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30/12/2011 | FRANCE | N°316738

France | France, Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 30 décembre 2011, 316738


Vu le pourvoi et le mémoire complémentaire enregistrés les 2 juin et 2 septembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat présentés pour la SAS AZEGO TECHNOLOGY SERVICES dont le siège social est situé 11, rue de Norvège à Villebon-sur-Yvette (91978 Courtaboeuf cedex) représentée par Me Alain SOUCHON, mandataire judiciaire, en sa qualité de liquidateur de la SAS AZEGO TECHNOLOGY SERVICES ; la SAS AZEGO TECHNOLOGY SERVICES demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 07VE00477 du 13 mars 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rej

eté sa requête tendant à l'annulation du jugement n° 0404554, 0404555...

Vu le pourvoi et le mémoire complémentaire enregistrés les 2 juin et 2 septembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat présentés pour la SAS AZEGO TECHNOLOGY SERVICES dont le siège social est situé 11, rue de Norvège à Villebon-sur-Yvette (91978 Courtaboeuf cedex) représentée par Me Alain SOUCHON, mandataire judiciaire, en sa qualité de liquidateur de la SAS AZEGO TECHNOLOGY SERVICES ; la SAS AZEGO TECHNOLOGY SERVICES demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 07VE00477 du 13 mars 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement n° 0404554, 0404555 et 05044137 en date du 21 décembre 2006 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre des années 1999 à 2002 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa requête d'appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, Auditeur,

- les observations de la SCP Gadiou, Chevallier, avocat de la SAS AZEGO TECHNOLOGY SERVICES,

- les conclusions de M. Laurent Olléon, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Gadiou, Chevallier, avocat de la SAS AZEGO TECHNOLOGY SERVICES ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société ATCE, devenue la SAS AZEGO TECHNOLOGY SERVICES, qui exerçait des activités de distribution de composants électroniques et d'achat-vente de microprocesseurs, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'occasion de laquelle l'administration a estimé que cette seconde activité s'était inscrite dans un circuit de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'en conséquence, l'administration lui a notifié des rappels de taxe sur la valeur ajoutée sur la période du 1er janvier 1999 au 30 avril 2002 procédant de la remise en cause de la déduction pratiquée par la société de la taxe afférente aux opérations d'achat-vente de microprocesseurs ; que la SAS AZEGO TECHNOLOGY SERVICES se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 13 mars 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement en date du 21 décembre 2006 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre des années 1999 à 2002 ;

Sur la régularité de l'arrêt attaqué :

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier qu'en application de l'article R. 613-2 du code de justice administrative, la clôture de l'instruction devant le tribunal administratif de Versailles est intervenue trois jours francs avant la date du 23 novembre 2006 fixée pour l'audience ; que la cour administrative d'appel de Versailles a jugé que, dès lors que le mémoire produit par la société requérante devant les premiers juges le 16 novembre 2006 avait été communiqué à l'administration fiscale et se bornait à argumenter sur des moyens développés précédemment, la SAS AZEGO TECHNOLOGY SERVICES n'était pas fondée à soutenir que faute de réouverture de l'instruction, le caractère contradictoire de la procédure devant le tribunal administratif aurait été méconnu ; qu'au demeurant elle a également relevé qu'il résultait des termes mêmes du jugement attaqué que le tribunal administratif avait pris en compte ce mémoire, qu'il avait visé dans la minute du jugement ; que, dès lors, c'est sans erreur de droit et par un arrêt suffisamment motivé que la cour a écarté le moyen d'irrégularité de la procédure tiré de l'absence de réouverture de l'instruction à la suite de la production de ce mémoire ;

Considérant, en deuxième lieu, que le moyen tiré de ce que la cour aurait omis de répondre à certains moyens soulevés devant elle par la SAS AZEGO TECHNOLOGY SERVICES n'est pas assorti des précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé ;

Considérant, en troisième lieu, que la cour n'a pas dénaturé les écritures de la SAS AZEGO TECHNOLOGY SERVICES en estimant qu'elle ne contestait pas l'existence de détournements en amont du circuit de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée mais se bornait à soutenir qu'elle y avait participé à son insu ;

Sur les motifs de l'arrêt attaqué relatifs à la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier soumis à la cour que n'a pas été invoqué devant elle le moyen tiré de ce que l'administration fiscale ne pouvait, sans méconnaître le caractère contradictoire de la procédure d'imposition, ne communiquer au contribuable les documents obtenus de tiers que peu de temps avant la mise en recouvrement des impositions litigieuses ; que par suite le moyen tiré par la société requérante de ce que la cour aurait commis une erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales est sans influence sur le bien-fondé de l'arrêt attaqué ;

Considérant, en second lieu, que l'administration ne peut, en principe, fonder un redressement sur des renseignements et des documents qu'elle a obtenus de tiers sans informer le contribuable, avant la mise en recouvrement, de la teneur et de l'origine de ces renseignements et documents, afin qu'il soit mis à même de demander, avant la mise en recouvrement des impositions, que les pièces concernées soient mises à sa disposition ; que, toutefois, les dispositions législatives protégeant le secret professionnel, telles que l'article L. 103 du livre des procédures fiscales, peuvent faire obstacle à la communication par l'administration à un contribuable de renseignements concernant un tiers, sans le consentement de celui-ci ou de toute personne habilitée à cet effet ; qu'un tel refus de communication, reposant sur la protection du secret professionnel, ne fait pas obstacle à ce que les redressements soient fondés sur les renseignements ou documents communiqués au contribuable après occultation des informations qui seraient susceptibles de porter atteinte au secret professionnel ;

Considérant que la cour a souverainement estimé qu'il ne résultait pas de l'instruction que l'occultation des informations à caractère nominatif ou chiffré que contenaient les pièces obtenues par l'administration lors des procédures de contrôle des fournisseurs directs et indirects de la société, dans la communication que l'administration en a faites par lettre du 20 avril 2004 à la demande de la société, aurait eu pour conséquence de remettre en cause la lisibilité et la compréhension de ces documents ; qu'en en déduisant que l'administration avait pu refuser de communiquer certains documents à la contribuable compte tenu des règles encadrant le secret professionnel auquel sont tenus ses agents et que la SAS AZEGO TECHNOLOGY SERVICES n'était pas fondée à soutenir qu'elle aurait été insuffisamment informée du contenu de ces documents, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ;

Sur les motifs de l'arrêt attaqué relatifs au bien-fondé des impositions en litige :

Considérant qu'aux termes de l'article 271 du code général des impôts : I 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. / 2. Le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable (...) / 3. La déduction de la taxe ayant grevé les biens et les services est opérée par imputation sur la taxe due par le redevable au titre du mois pendant lequel le droit à déduction a pris naissance. / II 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : / a) Celle qui figure sur les factures d'achat qui leur sont délivrées par leurs vendeurs, dans la mesure où ces derniers étaient légalement autorisés à la faire figurer sur lesdites factures (...) ; qu'il résulte de ces dispositions, prises pour l'application de la 6ème directive 77/388/CEE du 17 mai 1977, notamment de son article 17, telle que l'a interprétée la Cour de justice de l'Union européenne, que le bénéfice du droit à déduction doit être refusé à un assujetti lorsqu'il est établi, au vu d'éléments objectifs, que celui-ci savait ou aurait dû savoir que, par son acquisition, il participait à une opération impliquée dans une fraude à la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'il en va ainsi alors même que l'opération en cause satisferait aux critères objectifs sur lesquels sont fondées les notions de livraisons de biens effectuées par un assujetti agissant en tant que tel et d'activité économique ;

Considérant, d'une part, que la cour a relevé, par une appréciation souveraine des faits exempte de dénaturation, qu'il résultait des investigations menées par l'administration auprès de fournisseurs de premier et deuxième rang de la société requérante, des sociétés de transport et de l'exercice de son droit de communication auprès de l'autorité judiciaire, que les microprocesseurs acquis par la société ATCE provenaient de deux opérateurs européens, l'un britannique, l'autre luxembourgeois et étaient achetés par des sociétés françaises éphémères, dépourvues de moyens humains et matériels, qui ne déclaraient pas les livraisons intercommunautaires et refacturaient toutes taxes comprises les marchandises à un prix hors taxes inférieur à leur prix d'achat, tout en ne reversant pas la taxe sur la valeur ajoutée collectée au Trésor public, que les marchandises, qui ne transitaient pas matériellement par les sociétés éphémères, étaient facturées par ces dernières à des sociétés intermédiaires françaises qui étaient les fournisseurs directs de la société ATCE, que ces sociétés intermédiaires facturaient à leur tour la marchandise toutes taxes comprises à la société ATCE, qui était par ailleurs leur principal client ; qu'en déduisant de ces éléments que l'administration avait établi la réalité d'un réseau de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée et démontré que les fournisseurs directs de la société ATCE constituaient de simples intermédiaires de facturation qui, tout en remplissant leurs obligations fiscales, étaient dépourvus d'activité réelle et servaient d'écran aux sociétés éphémères défaillantes à la taxe sur la valeur ajoutée en établissant des factures de complaisance, la cour, qui n'était pas tenue de rechercher si l'administration avait procédé au contrôle de chaque facture d'achat dont la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée avait été remise en cause à la suite de la mise à jour de ce circuit de fraude, n'a pas commis d'erreur de droit et n'a pas méconnu les règles gouvernant la charge de la preuve ;

Considérant, d'autre part, que la SAS AZEGO TECHNOLOGY SERVICES, qui ne contestait pas l'existence de détournements en amont de ce circuit, soutenait devant les juges d'appel qu'elle y avait participé à son insu ; que la cour a toutefois relevé que des courriers saisis au sein de la société ATCE avaient montré que celle-ci ainsi que la société Telecomputer, principal client américain de la requérante, correspondaient en 1999 avec un intermédiaire occulte représentant et coordonnant les sociétés éphémères et négociaient directement les commandes qui étaient officiellement vendues à la société ATCE par la société FDCE, son principal fournisseur direct, lequel acquérait la marchandise auprès des sociétés éphémères par le même intermédiaire occulte ; qu'elle a également relevé que les microprocesseurs en provenance du Royaume-Uni ou du Luxembourg, officiellement acquis par une société éphémère puis par la société FDCE, étaient livrés directement à la société requérante, sans transiter par les fournisseurs indirects et directs, par des entreprises de livraison agissant sur instruction d'un intermédiaire extérieur, que la société ATCE avait continué de s'approvisionner auprès de la société FDCE dont elle connaissait l'implication dans le réseau et poursuivi son approvisionnement auprès de la société Chromium jusqu'en avril 2002 et même embauché son dirigeant en 2003 alors que l'administration fiscale l'avait informée dès janvier 2002 de l'existence d'une fraude à la taxe sur la valeur ajoutée en amont de ses fournisseurs directs et notamment de la société Chromium, qu'alors que l'activité de trading met généralement en relation de multiples opérateurs sur le marché en fonction des variations à court terme de l'offre et de la demande, la société ATCE ne s'était approvisionnée qu'auprès d'un nombre limité de fournisseurs dépendant d'elle dans la mesure où elle était leur principal client, et dont la marchandise provenait quasi-exclusivement des deux mêmes fournisseurs européens par l'intermédiaire des mêmes sociétés éphémères défaillantes à la taxe sur la valeur ajoutée, que les enquêtes de l'administration avaient aussi révélé l'existence de relations personnelles entre les dirigeants des fournisseurs européens et ceux des sociétés ITS, Inteware et Chromium, fournisseurs directs de la société ATCE, d'une part, et à partir de l'année 2000 entre ces derniers et le dirigeant de la société ATCE, d'autre part ; que la cour a estimé qu'ainsi, la société ATCE, qui, bien que n'acquérant que des microprocesseurs destinés à l'exportation, n'avait pas demandé le bénéfice d'achats en franchise de taxe sur la valeur ajoutée contrairement à ce qu'elle faisait dans le cadre de son autre activité et qui avait eu recours exclusivement pendant toutes les années vérifiées à des fournisseurs faisant partie d'un réseau de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée, apparaissait non seulement comme le débouché prépondérant du réseau, mais de surcroît comme l'acteur ayant l'initiative de l'alimenter dès lors que, dans le cadre de son activité les ventes précédaient les achats ; qu'enfin, la cour a relevé que si la SAS AZEGO TECHNOLOGY SERVICES faisait valoir que c'était sa société mère allemande qui avait commandé une étude au cabinet de conseil A. Andersen relative aux conséquences fiscales pour une entreprise assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée de la constatation d'une défaillance à la taxe sur la valeur ajoutée chez les fournisseurs de ses propres fournisseurs, elle ne l'établissait pas en produisant une attestation du dirigeant allemand rédigée le 27 novembre 2006 alors que la société requérante avait financé cette étude, commandée avant l'engagement du contrôle de sa comptabilité par l'administration et l'avait communiquée à son fournisseur ITS qui recourait quasi-exclusivement à des sociétés éphémères défaillantes à la taxe sur la valeur ajoutée pour les approvisionnements ; que la cour a déduit de l'ensemble de ces constatations que la société ATCE, non seulement avait connaissance depuis 1999 du réseau de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée mais y participait activement et que, par suite, l'administration devait être regardée comme rapportant la preuve, alors même que ses prix compétitifs ne seraient pas inférieurs à ceux du marché, que la société ATCE ne pouvait ignorer le caractère frauduleux des circuits d'approvisionnement qu'elle avait utilisés pour l'exercice de son activité d'achat-vente de microprocesseurs et le rôle de simple interposition entre elle et les sociétés éphémères de ses fournisseurs directs émettant des factures de complaisance ; qu'elle a jugé que, dans ces conditions, malgré la réalité des achats et des ventes, la société ATCE n'était pas en droit de déduire la taxe qu'elle a acquittée ; qu'en statuant ainsi, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SAS AZEGO TECHNOLOGY SERVICES n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ; que ses conclusions, présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi de la SAS AZEGO TECHNOLOGY SERVICES est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SAS AZEGO TECHNOLOGY SERVICES et à la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement.


Synthèse
Formation : 8ème et 3ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 316738
Date de la décision : 30/12/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 30 déc. 2011, n° 316738
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Christian Vigouroux
Rapporteur ?: Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon
Rapporteur public ?: M. Laurent Olléon
Avocat(s) : SCP GADIOU, CHEVALLIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:316738.20111230
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