, avocat de l'Institut national de l'origine et de la qualité,

- les conclusions de M. Edouard Geffray, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Didier, Pinet, avocat de l'Institut national de l'origine et de la qualité ;

Considérant que les requêtes de MM. Yves et Daniel C et de M. A présentent à juger des questions semblables ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Sur l'intervention de M. Stéphane D :

Considérant que cette intervention n'est assortie d'aucun moyen ; qu'elle est, par suite, irrecevable ;

Sur les conclusions aux fins de non-lieu à statuer :

Considérant que les cahiers des charges annexés aux décrets dont les requérants demandent l'annulation ont produit leurs effets jusqu'à leur abrogation par les décrets des 23 septembre, 7 octobre et 11 octobre 2011 visés ci-dessus ; que, par suite, leur abrogation n'a pas rendu sans objet le litige soumis au juge de l'excès de pouvoir ;

Sur les décrets attaqués, en tant qu'ils homologuent les cahiers des charges des AOC " Bergerac ", " Côtes de Bergerac ", " Côtes de Montravel " et " Haut Montravel " :

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 641-7 du code rural : " La reconnaissance d'une appellation d'origine contrôlée est prononcée par un décret qui homologue un cahier des charges où figurent notamment la délimitation de l'aire géographique de production de cette appellation ainsi que ses conditions de production. " ; qu'en vertu de l'article R. 641-13 du même code, la demande de reconnaissance est soumise à une procédure nationale d'opposition d'une durée de deux mois organisée par le directeur de l'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO) après avis du comité national compétent ; qu'aux termes de l'article R. 641-14 du code, dans sa rédaction en vigueur à la date de la signature du décret attaqué du 9 octobre 2009 : " Lorsque des modifications du cahier des charges d'une appellation d'origine, d'une indication géographique protégée ou d'une spécialité traditionnelle sont envisagées, elles sont soumises pour approbation au comité national compétent. Si celui-ci estime qu'elles constituent des modifications majeures, une nouvelle homologation doit être sollicitée. " ; que ce même article R. 641-14, dans sa rédaction en vigueur à la date de la signature des décrets attaqués des 14 et 19 octobre 2009, disposait que : " Lorsque des modifications du cahier des charges d'une appellation d'origine, d'une indication géographique protégée ou d'une spécialité traditionnelle sont envisagées, elles sont soumises pour approbation au comité national compétent. Les modifications dont le comité national compétent estime qu'elles sont majeures doivent faire l'objet d'une nouvelle homologation. Elles sont, en ce cas, soumises à la procédure nationale d'opposition définie à l'article R. 641-13. " ;

Considérant que l'homologation des cahiers des charges relatifs aux appellations d'origine contrôlée (AOC) " Bergerac ", " Côtes de Bergerac ", " Côtes de Montravel " et " Haut Montravel " ne constituait pas la reconnaissance de nouvelles appellations, au sens de l'article R. 641-13 du code rural, mais une simple reprise des dispositions réglementaires relatives à ces appellations sous la forme de cahiers des charges, destinée à assurer le respect des prescriptions du règlement du Conseil du 22 octobre 2007 portant organisation commune des marchés dans le secteur agricole ;

Considérant, cependant, que des modifications ont à cette occasion été apportées aux règles de conduite de la vigne applicables à ces AOC, afin de mettre en oeuvre des règles communes définies par le comité national compétent de l'INAO pour la production de tous les vins bénéficiant d'une AOC ; qu'en particulier, les règles relatives à la densité minimale de plantation ont été modifiées et des règles nouvelles relatives à l'écartement maximal entre les rangs de vigne ont été instituées ; que ces modifications ont des incidences significatives sur la qualité et la typicité des vins concernés ; qu'une longue période transitoire, pouvant s'étendre jusqu'en 2049 pour l'AOC " Bergerac ", a d'ailleurs été prévue par les cahiers des charges litigieux pour permettre aux viticulteurs de s'adapter progressivement à cette nouvelle réglementation ; que, dès lors, ces modifications constituaient des modifications majeures, au sens de l'article R. 641-14 du code rural, imposant la mise en oeuvre d'une procédure nationale d'opposition ;

Considérant qu'il est constant qu'une telle procédure n'a pas été mise en oeuvre ; que, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des requêtes, les décrets attaqués doivent être annulés en tant qu'ils homologuent les cahiers des charges des AOC " Bergerac ", " Côtes de Bergerac ", " Côtes de Montravel " et " Haut Montravel " ;

Sur le décret du 19 octobre 2009, en tant qu'il homologue le cahier des charges de l'AOC " Montravel " :

En ce qui concerne la légalité externe :

Considérant, en premier lieu, qu'aucune disposition n'impose la constitution d'une commission d'enquête préalablement à la reconnaissance d'une AOC ; que, le " guide du demandeur d'une appellation d'origine contrôlée (AOC/AOP) " de l'INAO se bornant à prévoir que son comité national " nomme, s'il l'estime justifié, une commission d'enquête ", MM. Yves et Daniel C ne sont en tout état de cause pas fondés à soutenir que le décret qu'ils attaquent aurait dû être pris après la mise en place d'une commission d'enquête sur la modification des conditions de production résultant du cahier des charges de l'AOC " Montravel " ;

Considérant, en second lieu, que les règles relatives à la densité minimale de plantation et à l'écartement maximal entre les rangs de vigne, qui étaient fixées par le décret du 23 novembre 2001 à respectivement 5 000 pieds par hectare et deux mètres entre deux rangs, sont restées inchangées dans le cahier des charges de l'AOC " Montravel " homologué par le décret attaqué du 19 octobre 2009 ; que les modifications apportées aux règles de conduite de ce vignoble ne peuvent être regardées comme des " modifications majeures " au sens de l'article R. 614-14 du code rural ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce qu'une procédure nationale d'opposition aurait dû être mise en oeuvre préalablement à l'homologation du cahier des charges relatif à l'AOC " Montravel " doit être écarté ;

En ce qui concerne la légalité interne :

Considérant, en premier lieu, d'une part, que les nouvelles règles prévues par le décret attaqué sont applicables aux seules récoltes postérieures à son entrée en vigueur ; que, dès lors, contrairement à ce que soutiennent MM. Yves et Daniel C, le décret attaqué ne méconnaît pas le principe de non-rétroactivité des actes administratifs ;

Considérant, d'autre part, que les conditions mises par les lois et règlements à la reconnaissance au profit d'un vin déterminé du régime des appellations d'origine contrôlée peuvent être modifiées sans que les intéressés puissent utilement invoquer des droits acquis ; que le cahier des charges litigieux a prévu des mesures transitoires pour permettre aux producteurs de s'adapter progressivement à la nouvelle réglementation ; que, dès lors, MM. Yves et Daniel C ne sont pas fondés à soutenir que les nouvelles règles de conduite du vignoble fixées par le cahier des charges homologué par le décret attaqué auraient été décidées en méconnaissance du principe de sécurité juridique ;

Considérant, en deuxième lieu, que, si le décret attaqué du 19 octobre 2009 homologue les cahiers des charges relatifs à plusieurs AOC dépourvues de lien géographique entre elles, cette circonstance est sans incidence sur sa légalité ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aucune adhésion à un organisme de défense et de gestion n'est imposée aux producteurs par le cahier des charges homologué par le décret attaqué, qui se borne à prévoir des obligations de déclarations à un tel organisme ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que le décret attaqué méconnaîtrait, du fait d'une telle obligation, la liberté d'association et la liberté syndicale ne peut qu'être écarté ;

Considérant, en quatrième lieu, que si M. A soutient que les mentions relatives à l'organisme de défense et de gestion et à l'organisme de contrôle agréé figurant dans le cahier des charges litigieux ne permettent pas aux viticulteurs de disposer d'informations satisfaisantes sur leurs obligations déclaratives à l'égard de ces organismes, ce moyen n'est pas assorti de précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé ;

Considérant, enfin, que les règles relatives à la densité de plantation et à l'écartement entre les rangs de vigne, qui relèvent des conditions de production susceptibles d'être fixées par le cahier des charges d'une AOC en application des dispositions précitées de l'article L. 641-7 du code rural, ont été fixées par référence aux normes communes à toutes les AOC définies par les travaux du comité national compétent de l'INAO et de sa commission d'experts, dans le souci de répondre à la nécessité de réguler le développement de la vigne, afin d'en maîtriser le niveau de production ; que, par ailleurs, les règles relatives aux rendements ont été fixées conformément aux dispositions, alors en vigueur, de l'article D. 644-25 du code rural ; que le moyen tiré de ce que les dispositions relatives à la conduite du vignoble et aux rendements fixées par le cahier des charges annexé au décret attaqué seraient entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ne peut qu'être écarté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation du décret du 19 octobre 2009 en tant qu'il homologue le cahier des charges de l'AOC " Montravel " ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'intervention de M. Stéphane D n'est pas admise.

Article 2 : Sont annulés le décret du 9 octobre 2009 en tant qu'il homologue le cahier des charges de l'AOC " Bergerac ", le décret du 14 octobre 2009 en tant qu'il homologue le cahier des charges de l'AOC " Côtes de Bergerac " et le décret du 19 octobre 2009 en tant qu'il homologue les cahiers des charges des AOC " Côtes de Montravel " et " Haut Montravel ".

Article 3 : Le surplus des conclusions des requêtes présentées par MM. C et par M. A est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Yves C, à M. Daniel C, à M. Pierre A, au Premier ministre, au ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire, à l'Institut national de l'origine et de la qualité et à M. Stéphane D.

Copie en sera adressée au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Formation : 3ème et 8ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 334523
Date de la décision : 23/12/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

03-05-06-02 AGRICULTURE, CHASSE ET PÊCHE. PRODUITS AGRICOLES. VINS. CONTENTIEUX DES APPELLATIONS. - MODIFICATIONS DES RÈGLES DE CONDUITE DE LA VIGNE APPLICABLES À UNE AOC AYANT DES INCIDENCES SIGNIFICATIVES SUR LA QUALITÉ ET LA TYPICITÉ DES VINS CONCERNÉS - MODIFICATIONS MAJEURES AU SENS DE L'ART. R. 641-14 DU CODE RURAL - INCLUSION - CONSÉQUENCE - MISE EN ŒUVRE D'UNE PROCÉDURE NATIONALE D'OPPOSITION.

03-05-06-02 Des modifications apportées aux règles de conduite de la vigne applicables à une AOC, notamment aux règles relatives à la densité minimale de plantation et à l'écartement maximal entre les rangs de vigne, et ayant des incidences significatives sur la qualité et la typicité des vins concernés constituent des modifications majeures, au sens de l'article R. 641-14 du code rural, imposant la mise en oeuvre d'une procédure nationale d'opposition.


Publications
Proposition de citation : CE, 23 déc. 2011, n° 334523
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Jacques Arrighi de Casanova
Rapporteur ?: Mme Christine Allais
Rapporteur public ?: M. Edouard Geffray
Avocat(s) : SCP DIDIER, PINET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:334523.20111223
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