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23/12/2011 | FRANCE | N°348647

France | France, Conseil d'État, 7ème / 2ème ssr, 23 décembre 2011, 348647


Vu le pourvoi, enregistré le 20 avril 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION ; le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 09DA01015 du 17 février 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement n° 0806837 du 5 mai 2009 du tribunal administratif de Lille rejetant son défér

tendant à l'annulation du marché attribué par le directeur de la r...

Vu le pourvoi, enregistré le 20 avril 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION ; le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 09DA01015 du 17 février 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement n° 0806837 du 5 mai 2009 du tribunal administratif de Lille rejetant son déféré tendant à l'annulation du marché attribué par le directeur de la régie du syndicat intercommunal de distribution d'eau du Nord (SIDEN) relatif à la rénovation des canalisations d'eau potable et des branchements des rues de la Vacquerie, des Juifs, du Calvaire et de Villers-Plouich de la commune de Gonnelieu (département du Nord) et, d'autre part, à l'annulation de ce marché ;

2°) réglant l'affaire au fond, d'annuler le marché de travaux conclu par le syndicat intercommunal de distribution d'eau du Nord pour la rénovation des canalisations d'eau potable et des branchements des rues de la Vacquerie, des Juifs, du Calvaire et de Villers-Plouich de la commune de Gonnelieu ;

3°) de rejeter les conclusions tendant à la mise à la charge de l'Etat d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son article 72 ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Francis Girault, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Gaschignard, avocat de la société Noreade - la régie du SIDEN-SIAN,

- les conclusions de M. Bertrand Dacosta, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Gaschignard, avocat de la société Noreade - la régie du SIDEN-SIAN ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que, par décision du 28 avril 2008, la commission d'appel d'offres de la régie du syndicat intercommunal de distribution d'eau du Nord (SIDEN), aux droits de laquelle est venue la régie Noréade, a attribué à la SAS Coca Nord-Ouest, aux droits de laquelle est venue la SAS Sogea Nord Hydraulique, un marché pour la rénovation des canalisations d'eau potable et des branchements des rues de la Vacquerie, des Juifs, du Calvaire et de Villers-Plouich de la commune de Gonnelieu (département du Nord), et que, par décision du même jour, le conseil d'administration de la régie du SIDEN a autorisé le directeur de la régie à signer ce marché ; que celui-ci a été signé, transmis et reçu dans les services de la préfecture du Nord le 5 juin 2008 ; qu'à la suite du rejet par le SIDEN de la demande du préfet de la région Nord-Pas-de-Calais, préfet du Nord de procéder au retrait de ce marché, le préfet a saisi d'un déféré le tribunal administratif de Lille tendant à l'annulation du marché ; que le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 17 février 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel du préfet contre le jugement du 5 mai 2009 du tribunal administratif de Lille rejetant son déféré ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 5211-8 du code général des collectivités territoriales : " Sans préjudice des dispositions de l'article L. 2121-33, le mandat des délégués est lié à celui du conseil municipal qui les a désignés. Ce mandat expire lors de l'installation de l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale suivant le renouvellement général des conseils municipaux. / Après le renouvellement général des conseils municipaux, l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale se réunit au plus tard le vendredi de la quatrième semaine qui suit l'élection des maires. / En cas de suspension ou de dissolution d'un conseil municipal ou de renouvellement du conseil municipal en application de l'article L. 270 du code électoral ou de démission de tous les membres en exercice, le mandat des délégués du conseil municipal est prorogé jusqu'à la désignation des délégués par le nouveau conseil... / A défaut pour une commune d'avoir désigné ses délégués, cette commune est représentée au sein de l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale par le maire si elle ne compte qu'un délégué, par le maire et le premier adjoint dans le cas contraire. L'organe délibérant est alors réputé complet... " ;

Considérant que si la cour administrative d'appel de Douai a exactement interprété les dispositions de l'article L. 5211-8 du code général des collectivités territoriales en jugeant que l'organe délibérant d'un établissement public de coopération intercommunale, à la suite du renouvellement général des conseils municipaux des communes membres de cet établissement, ne peut que gérer les affaires courantes jusqu'à l'installation du nouvel organe délibérant, elle a cependant entaché son arrêt d'une erreur de droit en jugeant que les circonstances que la procédure de passation du marché avait été engagée antérieurement aux élections municipales et que la commission d'appel d'offres avait émis un avis favorable, permettaient à elles seules de regarder la conclusion du marché litigieux comme relevant de la gestion des affaires courantes ; que le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION est, par suite, fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction d'une part, que le déféré et les mémoires qui ont suivi ont été signés par les secrétaires généraux successifs de la préfecture du Nord, qui ont chacun reçu, par arrêté préfectoral régulièrement publié, délégation les autorisant à signer les actes exercés dans le cadre du contrôle de légalité, que d'autre part, le déféré a été présenté dans le délai de recours ; que, la fin de non recevoir opposée par la régie Noréade, venue aux droits de la régie du SIDEN, doit dès lors être écartée ;

Considérant que le préfet peut, sur le fondement des dispositions des articles L. 2131-2 et L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales, rendues applicables aux établissements publics de coopération intercommunale par l'article L. 5211-3 de ce code, saisir le juge administratif d'un déféré tendant à l'annulation d'un marché public ; qu'eu égard à son objet, un tel recours formé à l'encontre d'un contrat relève du contentieux de pleine juridiction ; qu'il appartient au juge, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier les conséquences ; qu'il lui revient, après avoir pris en considération la nature de l'illégalité éventuellement commise, soit de prononcer la résiliation du contrat ou de modifier certaines de ses clauses, soit de décider de la poursuite de son exécution, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation par la collectivité contractante, soit enfin, après avoir vérifié si l'annulation du contrat ne porterait pas une atteinte excessive à l'intérêt général ou aux droits des cocontractants, d'annuler, totalement ou partiellement, le cas échéant avec un effet différé, le contrat ;

Considérant que, ainsi qu'il a été dit, la commission d'appel d'offres et le conseil d'administration de la régie du SIDEN, compte tenu de l'intervention du renouvellement général des conseils municipaux des communes membres, ne pouvaient que prendre des décisions relevant de la gestion des affaires courantes ; qu'il résulte de l'instruction que les décisions d'attribuer et de signer le marché relatif à la rénovation des canalisations d'eau potable et des branchements de quatre des rues de la commune de Gonnelieu en raison, d'une part, du coût, du volume et de la durée des travaux prévus et, d'autre part, de l'absence d'urgence particulière s'attachant à leur réalisation, ne peuvent être regardées comme relevant du fonctionnement courant de la régie ou indispensables à la continuité du service public ; que, par suite, elles ne relevaient pas de la gestion des affaires courantes de la régie ; que ni la commission d'appel d'offres ni le conseil d'administration de la régie n'avaient ainsi compétence pour prendre ces décisions ; que, dés lors, le préfet de la région Nord-Pas-de-Calais, préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que, par son jugement attaqué du 5 mai 2009, le tribunal administratif de Lille a rejeté son déféré et à demander l'annulation du marché conclu par la régie du SIDEN avec la SAS Coca Nord-ouest, aux droits de laquelle est venue la SAS Sogea Nord Hydraulique ; que, toutefois, eu égard au motif de l'annulation du marché, il y a lieu de décider que cette annulation ne prendra effet qu'à l'expiration d'un délai de 3 mois suivant la notification de la présente décision, et si le conseil d'administration de la régie Noréade n'a pas, dans ce délai, procédé, comme il peut le faire, à la régularisation du marché en adoptant, pour décider de le passer, une délibération régulière ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à la régie Noréade et à la SAS Sogea Nord Hydraulique les sommes qu'elles demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai du 17 février 2011 et le jugement du tribunal administratif de Lille du 5 mai 2009 sont annulés.

Article 2 : Le marché signé par le directeur de la régie du syndicat intercommunal de distribution d'eau du Nord, aux droits de laquelle est venue la régie Noréade, avec la SAS Coca Nord Ouest, aux droits de laquelle est venue la SAS Sogea Nord Hydraulique, en vue de la rénovation des canalisations d'eau potable et des branchements des rues de la Vacquerie, des Juifs, du Calvaire et de Villers-Plouich de la commune de Gonnelieu est annulé, sauf si dans le délai de 3 mois à compter de la notification de la présente décision, la régie Noréade procède à sa régularisation.

Article 3 : Les conclusions présentées devant le tribunal administratif de Lille et la cour administrative d'appel de Douai par la SAS Sogea Nord Hydraulique et devant les mêmes juridictions ainsi que devant le Conseil d'Etat par la régie Noréade au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE

L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION, à la régie Noréade et à la SAS Sogea Nord Hydraulique.


Synthèse
Formation : 7ème / 2ème ssr
Numéro d'arrêt : 348647
Date de la décision : 23/12/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

COLLECTIVITÉS TERRITORIALES - DISPOSITIONS GÉNÉRALES - CONTRÔLE DE LA LÉGALITÉ DES ACTES DES AUTORITÉS LOCALES - DÉFÉRÉ PRÉFECTORAL - DÉFÉRÉ PRÉFECTORAL CONCERNANT UN CONTRAT - 1) A) NATURE DU RECOURS - RECOURS DE PLEINE JURIDICTION - B) OFFICE DU JUGE - OFFICE DU JUGE DÉFINI DANS LA DÉCISION TROPIC TRAVAUX [RJ1] - 2) POSSIBILITÉ POUR LE JUGE DE PRONONCER L'ANNULATION DU CONTRAT AVEC EFFET DIFFÉRÉ - SAUF SI UNE RÉGULARISATION INTERVIENT DANS CE DÉLAI - EXISTENCE [RJ2].

135-01-015-02 1) a) Eu égard à son objet, un déféré préfectoral formé à l'encontre d'un contrat relève du contentieux de pleine juridiction.,,b) L'office du juge ainsi saisi est celui défini dans la décision Tropic Travaux Signalisation (CE, Assemblée, 16 juillet 2007, Société Tropic Travaux Signalisation, n° 291545, p. 360) : il appartient au juge, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier les conséquences ; il lui revient, après avoir pris en considération la nature de l'illégalité éventuellement commise, soit de prononcer la résiliation du contrat ou de modifier certaines de ses clauses, soit de décider de la poursuite de son exécution, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation par la collectivité contractante, soit enfin, après avoir vérifié si l'annulation du contrat ne porterait pas une atteinte excessive à l'intérêt général ou aux droits des cocontractants, d'annuler, totalement ou partiellement, le cas échéant avec un effet différé, le contrat.,,2) Dans le cadre de cet office, le juge peut, eu égard au motif d'annulation retenu, annuler le contrat avec effet différé, sauf si intervient dans ce délai une régularisation.

MARCHÉS ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RÈGLES DE PROCÉDURE CONTENTIEUSE SPÉCIALES - VOIES DE RECOURS - DÉFÉRÉ PRÉFECTORAL CONCERNANT UN CONTRAT - 1) A) NATURE DU RECOURS - RECOURS DE PLEINE JURIDICTION - B) OFFICE DU JUGE - OFFICE DU JUGE DÉFINI DANS LA DÉCISION TROPIC TRAVAUX [RJ1] - 2) POSSIBILITÉ POUR LE JUGE DE PRONONCER L'ANNULATION DU CONTRAT AVEC EFFET DIFFÉRÉ - SAUF SI UNE RÉGULARISATION INTERVIENT DANS CE DÉLAI - EXISTENCE [RJ2].

39-08-04 1) a) Eu égard à son objet, un déféré préfectoral formé à l'encontre d'un contrat relève du contentieux de pleine juridiction.,,b) L'office du juge ainsi saisi est celui défini dans la décision Tropic Travaux Signalisation (CE, Assemblée, 16 juillet 2007, Société Tropic Travaux Signalisation, n° 291545, p. 360) : il appartient au juge, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier les conséquences ; il lui revient, après avoir pris en considération la nature de l'illégalité éventuellement commise, soit de prononcer la résiliation du contrat ou de modifier certaines de ses clauses, soit de décider de la poursuite de son exécution, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation par la collectivité contractante, soit enfin, après avoir vérifié si l'annulation du contrat ne porterait pas une atteinte excessive à l'intérêt général ou aux droits des cocontractants, d'annuler, totalement ou partiellement, le cas échéant avec un effet différé, le contrat.,,2) Dans le cadre de cet office, le juge peut, eu égard au motif d'annulation retenu, annuler le contrat avec effet différé, sauf si intervient dans ce délai une régularisation.


Références :

[RJ1]

Cf. CE, Assemblée, 16 juillet 2007, Société Tropic Travaux Signalisation, n° 291545, p. 360.,,

[RJ2]

Voir aussi décision du même jour, Ministre de l'Intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, n° 348648, inédite au Recueil.


Publications
Proposition de citation : CE, 23 déc. 2011, n° 348647
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Francis Girault
Rapporteur public ?: M. Bertrand Dacosta
Avocat(s) : SCP GASCHIGNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:348647.20111223
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