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23/12/2011 | FRANCE | N°350884

France | France, Conseil d'État, 4ème et 5ème sous-sections réunies, 23 décembre 2011, 350884


Vu, 1° sous le n° 350884, le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 13 et 28 juillet 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Elisabeth A, demeurant à ..., et l'ASSOCIATION DROIT AU LOGEMENT PARIS ET ENVIRONS, dont le siège est 24 rue de la Banque à Paris (75002) ; les requérantes demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1110175/9 du 30 juin 2011 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative,

a rejeté leur demande tendant à la suspension de l'acte du 26 avril 2...

Vu, 1° sous le n° 350884, le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 13 et 28 juillet 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Elisabeth A, demeurant à ..., et l'ASSOCIATION DROIT AU LOGEMENT PARIS ET ENVIRONS, dont le siège est 24 rue de la Banque à Paris (75002) ; les requérantes demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1110175/9 du 30 juin 2011 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a rejeté leur demande tendant à la suspension de l'acte du 26 avril 2011 par lequel le préfet de Paris, préfet de la région Ile-de-France, a arrêté les modalités de fonctionnement et d'accès au dispositif de veille sociale et d'hébergement d'urgence des personnes sans abri ou en détresse ;

2°) statuant en référé, de faire droit à leur demande de suspension ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu, 2° sous le n° 350913, le pourvoi, enregistré le 13 juillet 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour le DEPARTEMENT DE PARIS, représenté par le président du conseil de Paris et la VILLE DE PARIS, représentée par son maire ; le département et la ville demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1109605/9 du 30 juin 2011 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a rejeté leur demande tendant à la suspension de la même décision du préfet de Paris, préfet de la région Ile-de-France ;

2°) statuant en référé, de faire droit à leur demande de suspension ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code de l'action sociale et des familles ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bruno Bachini, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de Mme A et de l'ASSOCIATION DROIT AU LOGEMENT PARIS ET ENVIRONS et de Me Foussard, avocat du DEPARTEMENT DE PARIS et de la VILLE DE PARIS,

- les conclusions de M. Rémi Keller, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de Mme A et de l'ASSOCIATION DROIT AU LOGEMENT PARIS ET ENVIRONS et à Me Foussard, avocat du DEPARTEMENT DE PARIS et de la VILLE DE PARIS ;

Considérant que les pourvois de Mme A et de l'ASSOCIATION DROIT AU LOGEMENT PARIS ET ENVIRONS ainsi que du DEPARTEMENT DE PARIS et de la VILLE DE PARIS présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ;

Sur la régularité des ordonnances attaquées :

Considérant qu'après avoir analysé l'ensemble des moyens soulevés par les requérants, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a suffisamment motivé ses ordonnances en indiquant, dans chacune d'elles, qu'aucun des moyens invoqués n'était propre, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux sur la légalité de l'acte en cause ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que l'ensemble des éléments sur lesquels celui-ci s'est fondé pour rejeter la demande présentée par Mme A et l'ASSOCIATION DROIT AU LOGEMENT PARIS ET ENVIRONS avaient pu être discutés par les parties jusqu'à l'audience du 23 juin 2011 ; que, dès lors, la circonstance que le mémoire intitulé note en délibéré , produit le 24 juin 2011 avant clôture d'instruction par le préfet de Paris, préfet de la région Ile-de-France, et visé par l'ordonnance attaquée, n'ait pas été communiqué aux demandeurs n'a pas été de nature à porter atteinte au caractère contradictoire de la procédure ;

Sur le bien-fondé des ordonnances attaquées :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 345-2 du code de l'action sociale et des familles : Dans chaque département est mis en place, sous l'autorité du représentant de l'Etat, un dispositif de veille sociale chargé d'accueillir les personnes sans abri ou en détresse, de procéder à une première évaluation de leur situation médicale, psychique et sociale et de les orienter vers les structures ou services qu'appelle leur état. / Ce dispositif fonctionne sans interruption et peut être saisi par toute personne, organisme ou collectivité (...) ; qu'aux termes de l'article L. 345-2-1 du même code : En Ile-de-France, un dispositif unique de veille sociale est mis en place à la demande et sous l'autorité du représentant de l'Etat dans la région ; qu'aux termes de l'article L. 345-2-2 de ce code : Toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique et sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d'hébergement d'urgence. / Cet hébergement d'urgence doit lui permettre, dans des conditions d'accueil conformes à la dignité de la personne humaine, de bénéficier de prestations assurant le gîte, le couvert et l'hygiène, une première évaluation médicale, psychique et sociale, réalisée au sein de la structure d'hébergement ou, par convention, par des professionnels ou des organismes extérieurs et d'être orientée vers tout professionnel ou toute structure susceptibles de lui apporter l'aide justifiée par son état, notamment un centre d'hébergement et de réinsertion sociale, un hébergement de stabilisation, une pension de famille, un logement-foyer, un établissement pour personnes âgées dépendantes, un lit halte soins santé ou un service hospitalier. ; qu'enfin, selon l'article L. 345-2-3 : Toute personne accueillie dans une structure d'hébergement d'urgence doit pouvoir y bénéficier d'un accompagnement personnalisé et y demeurer, dès lors qu'elle le souhaite, jusqu'à ce qu'une orientation lui soit proposée (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces des dossiers soumis au juge des référés que, par un courrier du 26 avril 2011 adressé au président du groupement d'intérêt public (GIP) SAMU social de Paris , le préfet de Paris, préfet de la région Ile-de-France, a prescrit à ce dernier des directives ayant pour objet d'encadrer l'accès à l'hébergement d'urgence en hôtel par une régulation des entrées en fonction des sorties, de réserver le dispositif d'hébergement en hôtel aux personnes se trouvant en situation d'extrême vulnérabilité, d'assurer un financement par les partenaires du SAMU social des dépannages assurés par ce dernier en leur faveur et de prévoir une participation financière des familles concernées aux frais de leur hébergement à l'hôtel ;

Considérant qu'en prescrivant ces mesures, le préfet s'est borné à faire usage du pouvoir qu'il tient des dispositions de l'article L. 345-2-1 du code de l'action sociale et des familles lui donnant autorité sur le dispositif de veille sociale dans la région ; que, dès lors, le juge des référés n'a pas commis d'erreur de droit en ne regardant pas comme sérieux le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte ;

Considérant que, si les dispositions de l'article L. 345-2-2 du même code ont instauré un droit à l'hébergement d'urgence des personnes en situation de détresse, la mise en oeuvre de ce droit n'implique pas nécessairement qu'il prenne la forme d'un hébergement en hôtel, ce type d'hébergement n'étant qu'une des modalités mises en oeuvre par le dispositif de veille sociale en Ile-de-France, dont le SAMU social de Paris est l'un des opérateurs ; que, par suite, l'encadrement de l'hébergement en hôtel, dans le but de le réserver aux personnes prioritaires à raison de leur situation d'extrême vulnérabilité, ne méconnaît pas, par lui-même, le droit reconnu par le législateur à toute personne sans abri, en situation de détresse, d'accéder à tout moment à une structure d'hébergement d'urgence ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en jugeant que les moyens tirés de ce que les mesures prescrites par le représentant de l'Etat auraient méconnu les dispositions des articles L. 345-2 et suivants du code de l'action sociale et des familles ainsi que les principes d'égalité et de sauvegarde de la dignité de la personne humaine n'étaient pas propres, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux sur la légalité de l'acte attaqué, le juge des référés du tribunal administratif de Paris n'a ni commis d'erreur de droit ni dénaturé les pièces des dossiers soumis à son examen ;

Considérant, enfin, qu'en ne retenant pas le moyen, soulevé par Mme A et l'ASSOCIATION DROIT AU LOGEMENT PARIS ET ENVIRONS, tiré de l'erreur manifeste commise dans l'appréciation des conséquences de l'acte attaqué au regard des objectifs poursuivis comme étant de nature à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de l'acte attaqué, le juge des référés du tribunal administratif de Paris n'a pas entaché son ordonnance de dénaturation ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation des ordonnances attaquées ; que leurs conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;

D E C I D E :

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Article 1er : Les pourvois de Mme A et de l'ASSOCIATION DROIT AU LOGEMENT PARIS ET ENVIRONS ainsi que du DEPARTEMENT DE PARIS et de la VILLE DE PARIS sont rejetés.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme Elisabeth A, à l'ASSOCIATION DROIT AU LOGEMENT PARIS ET ENVIRONS, au DEPARTEMENT DE PARIS, à la VILLE DE PARIS et à la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.

Copie en sera adressée pour information au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.


Synthèse
Formation : 4ème et 5ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 350884
Date de la décision : 23/12/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 23 déc. 2011, n° 350884
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Jacques Arrighi de Casanova
Rapporteur ?: M. Bruno Bachini
Rapporteur public ?: M. Rémi Keller
Avocat(s) : SCP MASSE-DESSEN, THOUVENIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:350884.20111223
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