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30/12/2011 | FRANCE | N°325994

France | France, Conseil d'État, 5ème sous-section jugeant seule, 30 décembre 2011, 325994


Vu le pourvoi, enregistré le 12 mars 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par Mme Bernia A, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 26 janvier 2009 par lequel la cour régionale des pensions de Nîmes a confirmé le jugement du 10 janvier 2006 du tribunal départemental des pensions du Gard refusant de lui reconnaître un droit à pension de réversion ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) d'enjoindre au ministre de la défense de réexaminer sa situation en vue d'obtenir un

e pension de réversion, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de met...

Vu le pourvoi, enregistré le 12 mars 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par Mme Bernia A, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 26 janvier 2009 par lequel la cour régionale des pensions de Nîmes a confirmé le jugement du 10 janvier 2006 du tribunal départemental des pensions du Gard refusant de lui reconnaître un droit à pension de réversion ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) d'enjoindre au ministre de la défense de réexaminer sa situation en vue d'obtenir une pension de réversion, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;

Vu la loi n° 81-734 du 3 août 1981 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu la loi n° 2002-1576 du 30 décembre 2002 ;

Vu la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 ;

Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-1 QPC du 28 mai 2010 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Frédéric Desportes, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Tiffreau, Corlay, Marlange, avocat de Mme A,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Thiellay, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Tiffreau, Corlay, Marlange, avocat de Mme A ;

Considérant que Mme A, ressortissante algérienne, a épousé en 1969 M. B, ancien soldat de l'armée française, également de nationalité algérienne et titulaire d'une pension militaire d'invalidité ; qu'à la suite du décès de son mari survenu le 5 juin 2003, elle a sollicité le 9 septembre suivant une pension de réversion que le ministre de la défense lui a refusée par une décision du 4 décembre 2003 ; que, pour rejeter son recours par un jugement du 10 janvier 2006, le tribunal départemental des pensions du Gard a relevé que le mariage avait été célébré postérieurement au 3 juillet 1962, date à laquelle, en application des dispositions de l'article 68 de la loi n° 2002-1576 du 30 décembre 2002 combinées avec celles de l'article 26 de la loi n° 81-734 du 3 août 1981, il convenait d'apprécier la situation de famille pour statuer sur le droit à pension de réversion du conjoint survivant d'un ressortissant algérien titulaire d'une pension militaire d'invalidité ; que, par l'arrêt du 26 janvier 2009 contre lequel Mme A se pourvoit en cassation, la cour régionale des pensions de Nîmes s'est fondée sur le même motif pour rejeter l'appel de l'intéressée ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens du pourvoi ;

Considérant que, par sa décision n° 2010-1 QPC du 28 mai 2010, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution les dispositions de l'article 26 de la loi n° 81-734 du 3 août 1981 de finances rectificative pour 1981, de l'article 68 de la loi n° 2002-1576 du 30 décembre 2002 de finances rectificative pour 2002, à l'exception de celles de son paragraphe VII, et de l'article 100 de la loi n° 2006-1666 du 21 décembre 2006 de finances pour 2007, à l'exception du paragraphe V ; que le Conseil constitutionnel a précisé qu'afin de permettre au législateur de remédier à l'inconstitutionnalité, l'abrogation de ces dispositions prendrait effet à compter du 1er janvier 2011 et qu'afin de préserver l'effet utile de sa décision dans les instances en cours dont l'issue dépendait de l'application des dispositions censurées, il appartiendrait, d'une part, aux juridictions de surseoir à statuer jusqu'au 1er janvier 2011 et, d'autre part, au législateur de prévoir une application dans ces instances des dispositions qu'il édicterait ;

Considérant qu'à la suite de cette décision l'article 211 de la loi du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 a fixé des règles nouvelles pour le calcul des pensions militaires d'invalidité, des pensions civiles et militaires de retraite et des retraites du combattant servies aux ressortissants des pays ou territoires ayant appartenu à l'Union française ou à la Communauté ou ayant été placés sous le protectorat ou sous la tutelle de la France et abrogé plusieurs dispositions législatives, notamment celles de l'article 71 de la loi du 26 décembre 1959 portant loi de finances pour 1960 ; qu'aux termes de son paragraphe VI, l'article 211 est applicable aux instances en cours à la date du 28 mai 2010, la révision des pensions prenant effet à compter de la date de réception par l'administration de la demande qui est à l'origine de ces instances ;

Considérant que, comme il a été dit, le Conseil constitutionnel a jugé qu'il appartenait au législateur de prévoir une application aux instances en cours à la date de sa décision des dispositions qu'il adopterait en vue de remédier à l'inconstitutionnalité constatée ; que l'article 211 de la loi de finances pour 2011 ne se borne pas à déterminer les règles de calcul des pensions servies aux personnes qu'il mentionne, mais abroge aussi des dispositions qui définissent, notamment, les conditions dans lesquelles est ouvert le droit à une pension de réversion ; qu'ainsi, alors même qu'il mentionne seulement la révision des pensions , le paragraphe VI de l'article 211 précité doit être regardé comme s'appliquant aussi aux demandes de pension de réversion ;

Considérant que, pour statuer, par l'arrêt attaqué, sur le droit de Mme A à percevoir une pension de réversion, la cour régionale des pensions de Nîmes s'est fondée sur les dispositions déclarées inconstitutionnelles de l'article 68 de la loi de finances rectificative pour 2002 combinées avec celles de l'article 26 de la loi de finances rectificative pour 1981 ; qu'afin de préserver l'effet utile de la décision du 28 mai 2010 du Conseil constitutionnel dans l'instance ouverte par la demande de Mme A, il incombe au juge de cassation, après avoir sursis à statuer comme l'y invitait la décision du Conseil constitutionnel, d'annuler l'arrêt attaqué ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant qu'en application du VI de l'article 211 de la loi de finances pour 2011, dont la portée a été précisée ci-dessus, il y a lieu d'écarter les dispositions de l'article 68 de la loi de finances rectificative pour 2002 et de l'article 26 de la loi de finances rectificative pour 1981 pour statuer sur le droit à pension de réversion de Mme A à compter de la date de réception de sa demande par l'administration, soit à compter du 9 septembre 2003 ; que l'article 211 de la loi de finances pour 2011 n'ayant substitué aucune disposition nouvelle à celles qui doivent ainsi être écartées pour définir les conditions dans lesquelles un droit à pension de réversion est ouvert à la veuve d'un ayant droit algérien, il y a lieu de faire application des dispositions du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre relatives aux pensions des ayants cause applicables à la date du décès de l'ayant droit ;

Considérant qu'aux termes de l'article 43 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : Ont droit à pension : ... 2° Les veuves des militaires et marins dont la mort a été causée par des maladies contractées ou aggravées par suite de fatigues, dangers ou accidents survenus par le fait ou à l'occasion du service, ainsi que les veuves de militaires et marins morts en jouissance d'une pension définitive ou temporaire correspondant à une invalidité égale ou supérieure à 85 % ou en possession de droits à cette pension ; 3° Les veuves des militaires et marins morts en jouissance d'une pension définitive ou temporaire correspondant à une invalidité égale ou supérieure à 60 % ou en possession de droits à cette pension ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. B était titulaire d'une pension définitive au titre d'une invalidité de 80 % ; que si la requérante, qui n'apporte aucun élément de nature à établir que son mari serait décédé des suites de la maladie au titre de laquelle il avait obtenu cette pension, ne peut se prévaloir du 2° de l'article L. 43 précité, elle justifie d'un droit à une pension de réversion en application du 3° ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A est fondée à demander l'annulation du jugement du 10 janvier 2006 du tribunal départemental des pensions du Gard et de la décision du ministre de la défense du 6 février 2004 rejetant sa demande de pension de réversion ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, d'enjoindre au ministre qu'il soit procédé à la liquidation de la pension à laquelle elle a droit à compter du 9 septembre 2003 ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Considérant que Mme A a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Tiffreau-Corlay, Marlange, avocat de Mme A, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à payer à la SCP Tiffreau-Corlay Marlange ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour régionale des pensions de Nîmes en date du 26 janvier 2009 et le jugement du tribunal départemental des pensions du Gard en date du 10 janvier 2006 sont annulés.

Article 2 : La décision du ministre de la défense en date du 6 février 2004 est annulée.

Article 3 : Mme A est renvoyée devant le ministre de la défense pour qu'il soit procédé à la liquidation de la pension à laquelle elle a droit à compter du 9 septembre 2003.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la demande présentée devant le tribunal départemental des pensions du Gard et du pourvoi de Mme A est rejeté.

Article 5 : L'Etat versera à la SCP Tiffreau-Corlay, Marlange, avocat de Mme A, la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette SCP renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à Mme Bernia A et au ministre de la défense et des anciens combattants.


Synthèse
Formation : 5ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 325994
Date de la décision : 30/12/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux des pensions

Publications
Proposition de citation : CE, 30 déc. 2011, n° 325994
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Sylvie Hubac
Rapporteur ?: M. Frédéric Desportes
Rapporteur public ?: M. Jean-Philippe Thiellay
Avocat(s) : SCP TIFFREAU, CORLAY, MARLANGE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:325994.20111230
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