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23/12/2011 | FRANCE | N°350541

France | France, Conseil d'État, 4ème et 5ème sous-sections réunies, 23 décembre 2011, 350541


Vu la requête, enregistrée le 1er juillet 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par l'ASSOCIATION DIH-MOUVEMENT DE PROTESTATION CIVIQUE, dont le siège est à la mairie du Chambon-sur-Lignon (43400), représentée par son président ; l'association demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la circulaire n° 2011-071 du 2 mai 2011 du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative relative à la préparation de la rentrée scolaire 2011, en tant qu'elle impose l'étude et le chant de la Marseillaise à l'école primaire

, au CM1 et lors des manifestations commémoratives ;

Vu les autr...

Vu la requête, enregistrée le 1er juillet 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par l'ASSOCIATION DIH-MOUVEMENT DE PROTESTATION CIVIQUE, dont le siège est à la mairie du Chambon-sur-Lignon (43400), représentée par son président ; l'association demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la circulaire n° 2011-071 du 2 mai 2011 du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative relative à la préparation de la rentrée scolaire 2011, en tant qu'elle impose l'étude et le chant de la Marseillaise à l'école primaire, au CM1 et lors des manifestations commémoratives ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le pacte international relatif aux droits civils et politiques ;

Vu le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ;

Vu le code de l'éducation, notamment son article L. 321-3 ;

Vu la loi n° 2005-380 du 23 avril 2005 ;

Vu le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Louis Dutheillet de Lamothe, Auditeur,

- les conclusions de M. Rémi Keller, rapporteur public ;

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) " ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

Considérant que l'article 26 de la loi du 23 avril 2005 d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école a modifié l'article L. 321-3 du code de l'éducation, relatif à la formation primaire dispensée dans les écoles élémentaires, pour prévoir que celle-ci " offre un enseignement d'éducation civique qui comporte obligatoirement l'apprentissage de l'hymne national et de son histoire " ; que, l'article 2 de la Constitution disposant que " L'hymne national est la Marseillaise ", il ne saurait être sérieusement soutenu que l'apprentissage de l'hymne national à l'école primaire méconnaîtrait la Constitution au motif que ses paroles seraient contraires à l'article 10 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui garantit la liberté d'opinion, et à l'article 1er de la Constitution selon lequel la France assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion et respecte toutes les croyances ; que, dès lors, la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ; qu'ainsi, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que l'article L. 321-3 du code de l'éducation porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté ;

Sur les autres moyens de la requête :

Considérant, en premier lieu, que, d'une part, aux termes de l'article L. 311-2 du code de l'éducation : " L'organisation et le contenu des formations sont définis respectivement par des décrets et des arrêtés du ministre chargé de l'éducation. (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que ce ministre était compétent pour prévoir que l'apprentissage de la Marseillaise, prévu à l'article L. 321-3 du même code, se ferait en première année du cours moyen et que l'hymne national serait chanté, chaque fois que possible, lors des commémorations officielles ; que, d'autre part, il résulte des dispositions du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement que le directeur général de l'enseignement scolaire, dont l'acte de nomination a été publié au Journal officiel de la République française le 24 décembre 2009, avait de ce fait qualité pour signer la circulaire attaquée au nom du ministre ; que les moyens d'incompétence invoqués par l'association requérante doivent, par suite, être écartés ;

Considérant, en second lieu, que l'article 2 de l'article 20 du pacte international relatif aux droits civils et politiques prohibe " Tout appel à la haine nationale, raciale ou religieuse qui constitue une incitation à la discrimination, à l'hostilité ou à la violence " ; que le 1 de l'article 13 du pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels concerne le droit de toute personne à l'éducation ; que l'article 9 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales protège les libertés de pensée, de conscience et de religion ; que l'association requérante soutient que le fait de faire chanter la Marseillaise aux enfants des écoles élémentaires, en particulier les phrases " Qu'un sang impur abreuve nos sillons. " et " Quoi, ces cohortes étrangères feraient la loi dans nos foyers ! ", est contraire à ces stipulations ;

Considérant, toutefois, qu'eu égard à l'histoire de la Marseillaise, qui doit être également enseignée aux enfants des écoles primaires en application des dispositions de l'article L. 321-3 du code de l'éducation, et au fait que ce chant symbolise, en tant qu'hymne national, les valeurs de la République, le législateur n'a, en tout état de cause, pas méconnu les stipulations dont la requérante se prévaut en inscrivant la Marseillaise au programme d'éducation civique de la formation primaire ; que, pour les mêmes raisons, le ministre n'a, en tout état de cause, pas davantage méconnu ces stipulations en prévoyant que cet apprentissage se ferait au cours de la première année du cours moyen et que la Marseillaise serait chantée, chaque fois que cela est possible, lors des commémorations officielles ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requête ne peut qu'être rejetée ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par l'ASSOCIATION DIH-MOUVEMENT DE PROTESTATION CIVIQUE.

Article 2 : La requête de l'ASSOCIATION DIH-MOUVEMENT DE PROTESTATION CIVIQUE est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'ASSOCIATION DIH-MOUVEMENT DE PROTESTATION CIVIQUE, au Premier ministre et au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel.


Synthèse
Formation : 4ème et 5ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 350541
Date de la décision : 23/12/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

54-10-05-04-02 PROCÉDURE. - ARTICLE L. 321-3 DU CODE DE L'ÉDUCATION - ARTICLES 1ER DE LA CONSTITUTION ET 10 DE LA DDHC.

54-10-05-04-02 L'article 2 de la Constitution disposant que « L'hymne national est la Marseillaise », il ne saurait être sérieusement soutenu que l'apprentissage de l'hymne national à l'école primaire, prévu l'article L. 321-3 du code de l'éducation, méconnaîtrait la Constitution au motif que ses paroles seraient contraires à l'article 10 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (DDHC), qui garantit la liberté d'opinion, et à l'article 1er de la Constitution selon lequel la France assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion et respecte toutes les croyances. Par suite, non renvoi au Conseil constitutionnel de la question prioritaire de constitutionnalité invoquée à l'encontre de cette disposition législative.


Publications
Proposition de citation : CE, 23 déc. 2011, n° 350541
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Louis Dutheillet de Lamothe
Rapporteur public ?: M. Rémi Keller

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:350541.20111223
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