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23/12/2011 | FRANCE | N°334902

France | France, Conseil d'État, 3ème sous-section jugeant seule, 23 décembre 2011, 334902


Vu, 1°), sous le n° 334902, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 décembre 2009 et 18 mars 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SAS VEUVE AMBAL, dont le siège est le Pré Neuf à Montagny- lès Beaune (21200) ; la SAS VEUVE AMBAL demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2009-1269 du 19 octobre 2009 relatif aux appellations d'origine contrôlées Bourgogne mousseux , Crémant de Bourgogne , Crémant de Loire et Crémant du Jura en tant qu'il homologue le cahier des charges

de l'appellation contrôlée Crémant de Bourgogne ;

2°) de mettre à la charg...

Vu, 1°), sous le n° 334902, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 décembre 2009 et 18 mars 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SAS VEUVE AMBAL, dont le siège est le Pré Neuf à Montagny- lès Beaune (21200) ; la SAS VEUVE AMBAL demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2009-1269 du 19 octobre 2009 relatif aux appellations d'origine contrôlées Bourgogne mousseux , Crémant de Bourgogne , Crémant de Loire et Crémant du Jura en tant qu'il homologue le cahier des charges de l'appellation contrôlée Crémant de Bourgogne ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu, 2°), sous le n° 338825, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 21 avril et 21 juillet 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'UNION DES PRODUCTEURS ET ELABORATEURS DE CREMANT DE BOURGOGNE (UPECB), dont le siège est 132-134 route de Dijon à Beaune (21200) ; l'UNION DES PRODUCTEURS ET ELABORATEURS DE CREMANT DE BOURGOGNE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2009-1269 du 19 octobre 2009 relatif aux appellations d'origine contrôlées Bourgogne mousseux , Crémant de Bourgogne , Crémant de Loire et Crémant du Jura en tant qu'il homologue le cahier des charges de l'appellation contrôlée Crémant de Bourgogne ainsi que la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le Premier ministre sur sa demande du 21 décembre 2009 tendant au retrait de ce décret ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la Constitution ;

Vu le règlement (CE) n°1493/1999 du Conseil du 17 mai 1999 ;

Vu le règlement (CE) n° 479/ 2008 du Conseil du 29 avril 2008 ;

Vu le règlement (CE) n°1234/ 2007 du Conseil du 22 octobre 2007 ;

Vu le règlement (CE) n°491/2009 du Conseil du 25 mai 2009 ;

Vu le règlement (CE) n°606/2009 de la Commission du 11 juillet 2009 ;

Vu le règlement (CE) n°607/2009 de la Commission du 14 juillet 2009 ;

Vu le code rural ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Dominique Chelle, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Peignot, Garreau, Bauer-Violas, avocat de la SAS VEUVE AMBAL et de l'UNION DES PRODUCTEURS ET ELABORATEURS DE CREMANT DE BOURGOGNE et de la SCP Didier, Pinet, avocat de l'Office national interprofessionnel de l'élevage et de ses productions et de l'institut national de l'origine et de la qualité,

- les conclusions de M. Edouard Geffray, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Peignot, Garreau, Bauer-Violas, avocat de la SAS VEUVE AMBAL et de l'UNION DES PRODUCTEURS ET ELABORATEURS DE CREMANT DE BOURGOGNE et à la SCP Didier, Pinet, avocat de l'Office national interprofessionnel de l'élevage et de ses productions et de l'institut national de l'origine et de la qualité,

Considérant que les requêtes de la SAS VEUVE AMBAL et de l'UNION DES PRODUCTEURS ET ELABORATEURS DE CREMANT DE BOURGOGNE (UPECB) sont dirigées contre un même décret ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Sur la légalité externe du décret attaqué :

En ce qui concerne le défaut de contreseing du ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire :

Considérant qu'aux termes de l'article 22 de la Constitution : Les actes du Premier ministre sont contresignés, le cas échéant, par les ministres chargés de leur exécution ; que s'agissant d'un acte de nature réglementaire, les ministres chargés de son exécution sont ceux qui ont compétence pour signer ou contresigner les mesures réglementaires ou individuelles que comporte nécessairement l'exécution de cet acte ; que l'exécution du décret attaqué ne nécessite, par elle-même, l'intervention d'aucune mesure réglementaire ou individuelle du ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire ; que les requérantes ne sont dès lors pas fondées à soutenir que, faute d'avoir été contresigné par ce ministre, le décret attaqué aurait été pris en méconnaissance de l'article 22 de la Constitution ;

En ce qui concerne le moyen tiré de ce que le décret attaqué n'a pas été précédé d'une demande d'un groupement de producteurs :

Considérant, d'une part, qu'en vertu du règlement (CE) n° 1234/2007 du Conseil du 22 octobre 2007 portant organisation commune des marchés dans le secteur agricole et dispositions spécifiques en ce qui concerne certains produits de ce secteur, dont les dispositions applicables au secteur vitivinicole sont entrées en vigueur le 1er août 2009, un produit du secteur vitivinicole doit, pour pouvoir bénéficier d'une protection en tant qu'appellation d'origine, faire l'objet d'une procédure d'enregistrement par la Commission européenne dans les conditions prévues par ce règlement ; qu'aux termes de l'article 118 sexies du même règlement, les demandes de protection sont introduites par tout groupement de producteurs intéressé ou, exceptionnellement, par tout producteur isolé et qu'aux termes de l'article 118 quater, ces demandes sont accompagnées d'un dossier technique comportant , notamment, le cahier des charges qui permet aux parties intéressées de vérifier le respect des conditions de production associées à l'appellation d'origine ; que l'article 118 octodecies prévoit que tout demandeur satisfaisant aux conditions énoncées à l'article 118 sexies peut demander l'approbation d'une modification du cahier des charges relatif à une appellation d'origine protégée (...) ; qu'enfin, l'article 118 vicies dispose que : 1. Les dénominations de vins protégées conformément aux articles 51 et 54 du règlement (CE) n° 1493/1999 (...) sont automatiquement protégées au titre du présent règlement. La Commission les inscrit au registre prévu à l'article 118 quindecies du présent règlement. / 2. En ce qui concerne les dénominations de vins protégées visées au paragraphe 1, les Etats membres transmettent à la Commission ; a) les dossiers techniques prévus à l'article 118 quater, paragraphe 1 ; b) les décisions nationales d'approbation. / 3. Les dénominations de vins visées au paragraphe 1 pour lesquelles les éléments visés au paragraphe 2 n'ont pas été présentés au 31 décembre 2011 perdent toute protection au titre du présent règlement. La Commission prend alors les mesures administratives nécessaires pour les supprimer du registre prévu à l'article 118 quindecies du présent règlement (...) ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 641-6 du code rural : La reconnaissance d'une appellation d'origine contrôlée est proposée par l'Institut national de l'origine et de la qualité, après avis de l'organisme de défense et de gestion prévu à l'article L. 642-17./ La proposition de l'Institut porte sur l'aire géographique de production (...), ainsi que sur la détermination des conditions de production qui figurent dans un cahier des charges ; qu'aux termes de l'article L. 641-7 du même code : La reconnaissance d'une appellation d'origine contrôlée est prononcée par un décret qui homologue un cahier des charges où figurent notamment la délimitation de l'aire géographique de production de cette appellation ainsi que ses conditions de production ; qu'aux termes de l'article R. 641-11 Toute demande tendant à la reconnaissance d'une appellation d'origine (...) garantie par homologation d'un cahier des charges est déposée auprès de l'Institut national de l'origine et de la qualité et qu'aux termes de l'article R. 641-12 Le dossier comprend (...) le projet de cahier des charges (...) ;

Considérant que, par le décret attaqué du 19 octobre 2009, le Premier ministre a homologué le cahier des charges de l'appellation d'origine contrôlée Crémant de Bourgogne , proposé par l'Institut national de l'origine et de la qualité, en vue d'obtenir le bénéfice des dispositions transitoires prévues à l'article 118 vicies du règlement n° 1234/2007 du 22 octobre 2007 en faveur des dénominations de vins bénéficiant actuellement d'une protection ; que si ce cahier des charges, qui ne modifie pas l'aire géographique de production, apporte des modifications aux conditions de production qui avaient été déterminées par le décret du 11 octobre 1975 reconnaissant cette appellation d'origine contrôlée, ces modifications tenant à la richesse minimale en sucre des raisins, au titre alcoométrique volumique naturel, aux règles relatives au pressurage et à la durée de stockage des vins avant leur commercialisation, n'ont pas pour conséquence de remettre en cause les caractéristiques essentielles de cette appellation ; que, dans ces conditions, le décret attaqué n'a pas eu pour objet ni pour effet de créer une nouvelle appellation d'origine en vue de son enregistrement au niveau communautaire ; que ce décret n'a pas davantage pour effet de modifier une appellation d'origine déjà protégée par le règlement n° 1234/2007 du 22 octobre 2007 ; que, dès lors, les requérantes ne sauraient utilement soutenir que, faute d'avoir été précédé d'une demande de l'UPECB, groupement des producteurs concernés, accompagnée d'un projet de cahier des charges, le décret attaqué aurait été pris en méconnaissance des règles de procédure prévues par les dispositions des articles 118 sexies et 118 octodecies du règlement n° 1234/ 2007 du Conseil du 22 octobre 2007 ;

En ce qui concerne le moyen tiré de l'absence de mise en oeuvre de la procédure nationale d'opposition :

Considérant qu'en vertu de l'article R. 642-13 du code rural, la demande de reconnaissance d'une appellation d'origine contrôlée fait l'objet d'une consultation publique organisée par l'Institut national de l'origine et de la qualité pendant laquelle toute personne ayant un intérêt légitime peut faire opposition à la demande, le demandeur disposant ensuite d'un délai de deux mois pour y répondre ; qu'en vertu de l'article R. 641-14 de ce code, cette procédure de consultation est applicable lorsque des modifications majeures du cahier des charges sont envisagées ;

Considérant que le cahier des charges homologué par le décret attaqué ne peut, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, être regardé comme ayant eu pour effet de reconnaître une nouvelle appellation d'origine contrôlée et que les modifications des conditions de production qu'il prévoit par rapport à celles qui résultaient de l'application du décret du 17 octobre 1975 ne constituent pas des modifications majeures au sens de l'article R. 641-14 du code rural ; qu'ainsi, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que, faute d'avoir été précédé d'une procédure nationale d'opposition, le décret attaqué serait intervenu à l'issue d'une procédure irrégulière ;

En ce qui concerne les autres moyens de légalité externe :

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que l'UPECB, organisme de défense et de gestion au sens de l'article L. 642-17 du code rural, a été consulté et a émis un avis, le 6 mai 2009, sur le projet de cahier des charges avant son approbation par la commission permanente du comité national des vins, eaux-de-vie et autres boissons alcoolisées de l'Institut national de l'origine et de la qualité ; que, contrairement à qui ce que soutiennent les requérantes, les dispositions de l'article L. 641-6 du code rural ne subordonnent pas cette approbation à la condition que l'organisme de défense et gestion ait émis un avis favorable ;

Considérant, en second lieu, que si les requérantes soutiennent que la commission permanente du comité national des vins, eaux-de-vie et autres boissons n'aurait pas siégé dans une composition régulière lors de ses séances des 15 avril, 13, 27 et 28 mai 2009 au cours desquelles elle a approuvé le cahier des charges, ils n'apportent à l'appui de ce moyen aucune précision permettant d'en apprécier la portée ; qu'il ressort, par ailleurs, des procès-verbaux de ces séances que le quorum requis par les articles 6 et 12 du règlement intérieur de l'Institut national de l'origine et de qualité, approuvé par arrêté ministériel du 18 juin 2007, a été respecté ; que si le procès-verbal de la séance des 27 et 28 mai 2009, qui indique les noms des membres présents et établit de ce fait par lui-même le respect des règles de quorum, a omis de mentionner les noms de certains membres absents, cette circonstance est sans incidence sur la régularité de la délibération de la commission permanente ;

Sur la légalité interne du décret attaqué :

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance des principes d'égalité et de non discrimination :

Considérant que les appellations d'origine contrôlées Crémant de Bourgogne et Bourgogne mousseux étant distinctes, même s'il existe une similitude entre les territoires et les conditions de production de ces appellations, la circonstance que, contrairement au cahier des charges de l'appellation Bourgogne mousseux , celui de l'appellation d'origine contrôlée Crémant de Bourgogne ne délimite pas une zone à proximité immédiate de l'aire géographique de production dans laquelle pourraient être réalisées les opérations de vinification, d'élaboration, d'élevage et de conditionnement, ne peut être utilement invoquée ;

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance des principes de confiance légitime et de sécurité juridique :

Considérant que si le décret attaqué ne prévoit pas l'inclusion de la commune de Montagny-les-Beaune dans l'aire géographique de l'AOC Crémant de Bourgogne ou dans une aire proximité, il prévoit qu'à titre transitoire, la vinification, l'élaboration, l'élevage et le conditionnement des vins peuvent être assurés sur le territoire de cette commune jusqu'en 2020 ; que, dans ces conditions, le décret attaqué ne méconnaît pas, en tout état de cause, les principes de confiance légitime et de sécurité juridique ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SAS VEUVE AMBAL et de l'UNION DES PRODUCTEURS ET ELABORATEURS DE CREMANT DE BOURGOGNE ne sont pas fondées à demander l'annulation du décret attaqué ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soient mises à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, les sommes que demandent la SAS VEUVE AMBAL et l'UNION DES PRODUCTEURS ET ELABORATEURS DE CREMANT DE BOURGOGNE au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;

Considérant que ces dispositions font également obstacle à ce que soient mises à la charge de la SAS VEUVE AMBAL et de l'UNION DES PRODUCTEURS ET ELABORATEURS DE CREMANT DE BOURGOGNE les sommes que l'Institut national de l'origine et de la qualité, qui n'est pas partie à la procédure et n' a été appelée en la cause que pour produire des observations, demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les requêtes de la SAS VEUVE AMBAL et de l'UNION DES PRODUCTEURS ET ELABORATEURS DE CREMANT DE BOURGOGNE sont rejetées.

Article 2 : Les conclusions présentées par l'Institut national de l'origine et de la qualité au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SAS VEUVE AMBAL, à l'UNION DES PRODUCTEURS ET ELABORATEURS DE CREMANT DE BOURGOGNE au Premier ministre, au ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire, au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et à l'Institut national de l'origine et de la qualité.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 23 déc. 2011, n° 334902
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Dominique Chelle
Avocat(s) : SCP DIDIER, PINET ; SCP PEIGNOT, GARREAU, BAUER-VIOLAS

Origine de la décision
Formation : 3ème sous-section jugeant seule
Date de la décision : 23/12/2011
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 334902
Numéro NOR : CETATEXT000025041087 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2011-12-23;334902 ?
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