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30/12/2011 | FRANCE | N°332088

France | France, Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 30 décembre 2011, 332088


Vu le pourvoi, enregistré le 4 septembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT ; le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT demande au Conseil d'Etat d'annuler les articles 1, 2 et 3 de l'arrêt n° 07VE02009 du 18 juin 2009 par lesquels la cour administrative d'appel de Versailles, faisant partiellement droit à la requête de M. B... A...dirigée contre le jugement n° 0406342 du 31 mai 2007 du tribunal administrat

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Vu le pourvoi, enregistré le 4 septembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT ; le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT demande au Conseil d'Etat d'annuler les articles 1, 2 et 3 de l'arrêt n° 07VE02009 du 18 juin 2009 par lesquels la cour administrative d'appel de Versailles, faisant partiellement droit à la requête de M. B... A...dirigée contre le jugement n° 0406342 du 31 mai 2007 du tribunal administratif de Versailles et réformant ce jugement, a réduit les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 1999 et l'a déchargé des pénalités pour manoeuvres frauduleuses mises à sa charge au titre de la même année ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Eliane Chemla, Conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Laurent Olléon, rapporteur public ;

Sur le bien-fondé de l'arrêt attaqué en ce qui concerne les impositions :

Considérant qu'aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; / 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices (...) " ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que la SARL CTL a fait l'objet d'une vérification de comptabilité sur la période du 1er mai 1997 au 31 décembre 1999 ; qu'à la suite de ce contrôle, M. A...a notamment été assujetti à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de l'année 1999 en tant que bénéficiaire des revenus distribués par cette société ;

Considérant que la cour administrative d'appel de Versailles, après avoir relevé, par une appréciation souveraine des faits non arguée de dénaturation, qu'il était constant que M. A...était en 1999 le gérant de fait de la SARL CTL, n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que, dès lors qu'il ne détenait que 40 % des parts de la société, que l'administration ne soutenait pas qu'il était le seul à disposer de la procuration sur les comptes bancaires de la société et qu'il ne résultait pas de l'instruction que le porteur des 60 % restants des parts sociales n'avait pas exercé ses droits, ces circonstances ne suffisaient pas à établir qu'il se comportait en maître de l'affaire ; que, par suite, le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT n'est pas fondé à demander sur ce point l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Sur le bien-fondé de l'arrêt en ce qui concerne les pénalités :

Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 p. 100 si la mauvaise foi de l'intéressé est établie ou de 80 p. 100 s'il s'est rendu coupable de manoeuvres frauduleuses ... " ;

Considérant que la cour a relevé, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, que si M. A...était dirigeant de deux sociétés en France, y louait un logement, avait souscrit après deux mises en demeure une déclaration de revenus dans laquelle il indiquait résider au Luxembourg, il était constant qu'il résidait une partie de l'année dans cet Etat où il exploitait une société ; qu'en déduisant de ces constatations que l'administration n'apportait pas la preuve que M. A...avait cherché à égarer l'administration ou à rendre plus difficile son contrôle et qu'il devait être en conséquence déchargé des pénalités pour manoeuvres frauduleuses mises à sa charge, la cour a exactement qualifié les faits qui lui étaient soumis ;

Considérant, toutefois, qu'en jugeant, au vu des éléments mentionnés ci-dessus, que l'administration n'établissait pas que le contribuable n'avait pas tenté d'éluder délibérément l'impôt et que, par suite, sa mauvaise foi n'était pas établie, la cour a inexactement qualifié les faits ; que, par suite, le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT est fondé à demander l'annulation de l'arrêt dans cette seule mesure ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au fond dans la même mesure ;

Considérant que, compte tenu des éléments déjà relevés et de ce que le ministre fait valoir devant le juge de cassation que M. A...a dissimulé à l'administration l'existence de sa résidence en France, l'administration apporte la preuve qu'il a ainsi délibérément éludé l'impôt ; que, par suite, il y a lieu de faire droit à la demande du ministre de substituer aux pénalités pour manoeuvres frauduleuses mises à la charge de M. A...les pénalités pour mauvaise foi au taux de 40 % au titre de l'année 1999 ; que, par suite, M. A...est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande en décharge de la fraction des pénalités excédant le taux de 40 % ; qu'il y a lieu de réformer, dans cette mesure, le jugement du tribunal administratif ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'article 2 de l'arrêt du 18 juin 2009 de la cour administrative d'appel de Versailles est annulé.

Article 2 : Les pénalités pour mauvaise foi au taux de 40 % sont substituées aux pénalités pour manoeuvres frauduleuses au titre de l'année 1999.

Article 3 : M. A...est déchargé au titre de l'année 1999 de la différence entre le montant correspondant aux pénalités pour manoeuvres frauduleuses et celui résultant de l'application des pénalités pour mauvaise foi.

Article 4 : Le jugement du 31 mai 2007 du tribunal administratif de Versailles est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 5 : Le surplus des conclusions du pourvoi du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT est rejeté.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement et à M. B...A....


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GÉNÉRALITÉS - AMENDES - PÉNALITÉS - MAJORATIONS - PÉNALITÉS POUR MANQUEMENT DÉLIBÉRÉ (OU MAUVAISE FOI) - PÉNALITÉS POUR MANŒUVRES FRAUDULEUSES - DÉMARCHES OU PROCÉDÉS DESTINÉS À ÉGARER L'ADMINISTRATION NON ÉTABLIS - CONSÉQUENCE - SUBSTITUTION PAR LE JUGE À LA MAJORATION DE 80% DE LA MAJORATION DE 40% POUR MAUVAISE FOI - DÈS LORS QUE CELLE-CI EST ÉTABLIE - EXISTENCE [RJ1].

19-01-04-03 Lorsque l'administration n'établit pas l'existence, de la part du contribuable, de démarches ou procédés destinés à l'égarer dans ses contrôles caractérisant des manoeuvres frauduleuses, il appartient au juge de rechercher si les éléments qui étaient invoqués par l'administration pour justifier des pénalités pour manoeuvres frauduleuses permettent, à défaut d'établir ces dernières, de caractériser la mauvaise foi du contribuable et de substituer à la majoration de 80% appliquée par l'administration la majoration de 40% pour mauvaise foi prévue par l'article 1729 du code général des impôts.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - RÈGLES DE PROCÉDURE CONTENTIEUSE SPÉCIALES - QUESTIONS COMMUNES - POUVOIRS DU JUGE FISCAL - PÉNALITÉS POUR MANŒUVRES FRAUDULEUSES - DÉMARCHES OU PROCÉDÉS DESTINÉS À ÉGARER L'ADMINISTRATION NON ÉTABLIS - CONSÉQUENCE - SUBSTITUTION PAR LE JUGE À LA MAJORATION DE 80% DE LA MAJORATION DE 40% POUR MAUVAISE FOI - DÈS LORS QUE CELLE-CI EST ÉTABLIE - EXISTENCE [RJ1].

19-02-01-02 Lorsque l'administration n'établit pas l'existence, de la part du contribuable, de démarches ou procédés destinés à l'égarer dans ses contrôles caractérisant des manoeuvres frauduleuses, il appartient au juge de rechercher si les éléments qui étaient invoqués par l'administration pour justifier des pénalités pour manoeuvres frauduleuses permettent, à défaut d'établir ces dernières, de caractériser la mauvaise foi du contribuable et de substituer à la majoration de 80% appliquée par l'administration la majoration de 40% pour mauvaise foi prévue par l'article 1729 du code général des impôts.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES - REVENUS ET BÉNÉFICES IMPOSABLES - RÈGLES PARTICULIÈRES - REVENUS DES CAPITAUX MOBILIERS ET ASSIMILABLES - REVENUS DISTRIBUÉS - NOTION DE REVENUS DISTRIBUÉS - IMPOSITION PERSONNELLE DU BÉNÉFICIAIRE - PRÉSOMPTION DE DISTRIBUTION - DIRIGEANT MAÎTRE DE L'AFFAIRE - PREUVE NON APPORTÉE EN L'ESPÈCE - L'ADMINISTRATION N'ÉTABLISSANT NI QUE LE GÉRANT - DÉTENTEUR DE 40% DU CAPITAL - EST LE SEUL À DISPOSER DE LA PROCURATION SUR LES COMPTES BANCAIRES DE LA SOCIÉTÉ - NI QUE LE PORTEUR DES 60 % RESTANTS DES PARTS SOCIALES N'EXERCE PAS SES DROITS.

19-04-02-03-01-01-02 La seule circonstance que le contribuable soit le gérant de fait d'une société à responsabilité limitée ne suffit pas à établir qu'il se comporte en maître de l'affaire pour l'application de l'article 109 du code général des impôts, dès lors qu'il ne détient que 40 % des parts de la société, que l'administration ne soutient pas qu'il est le seul à disposer de la procuration sur les comptes bancaires de la société et qu'il ne résulte pas de l'instruction que le porteur des 60 % restants des parts sociales n'a pas exercé ses droits.


Références :

[RJ1]

CE, 9 janvier 1981, M. X et Ministre du budget, n° 17580 18418, T. p. 699.


Publications
Proposition de citation: CE, 30 déc. 2011, n° 332088
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Eliane Chemla
Rapporteur public ?: M. Laurent Olléon

Origine de la décision
Formation : 8ème et 3ème sous-sections réunies
Date de la décision : 30/12/2011
Date de l'import : 23/03/2016

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 332088
Numéro NOR : CETATEXT000025115837 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2011-12-30;332088 ?
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