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23/12/2011 | FRANCE | N°334584

France | France, Conseil d'État, 4ème et 5ème sous-sections réunies, 23 décembre 2011, 334584


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 décembre 2009 et 3 mars 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le DEPARTEMENT DU NORD, représenté par le président du conseil général ; le DEPARTEMENT DU NORD demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 09DA00455 du 8 octobre 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement n° 0701518 du 31 octobre 2007 du tribunal administratif de Lille annulant, à la demande du préfet du Nord, le c

ontrat d'engagement du 6 juillet 2006 de M. Philippe A et l'avenant conclu...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 décembre 2009 et 3 mars 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le DEPARTEMENT DU NORD, représenté par le président du conseil général ; le DEPARTEMENT DU NORD demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 09DA00455 du 8 octobre 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement n° 0701518 du 31 octobre 2007 du tribunal administratif de Lille annulant, à la demande du préfet du Nord, le contrat d'engagement du 6 juillet 2006 de M. Philippe A et l'avenant conclu le 23 août 2006 et, d'autre part, au rejet du déféré du préfet du Nord ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive 1999/70/CE du 28 juin 1999 ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

Vu la loi n° 2005-843 du 26 juillet 2005 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Christophe Eoche-Duval, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Monod, Colin, avocat du DEPARTEMENT DU NORD et de la SCP Peignot, Garreau, Bauer-Violas, avocat du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration,

- les conclusions de Mme Gaëlle Dumortier, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Monod, Colin, avocat du DEPARTEMENT DU NORD et à la SCP Peignot, Garreau, Bauer-Violas, avocat du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. Philippe A a été recruté par le DEPARTEMENT DU NORD, comme collaborateur de cabinet puis comme administrateur territorial, par contrats successifs d'une durée d'un an depuis le 1er avril 1999 en application du premier alinéa de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ; que, par arrêté du 6 juillet 2006, le président du conseil général du DEPARTEMENT DU NORD a conclu, par application du I de l'article 15 de la loi du 26 juillet 2005 portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique, un contrat à durée indéterminée avec l'intéressé ; qu'à la demande du préfet du Nord, le tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté ; que le DEPARTEMENT DU NORD se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 8 octobre 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a rejeté son appel ;

Considérant qu'il ressort des termes de la demande présentée par le préfet du Nord devant le tribunal administratif de Lille le 1er mars 2007 que la cour administrative d'appel de Douai n'a pas dénaturé cette demande en analysant ses conclusions comme tendant à l'annulation de l'ensemble des stipulations du contrat à durée indéterminée et de l'avenant concernant l'agent ; que, dès lors, c'est sans erreur de droit que la cour administrative d'appel a pu écarter comme non fondée la fin de non-recevoir pour tardiveté opposée par le DEPARTEMENT DU NORD à ces conclusions, tirée de ce que le préfet aurait limité ses conclusions, dans sa demande initiale au tribunal administratif, à l'annulation des seules stipulations du contrat concernant sa durée ;

Considérant que la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que le tribunal administratif pouvait répondre de manière implicite à un argument tiré de ce qu'une interprétation de la loi ne serait pas compatible avec les objectifs d'une directive ;

Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa version résultant de l'article 4 de la loi du 26 juillet 2005 portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique, que les collectivités territoriales ne peuvent recruter par contrat à durée déterminée des agents non titulaires que, d'une part, au titre des premier et deuxième alinéas de cet article, en vue d'assurer des remplacements momentanés ou d'effectuer des tâches à caractère temporaire ou saisonnier définies à ces alinéas, et, d'autre part, au titre des quatrième, cinquième et sixième alinéas du même article, lorsqu'il n'existe pas de cadre d'emplois de fonctionnaires susceptibles d'assurer certaines fonctions, lorsque, pour des emplois de catégorie A, la nature des fonctions ou les besoins des services le justifient et, dans les communes de moins de 1 000 habitants, lorsque la durée de travail de certains emplois n'excède pas la moitié de celle des agents publics à temps complet ;

Considérant qu'aux termes des septième et huitième alinéas de cet article, dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005 : " Les agents recrutés conformément aux quatrième, cinquième, et sixième alinéas sont engagés par des contrats à durée déterminée, d'une durée maximale de trois ans. Ces contrats sont renouvelables, par reconduction expresse. La durée des contrats successifs ne peut excéder six ans. / Si, à l'issue de la période maximale de six ans mentionnée à l'alinéa précédent, ces contrats sont reconduits, ils ne peuvent l'être que par décision expresse et pour une durée indéterminée." ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 15 de la loi du 26 juillet 2005: " Lorsque l'agent, recruté sur un emploi permanent, est en fonction à la date de publication de la présente loi (...), le renouvellement de son contrat est soumis aux conditions prévues aux septième et huitième alinéas de l'article 3 [de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale]. / Lorsque, à la date de publication de la présente loi, l'agent est en fonction depuis six ans au moins, de manière continue, son contrat ne peut, à son terme, être reconduit que par décision expresse pour une durée indéterminée." ;

Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que, pour les agents contractuels de la fonction publique territoriale recrutés sur un emploi permanent, en fonction au moment de l'entrée en vigueur de la loi du 26 juillet 2005, le renouvellement de contrat régi par le I de l'article 15 de cette loi doit intervenir selon les règles fixées par les septième et huitième alinéas de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984 et ne peut donc concerner que les titulaires de contrats entrant dans les catégories énoncées aux quatrième, cinquième et sixième alinéas de ce même article ; que cette disposition ne saurait s'appliquer aux contrats passés au titre du remplacement momentané de titulaires ou pour faire face temporairement et pour une durée maximale d'un an à la vacance d'un emploi, tels que visés par le premier alinéa du même article 3 de la loi du 26 janvier 1984 ; que, dès lors, seuls les agents bénéficiant de contrats entrant dans les catégories prévues par les quatrième, cinquième et sixième alinéas de ce même article peuvent se voir proposer, par décision expresse, après six années de fonction au moins, un contrat à durée indéterminée ; que la cour ayant correctement interprété les dispositions de la loi du 26 juillet 2005, le moyen tiré de ce qu'elle se serait à tort référée à ses travaux préparatoires en présence d'un texte clair est sans incidence sur le bien-fondé de son arrêt et ne peut qu'être écarté ;

Considérant que, dès lors que la loi du 26 juillet 2005 a prévu des raisons objectives justifiant le renouvellement des contrats à durée déterminée, ainsi qu'une durée maximale totale et un nombre spécifié de renouvellements, la cour administrative d'appel, en jugeant que l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984 tel que modifié par loi du 26 juillet 2005 n'est pas incompatible avec les objectifs de la directive 1999/70/CE du 28 juin 1999, n'a pas commis d'erreur de droit ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le DEPARTEMENT DU NORD n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai, qui est suffisamment motivé ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du DEPARTEMENT DU NORD une somme de 1 000 euros à verser à l'Etat, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi du DEPARTEMENT DU NORD est rejeté.

Article 2 : Le DEPARTEMENT DU NORD versera à l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au DEPARTEMENT DU NORD, à M. Philippe A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.


Synthèse
Formation : 4ème et 5ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 334584
Date de la décision : 23/12/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - DIFFÉRENTES CATÉGORIES D'ACTES - ACTES LÉGISLATIFS - INTERPRÉTATION - LOI CORRECTEMENT INTERPRÉTÉE PAR LE JUGE DU FOND - MOYEN D'ERREUR DE DROIT À S'ÊTRE RÉFÉRÉ AUX TRAVAUX PARLEMENTAIRES EN PRÉSENCE D'UN TEXTE CLAIR - MOYEN INOPÉRANT.

01-01-04 Lorsque le juge du fond a correctement interprété les dispositions d'une loi, le moyen tiré de ce qu'il se serait à tort référé à ses travaux préparatoires en présence d'un texte clair est sans incidence sur le bien-fondé de la décision et ne peut qu'être écarté en cassation.

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - AGENTS CONTRACTUELS ET TEMPORAIRES - AGENTS CONTRACTUELS DE LA FONCTION PUBLIQUE TERRITORIALE - PROPOSITION DE CDI - I DE L'ART - 15 DE LA LOI N° 2005-843 DU 26 JUILLET 2005 - INTERPRÉTATION.

36-12 Il résulte de la combinaison des dispositions des articles 3 et 4 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, dans leur rédaction issue de la loi n° 2005-843 du 26 juillet 2005, et du I de l'article 15 de cette dernière loi que pour les agents contractuels de la fonction publique territoriale recrutés sur un emploi permanent, en fonction au moment de l'entrée en vigueur de la loi du 26 juillet 2005, le renouvellement de contrat régi par le I de l'article 15 de cette loi ne peut concerner que les titulaires de contrats entrant dans les catégories énoncées aux quatrième, cinquième et sixième alinéas de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984. Cette disposition ne saurait s'appliquer aux contrats passés au titre du remplacement momentané de titulaires ou pour faire face temporairement et pour une durée maximale d'un an à la vacance d'un emploi, tels que visés par le premier alinéa du même article 3 de la loi du 26 janvier 1984. Dès lors, seuls les agents bénéficiant de contrats entrant dans les catégories prévues par les quatrième, cinquième et sixième alinéas de ce même article peuvent se voir proposer, par décision expresse, après six années de fonction au moins, un contrat à durée indéterminée (CDI).

PROCÉDURE - POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE - QUESTIONS GÉNÉRALES - MOYENS - MOYENS INOPÉRANTS - LOI CORRECTEMENT INTERPRÉTÉE PAR LE JUGE DU FOND - MOYEN D'ERREUR DE DROIT À S'ÊTRE RÉFÉRÉ AUX TRAVAUX PARLEMENTAIRES EN PRÉSENCE D'UN TEXTE CLAIR.

54-07-01-04-03 Lorsque le juge du fond a correctement interprété les dispositions d'une loi, le moyen tiré de ce qu'il se serait à tort référé à ses travaux préparatoires en présence d'un texte clair est sans incidence sur le bien-fondé de la décision et ne peut qu'être écarté en cassation.


Publications
Proposition de citation : CE, 23 déc. 2011, n° 334584
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Philippe Martin
Rapporteur ?: M. Christophe Eoche-Duval
Rapporteur public ?: Mme Gaëlle Dumortier
Avocat(s) : SCP PEIGNOT, GARREAU, BAUER-VIOLAS ; SCP MONOD, COLIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:334584.20111223
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