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30/12/2011 | FRANCE | N°316741

France | France, Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 30 décembre 2011, 316741


Vu le pourvoi et le mémoire complémentaire, enregistrés les 2 juin et 2 septembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SAS AZEGO TECHNOLOGY SERVICES FRANCE, dont le siège social est situé 11, rue de Norvège à Villebon-sur-Yvette (91978 Courtaboeuf Cedex), représentée par Maître Alain Souchon, mandataire judiciaire, en sa qualité de liquidateur de la SAS AZEGO TECHNOLOGY SERVICES FRANCE ; la SAS AZEGO TECHNOLOGY SERVICES FRANCE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 05VE00946 du 13 mars 2008 par lequel la cour administrat

ive d'appel de Versailles a rejeté sa requête tendant à l'annulation d...

Vu le pourvoi et le mémoire complémentaire, enregistrés les 2 juin et 2 septembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SAS AZEGO TECHNOLOGY SERVICES FRANCE, dont le siège social est situé 11, rue de Norvège à Villebon-sur-Yvette (91978 Courtaboeuf Cedex), représentée par Maître Alain Souchon, mandataire judiciaire, en sa qualité de liquidateur de la SAS AZEGO TECHNOLOGY SERVICES FRANCE ; la SAS AZEGO TECHNOLOGY SERVICES FRANCE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 05VE00946 du 13 mars 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement n° 0201032 du 24 mars 2005 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande en annulation des demandes de cautionnement ainsi que sa demande de remboursement des crédits de taxe sur la valeur ajoutée au titre des mois d'octobre, novembre, décembre 2001 et janvier 2002 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa requête d'appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, Auditeur,

- les observations de la SCP Gadiou, Chevallier, avocat de la SAS AZEGO TECHNOLOGY SERVICES FRANCE,

- les conclusions de M. Laurent Olléon, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Gadiou, Chevallier, avocat de la SAS AZEGO TECHNOLOGY SERVICES FRANCE ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SAS AZEGO TECHNOLOGY SERVICES FRANCE, qui exerçait des activités de distribution de composants électroniques et d'achat-vente de microprocesseurs, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'occasion de laquelle l'administration a estimé que la seconde activité s'était inscrite dans un circuit de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée ; que les demandes de remboursement de crédits de taxe sur la valeur ajoutée au titre des mois d'octobre, de novembre et décembre 2001 ainsi que du mois de janvier 2002 qu'elle a présentées ont été rejetées ; que la SAS AZEGO TECHNOLOGY SERVICES FRANCE se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 13 mars 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement en date 21 décembre 2006 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation des demandes de cautionnement ainsi qu'au remboursement des crédits de taxe sur la valeur ajoutée que l'administration lui a refusés ;

Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré de ce que la cour aurait omis de répondre à certains moyens soulevés devant elle par la SAS AZEGO TECHNOLOGY SERVICES FRANCE n'est pas assorti des précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé ;

Considérant, en deuxième lieu, que la cour n'a pas dénaturé les écritures de la SAS AZEGO TECHNOLOGY SERVICES FRANCE en affirmant qu'elle ne contestait pas l'existence de détournements en amont du circuit de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée mais se bornait à soutenir qu'elle y avait participé à son insu ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 242-O-J de l'annexe II au code général des impôts, pris sur le fondement des articles 271 et 273 de ce code : Toute personne qui demande le bénéfice des dispositions des articles 242-O A à 242-O K peut, à la demande de l'administration, être tenue de présenter une caution solvable qui s'engage, solidairement avec elle, à reverser les sommes dont elle aurait obtenu indûment le remboursement. ;

Considérant, d'une part, que la demande de présentation d'une caution, en application de l'article 242-O J de l'annexe II au code général des impôts, constitue l'ouverture d'une procédure provisoire, engagée dans l'attente de la décision que l'administration fiscale devra prendre sur l'existence et le montant du droit à remboursement du contribuable, et permettant à celui-ci de bénéficier, malgré les doutes de l'administration sur ce droit à remboursement, d'une avance provisoire de trésorerie sous réserve qu'une caution soit présentée ; que cette proposition d'avance de trésorerie sous condition de caution ne fait pas obstacle à ce que, le cas échéant, le contribuable puisse contester une décision ultérieure, implicite ou expresse, de rejet de la demande de remboursement du crédit de taxe déductible ; que dans ces conditions, les lettres proposant un remboursement provisoire moyennant la présentation d'une caution ne constituent pas des décisions susceptibles de recours ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par courriers des 8 février, 27 février et 9 avril 2002, le directeur des services fiscaux de l'Essonne a proposé à la société ATCE le remboursement des crédits de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle sollicitait au titre des mois d'octobre à décembre 2001 et janvier 2002 moyennant la présentation d'une caution sur la totalité des sommes demandées ; qu'en jugeant, en application des dispositions précitées, que ces décisions n'étaient pas susceptibles de recours, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ; que par suite, elle n'a pas davantage commis d'erreur de droit en jugeant que la société requérante ne pouvait utilement se prévaloir de la documentation administrative référencée 3 E-1441 qui prévoit que les demandes de cautionnement doivent être motivées ;

Considérant, d'autre part, que la cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que la circonstance, à la supposer avérée, que l'administration n'aurait pas communiqué à la société requérante les pièces et documents que l'administration fiscale avait obtenus à l'occasion de la mise en oeuvre de perquisitions sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales et de l'exercice de son droit de communication dans le cadre du contrôle fiscal, était inopérante pour contester le refus de remboursement de crédits de taxe sur la valeur ajoutée dès lors qu'un tel refus ne constitue pas un redressement mais le rejet d'une réclamation ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 271 du code général des impôts : I 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. / 2. Le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable / 3. La déduction de la taxe ayant grevé les biens et les services est opérée par imputation sur la taxe due par le redevable au titre du mois pendant lequel le droit à déduction a pris naissance. / II 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : / a) Celle qui figure sur les factures d'achat qui leur sont délivrées par leurs vendeurs, dans la mesure où ces derniers étaient légalement autorisés à la faire figurer sur lesdites factures (...) ; qu'il résulte de ces dispositions, prises pour l'application de la 6ème directive 77/388/CEE du 17 mai 1977, notamment de son article 17, telle que l'a interprétée la Cour de justice des communautés européennes, que le bénéfice du droit à déduction doit être refusé à un assujetti lorsqu'il est établi, au vu d'éléments objectifs, que celui-ci savait ou aurait dû savoir que, par son acquisition, il participait à une opération impliquée dans une fraude à la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'il en va ainsi alors même que l'opération en cause satisferait aux critères objectifs sur lesquels sont fondées les notions de livraisons de biens effectuées par un assujetti agissant en tant que tel et d'activité économique ; que, dans ce cas, l'assujetti ne peut davantage demander le remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée prévu par l'article 271 du code général des impôts ;

Considérant, d'une part, que la cour a relevé, par une appréciation souveraine des faits exempte de dénaturation, qu'il résultait des investigations menées par l'administration auprès de fournisseurs de premier et deuxième rang de la société requérante, des sociétés de transport et de l'exercice de son droit de communication auprès de l'autorité judiciaire, que les microprocesseurs acquis par la société ATCE provenaient de deux opérateurs européens, l'un britannique, l'autre luxembourgeois et étaient achetés par des sociétés françaises éphémères, dépourvues de moyens humains et matériels, qui ne déclaraient pas les livraisons intercommunautaires et refacturaient toutes taxes comprises les marchandises à un prix hors taxes inférieur à leur prix d'achat, tout en ne reversant pas la taxe sur la valeur ajoutée collectée au Trésor public, que les marchandises, qui ne transitaient pas matériellement par les sociétés éphémères, étaient facturées par ces dernières à des sociétés intermédiaires françaises qui étaient les fournisseurs directs de la société ATCE, que ces sociétés intermédiaires facturaient à leur tour la marchandise toutes taxes comprises à la société ATCE, qui était par ailleurs leur principal client ; qu'en déduisant de ces éléments que l'administration avait établi la réalité d'un réseau de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée et démontré que les fournisseurs directs de la société ATCE constituaient de simples intermédiaires de facturation qui, tout en remplissant leurs obligations fiscales, étaient dépourvus d'activité réelle et servaient d'écran aux sociétés éphémères défaillantes à la taxe sur la valeur ajoutée en établissant des factures de complaisance, la cour, qui n'était pas tenue de rechercher si l'administration avait procédé au contrôle de chaque facture d'achat dont la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée avait été remise en cause à la suite de la mise à jour de ce circuit de fraude, n'a pas commis d'erreur de droit et n'a pas méconnu les règles gouvernant la charge de la preuve ;

Considérant, d'autre part, que la SAS AZEGO TECHNOLOGY SERVICES FRANCE, qui ne contestait pas l'existence de détournements en amont de ce circuit, soutenait devant les juges d'appel qu'elle y avait participé à son insu ; que la cour a toutefois relevé que des courriers saisis au sein de la société ATCE avaient montré que celle-ci ainsi que la société Telecomputer, principal client américain de la requérante, correspondaient en 1999 avec un intermédiaire occulte représentant et coordonnant les sociétés éphémères et négociaient directement les commandes qui étaient officiellement vendues à la société ATCE par la société FDCE, son principal fournisseur direct, lequel acquérait la marchandise auprès des sociétés éphémères par le même intermédiaire occulte ; qu'elle a également relevé que les microprocesseurs en provenance du Royaume-Uni ou du Luxembourg, officiellement acquis par une société éphémère puis par la société FDCE, étaient livrés directement à la société requérante, sans transiter par les fournisseurs indirects et directs, par des entreprises de livraison agissant sur instruction d'un intermédiaire extérieur, que la société ATCE avait continué de s'approvisionner auprès de la société FDCE dont elle connaissait l'implication dans le réseau et poursuivi son approvisionnement auprès de la société Chromium jusqu'en avril 2002 et même embauché son dirigeant en 2003 alors que l'administration fiscale l'avait informée dès janvier 2002 de l'existence d'une fraude à la taxe sur la valeur ajoutée en amont de ses fournisseurs directs et notamment de la société Chromium, qu'alors que l'activité de trading met généralement en relation de multiples opérateurs sur le marché en fonction des variations à court terme de l'offre et de la demande, la société ATCE ne s'était approvisionnée qu'auprès d'un nombre limité de fournisseurs dépendant d'elle dans la mesure où elle était leur principal client, et dont la marchandise provenait quasi-exclusivement des deux mêmes fournisseurs européens par l'intermédiaire des mêmes sociétés éphémères défaillantes à la taxe sur la valeur ajoutée, que les enquêtes de l'administration avaient aussi révélé l'existence de relations personnelles entre les dirigeants des fournisseurs européens et ceux des sociétés ITS, Inteware et Chromium, fournisseurs directs de la société ATCE, d'une part, et à partir de l'année 2000 entre ces derniers et le dirigeant de la société ATCE, d'autre part ; que la cour a estimé qu'ainsi, la société ATCE, qui, bien que n'acquérant que des microprocesseurs destinés à l'exportation, n'avait pas demandé le bénéfice d'achats en franchise de taxe sur la valeur ajoutée contrairement à ce qu'elle faisait dans le cadre de son autre activité et qui avait eu recours exclusivement pendant toutes les années vérifiées à des fournisseurs faisant partie d'un réseau de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée, apparaissait non seulement comme le débouché prépondérant du réseau, mais de surcroît comme l'acteur ayant l'initiative de l'alimenter dès lors que, dans le cadre de son activité les ventes précédaient les achats ; qu'enfin, la cour a relevé que si la SAS AZEGO TECHNOLOGY SERVICES FRANCE faisait valoir que c'était sa société mère allemande qui avait commandé une étude au cabinet de conseil A. Andersen relative aux conséquences fiscales pour une entreprise assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée de la constatation d'une défaillance à la taxe sur la valeur ajoutée chez les fournisseurs de ses propres fournisseurs, elle ne l'établissait pas en produisant une attestation du dirigeant allemand rédigée le 27 novembre 2006 alors que la société requérante avait financé cette étude, commandée avant l'engagement du contrôle de sa comptabilité par l'administration et l'avait communiquée à son fournisseur ITS qui recourait quasi-exclusivement à des sociétés éphémères défaillantes à la taxe sur la valeur ajoutée pour les approvisionnements ; que la cour a déduit de l'ensemble de ces constatations que la société ATCE, non seulement avait connaissance depuis 1999 du réseau de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée mais y participait activement et que, par suite, l'administration devait être regardée comme rapportant la preuve, alors même que ses prix compétitifs ne seraient pas inférieurs à ceux du marché, que la société ATCE ne pouvait ignorer le caractère frauduleux des circuits d'approvisionnement qu'elle avait utilisés pour l'exercice de son activité d'achat-vente de microprocesseurs et le rôle de simple interposition entre elle et les sociétés éphémères de ses fournisseurs directs émettant des factures de complaisance ; qu'elle a jugé que, dans ces conditions, malgré la réalité des achats et des ventes, la société ATCE n'était pas en droit de déduire la taxe qu'elle a acquittée ; qu'en statuant ainsi, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ; que, par suite, la cour n'a pas davantage commis d'erreur de droit en jugeant que les demandes de la société requérante tendant au remboursement de crédits de taxe sur la valeur ajoutée devaient être rejetées et qu'il en allait ainsi quand bien même la décision du directeur des services fiscaux du 21 mars 2002 rejetant ces demandes serait fondée sur un motif erroné tiré de l'absence de cautionnement accepté par la société ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SAS AZEGO TECHNOLOGY SERVICES FRANCE n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ; que ses conclusions, présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi de la SAS AZEGO TECHNOLOGY SERVICES FRANCE est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SAS AZEGO TECHNOLOGY SERVICES FRANCE et à la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement.


Synthèse
Formation : 8ème et 3ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 316741
Date de la décision : 30/12/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 30 déc. 2011, n° 316741
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Christian Vigouroux
Rapporteur ?: Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon
Rapporteur public ?: M. Laurent Olléon
Avocat(s) : SCP GADIOU, CHEVALLIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:316741.20111230
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