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26/12/2011 | FRANCE | N°354614

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 26 décembre 2011, 354614


Vu la requête, enregistrée le 6 décembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la SELARL B ET ASSOCIÉS, société d'avocats dont le siège est situé 22 avenue de l'Observatoire à Paris (75014), M. Vincent B et Mme Nadine A, domiciliés à l'adresse précitée ; la SELARL B ET ASSOCIÉS et autres demandent au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution du nouvel article 15-1 alinéa 2 tel qu'il résulte de la décision à caractère n

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Vu la requête, enregistrée le 6 décembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la SELARL B ET ASSOCIÉS, société d'avocats dont le siège est situé 22 avenue de l'Observatoire à Paris (75014), M. Vincent B et Mme Nadine A, domiciliés à l'adresse précitée ; la SELARL B ET ASSOCIÉS et autres demandent au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution du nouvel article 15-1 alinéa 2 tel qu'il résulte de la décision à caractère normatif n° 2011-005 du règlement intérieur national de la profession d'avocat édictée par le Conseil national des barreaux le 24 septembre 2011, en ce qu'elle modifie les dispositions de l'article 15-1 du règlement intérieur national de la profession d'avocat relatif au domicile professionnel ;

2°) de mettre à la charge du Conseil national des barreaux le versement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

ils soutiennent que leur requête est recevable, dès lors que, d'une part, la décision contestée est une décision de portée générale prise par une autorité à compétence nationale et que, d'autre part, la SELARL B ET ASSOCIÉS a intérêt à agir compte tenu du fait qu'elle propose aux avocats, depuis vingt ans, la mise à disposition d'un domicile professionnel ; que la condition d'urgence est remplie ; que Mme A et les avocats louant les locaux de la société pour se domicilier professionnellement à Paris risquent la modification radicale de leurs conditions d'exercice ; que l'article contesté créé un marché de domiciliation précaire, interdisant à cette société d'utiliser une alternative contractuelle pour les avocats qu'elle domicilie, alors qu'elle leur offre un lieu d'exercice respectant les règles déontologiques de la profession d'avocat ; qu'il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ; que l'auteur de l'acte est incompétent, eu égard aux dispositions de l'article 53 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 qui imposent, pour l'organisation de la profession d'avocat et pour les prescriptions générales, le recours à un décret en Conseil d'Etat ; que la décision du 24 septembre 2011 est entachée d'erreur de droit dès lors qu'elle limite, sans justification, le recours à un des modes de fixation licites du domicile professionnel de l'avocat et qu'elle instaure un contrôle a priori des conventions de domiciliation alors même que l'article 165 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ne l'impose pas ; que cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation, l'alinéa 2 de l'article 15-1 étant contraire au premier alinéa de cet article ;

Vu la décision dont la suspension de l'exécution est demandée ;

Vu la copie de la requête en annulation présentée par la SELARL B ET ASSOCIÉS et autres ;

Vu le mémoire en défense et le mémoire de production, enregistrés le 16 décembre 2011, présentés pour le Conseil national des barreaux, qui conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la SELARL B ET ASSOCIÉS et autres le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il soutient que la requête n'est pas recevable, une copie de la requête à fin d'annulation n'étant pas parmi les pièces produites ; que la condition d'urgence n'est pas remplie ; que la décision contestée ne crée pas de préjudice immédiat pour les requérants, l'alinéa 2 de l'article 15-1 n'étant pas appliqué avant la fixation, par les conseils de l'Ordre, des conditions d'autorisation de domiciliation ; que le préjudice financier n'est pas établi, en particulier par Mme A ; que la décision contestée constitue un assouplissement de l'obligation de disposer d'un domicile professionnel ; que l'intérêt général quant à la mise en oeuvre de la disposition contestée dépasse l'intérêt particulier des requérants ; qu'il n'existe pas de doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ; qu'il tire son pouvoir réglementaire des dispositions des article 21-1 et 17 de la loi du 31 décembre 1971 dans sa version issue de la loi n° 2004-103 du 11 février 2004 ; qu'il n'a pas excédé les limites de son pouvoir réglementaire en édictant des règles permettant à l'avocat d'exercer sa profession dans des conditions matérielles conformes aux exigences déontologiques auxquelles il est soumis ; qu'ainsi, il n'a pas entravé la liberté d'exercice de l'avocat ;

Vu les nouveaux mémoires de production, enregistrés les 19 et 20 décembre 2011, présentés pour le Conseil national des barreaux, qui reprennent les conclusions de ses précédents mémoires et les mêmes moyens ;

Vu les nouveaux mémoires de production, enregistrés les 19 et 20 décembre 2011, présentés par la SELARL B ET ASSOCIÉS

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 20 décembre 2011, présenté par la SELARL B ET ASSOCIÉS et autres qui reprennent les conclusions de leur requête et les mêmes moyens ; ils soutiennent en outre que l'atteinte à un intérêt public, permettant de justifier la décision contestée, n'est pas établie ; que la preuve de l'atteinte portée par la domiciliation telle qu'ils la pratiquent aux principes déontologiques de la profession d'avocat, n'est pas apportée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ;

Vu la loi n° 2004-103 du 11 février 2004 portant modification de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ;

Vu le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat ;

Vu le règlement intérieur national de la profession d'avocat ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la SELARL B ET ASSOCIÉS, M. Vincent B et Mme Nadine A et, d'autre part, le Conseil national des barreaux ainsi que le garde des Sceaux, ministre de la justice et des libertés ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 20 décembre 2011 à 11 heures, au cours de laquelle ont été entendus :

- M. B, membre de la SELARL B ET ASSOCIÉS ;

- Le représentant de la SELARL B ET ASSOCIÉS ;

- Me Le Prado, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat du Conseil national des barreaux ;

- le représentant du Conseil national des barreaux ;

et à l'issue de laquelle l'instruction a été close ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ;

Considérant qu'aux termes de l'article 17 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques : Le conseil de l'Ordre a pour attribution de traiter toutes questions intéressant l'exercice de la profession et de veiller à l'observation des devoirs des avocats ainsi qu'à la protection de leurs droits , qu'aux termes de l'article 21-1 de cette loi, Le Conseil national des barreaux, établissement d'utilité publique doté de la personnalité morale, est chargé de représenter la profession d'avocat notamment auprès des pouvoirs publics. Dans le respect des dispositions législatives et réglementaires en vigueur, le Conseil national des barreaux unifie par voie de dispositions générales les règles et usages de la profession d'avocat. ;

Considérant qu'aux termes de l'article 165 du décret du 27 novembre 1991 pris pour l'application de l'article 5 de la loi : Sous réserve des dispositions des articles 1er-III et 8-1 de la loi du 31 décembre 1971 précitée, l'avocat est tenu de fixer son domicile professionnel dans le ressort du tribunal de grande instance auprès duquel il est établi. ; que l'article 15-1 alinéa 2 du règlement intérieur national tel qu'il résulte de la décision du 24 septembre 2011, édictée par le Conseil national des barreaux, sur le fondement de cet article dispose : Le conseil de l'Ordre peut autoriser à titre temporaire, et pour la durée qu'il fixe, l'avocat à se domicilier soit au sein de locaux affectés par l'Ordre, soit dans les locaux du cabinet d'un autre avocat dans le ressort du même barreau. La convention écrite relative à une telle domiciliation fixe les modalités de la mise à disposition de locaux et les conditions de transmission des courriers et communications destinés à l'avocat. Elle doit être préalablement approuvée par le conseil de l'Ordre. ;

Considérant que si la modification de l'article 15-1 du règlement intérieur national relatif à la profession d'avocat est susceptible d'avoir, à terme, après reprise de son contenu dans une décision du conseil de l'Ordre du Barreau de Paris sur son règlement intérieur, des incidences tant sur la situation des avocats ainsi domiciliés que sur celle des avocats qui proposent à leurs confrères une telle domiciliation à Paris, ces incidences ne sont pas d'une nature telle qu'elles porteraient des conséquences justifiant l'usage, par le juge des référés, des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 521-1 du code de justice administrative ; que, par délibération antérieure du 12 avril 2011 produite au dossier, le conseil de l'Ordre du Barreau de Paris a adopté un projet de convention de sous-location à temps partiel avec partage des moyens d'exercice qui répond en partie aux besoins de domiciliation adaptée et est inséré en annexe de l'article P.48 du règlement intérieur du Barreau de Paris ; qu'en outre, l'intérêt général de la profession d'avocat, dont l'expression est confiée au Conseil national des barreaux, implique que celui-ci, dans sa mission d'harmonisation des usages de la profession avec les lois et décrets en vigueur, précise les conditions dans lesquelles des assouplissements au principe de domiciliation peuvent être organisés dans l'intérêt à la fois de la profession et de ses clients ; que, par suite, la condition d'urgence, justifiant la suspension de la décision contestée, n'est pas remplie ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner si la SELARL B ET ASSOCIÉS et autres font état de moyens propres à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision, qu'il y a lieu de rejeter les conclusions de la requête tendant à la suspension de la décision du 24 septembre 2011 portant modification de l'article 15-1 du règlement intérieur national de la profession d'avocat et, par voie de conséquence, les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge commune de la SELARL B ET ASSOCIÉS, de M. B et de Mme A le versement au Conseil national des barreaux de la somme de 2000 euros ;

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de la la SELARL B ET ASSOCIÉS et autres est rejetée.

Article 2 : La SELARL B et associés, M. B et Mme A verseront au Conseil national des barreaux une somme globale de 2000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la SELARL B ET ASSOCIÉS, à M. Vincent B, à Mme Nadine A, au Conseil national des barreaux et au garde des Sceaux, ministre de la justice et des libertés.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 26 déc. 2011, n° 354614
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Christian Vigouroux
Avocat(s) : LE PRADO

Origine de la décision
Formation : Juge des référés
Date de la décision : 26/12/2011
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 354614
Numéro NOR : CETATEXT000025469012 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2011-12-26;354614 ?
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