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30/12/2011 | FRANCE | N°338903

France | France, Conseil d'État, 1ère et 6ème sous-sections réunies, 30 décembre 2011, 338903


Vu la requête, enregistrée le 23 avril 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le SYNDICAT NATIONAL UNITAIRE TRAVAIL-EMPLOI-FORMATION-INSERTION (SNU-TEFI), dont le siège est 43-45, rue de Javel à Paris (75015), représenté par son secrétaire général et la FEDERATION NATIONALE CGT DES PERSONNELS DES ORGANISMES SOCIAUX (CGT-FNPOS) dont le siège est 263, rue de Paris à Montreuil (93514), représentée par son secrétaire général ; les syndicats requérants demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 19 févri

er 2010 du ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la s...

Vu la requête, enregistrée le 23 avril 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le SYNDICAT NATIONAL UNITAIRE TRAVAIL-EMPLOI-FORMATION-INSERTION (SNU-TEFI), dont le siège est 43-45, rue de Javel à Paris (75015), représenté par son secrétaire général et la FEDERATION NATIONALE CGT DES PERSONNELS DES ORGANISMES SOCIAUX (CGT-FNPOS) dont le siège est 263, rue de Paris à Montreuil (93514), représentée par son secrétaire général ; les syndicats requérants demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 19 février 2010 du ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, portant extension de la convention collective nationale de Pôle emploi ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 13 décembre 2011, présentée par le SNU-TEFI et la CGT-FNPOS ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Pascal Trouilly, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de Pôle emploi,

- les conclusions de Mme Maud Vialettes, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de Pôle emploi ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 5312-9 du code du travail : " Les agents de l'institution nationale, qui sont chargés d'une mission de service public, sont régis par le présent code dans les conditions particulières prévues par une convention collective étendue agréée par les ministres chargés de l'emploi et du budget. Cette convention comporte des stipulations, notamment en matière de stabilité de l'emploi et de protection à l'égard des influences extérieures, nécessaires à l'accomplissement de cette mission. / Les règles relatives aux relations collectives de travail prévues par la deuxième partie du présent code s'appliquent à tous les agents de l'institution, sous réserve des garanties justifiées par la situation particulière de ceux qui restent contractuels de droit public. Ces garanties sont définies par décret en Conseil d'Etat " ;

Considérant que le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la ville a décidé, par un arrêté du 19 février 2010, d'étendre, sous certaines exclusions et réserves, la convention collective nationale de Pôle emploi du 21 novembre 2009 ;

Considérant, en premier lieu, que si les dispositions précitées de l'article L. 5312-9 du code du travail imposent que la décision portant agrément de la convention collective de Pôle emploi soit signée par les ministres chargés de l'emploi et du budget, elles ne peuvent être regardées comme dérogeant aux dispositions de l'article L. 2261-15 du même code, en vertu desquelles l'extension est prononcée par arrêté du ministre du travail ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que l'arrêté d'extension attaqué serait illégal en raison de sa signature par le seul ministre chargé du travail doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, que l'article L. 5312-9 du code du travail prévoit que la convention collective de Pôle emploi est étendue ; qu'aux termes de l'article L. 2261-22 : " I.- Pour pouvoir être étendue, la convention de branche conclue au niveau national contient des clauses portant sur la détermination des règles de négociation et de conclusion, prévues aux articles : (...) / II.- Elle contient en outre des clauses portant sur : (...) 9° L'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, la suppression des écarts de rémunération et les mesures tendant à remédier aux inégalités constatées. (...) ". qu'aux termes de l'article L. 2261-27 du même code : " Quand l'avis motivé favorable de la Commission nationale de la négociation collective a été émis sans opposition écrite et motivée soit de deux organisations d'employeurs, soit de deux organisations de salariés représentées à cette commission, le ministre chargé du travail peut étendre par arrêté une convention ou un accord ou leurs avenants ou annexes : (...) 2° Lorsque la convention ne comporte pas toutes les clauses obligatoires énumérées à l'article L. 2261-22. (...) / En cas d'opposition dans les conditions prévues au premier alinéa, le ministre chargé du travail peut consulter à nouveau la commission sur la base d'un rapport précisant la portée des dispositions en cause ainsi que les conséquences d'une éventuelle extension. / Le ministre chargé du travail peut décider l'extension, au vu du nouvel avis émis par la commission. Cette décision est motivée. " ; qu'il résulte de ces dispositions que le ministre chargé du travail peut légalement procéder à l'extension d'une convention collective ne comportant pas toutes les clauses obligatoires énumérées à l'article L. 2261-22, sous réserve du respect de la procédure prévue à l'article L. 2261-27 ; que, par suite, si la convention collective nationale de Pôle emploi ne comportait pas de clause relative à l'égalité entre les hommes et les femmes, mais se bornait à renvoyer cette question à un avenant ultérieur, le ministre pouvait toutefois légalement en prononcer l'extension après avoir consulté la Commission nationale de la négociation collective, ce qu'il a fait, en l'espèce, à deux reprises, dès lors qu'une opposition de deux organisations de salariés s'était manifestée à l'occasion de la première consultation ;

Considérant, en troisième lieu, que les syndicats requérants contestent la validité de certaines clauses de la convention collective étendue de Pôle emploi ;

Considérant, d'une part, que les articles 13 et 18 de la convention prévoient, respectivement, le versement d'une rémunération complémentaire dite " treizième mois " et celui d'une allocation vacances au bénéfice des agents de Pôle emploi soumis à cette convention ; que le moyen tiré de ce que ces stipulations seraient constitutives d'une rupture d'égalité au détriment des agents publics de Pôle emploi est inopérant, dès lors que ces agents ne relèvent pas, du fait même de leur option en faveur du maintien de leur statut de droit public, de cette convention et restent régis par leur statut antérieur à la création de Pôle emploi ;

Considérant, d'autre part, que l'article 37 de la convention collective du 21 novembre 2009 prévoit que tous les agents entrant dans le champ d'application de celle-ci perçoivent, lors de leur départ en retraite, une " indemnité de départ " égale au minimum aux trois douzièmes de la rémunération annuelle brute calculée sur les douze mois précédents, cette indemnité étant majorée d'un vingt-quatrième de la rémunération annuelle brute par année de présence, au-delà de la première année, sans pouvoir dépasser neuf douzièmes de la rémunération annuelle brute ; que toutefois, " par dérogation, compte tenu des droits acquis au titre des régimes surcomplémentaire et supplémentaire de retraite durant les années d'exercice sous contrat de droit public, les agents optant pour la présente convention collective bénéficient d'une indemnité à hauteur des trois douzièmes de la rémunération annuelle brute calculée sur les douze mois précédents, dès l'exercice du droit d'option. Ils peuvent prétendre à la majoration prévue à l'alinéa précédent au-delà de la première année d'ancienneté suivant la date d'exercice du droit d'option " ; qu'ainsi, la majoration d'un vingt-quatrième par année de présence bénéficie également aux anciens agents de droit public ayant opté pour un statut de droit privé, mais seulement en fonction de la durée de leur assujettissement à la convention collective, et avec un délai de carence d'un an ; que, toutefois le moyen tiré de ce que ces stipulations méconnaîtraient le principe d'égalité doit être écarté, dès lors que les anciens agents de droit public ayant opté pour un statut de droit privé bénéficient de droits acquis, plus favorables, en matière de retraites surcomplémentaire et supplémentaire et se trouvent de ce fait dans une situation différente de celle des anciens salariés de droit privé, la différence de traitement instituée, qui a précisément pour objet de compenser les avantages dont bénéficient les anciens agents de droit public, n'étant pas manifestement disproportionnée ;

Considérant, enfin, que l'article 53 de la convention stipule que " les parties à la négociation conviennent d'engager des négociations, dès l'agrément de la présente convention, en vue d'accords sur les thèmes suivants (...) " ; que ces stipulations n'ont ni pour objet ni pour effet de remettre en cause le droit des organisations représentatives n'ayant pas signé la convention collective à participer aux négociations collectives ultérieures ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par Pôle emploi, les conclusions des syndicats requérants tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 février 2010 doivent être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions qu'ils présentent au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des syndicats requérants le versement à Pôle emploi de la somme de 3 000 euros, au titre des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

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Article 1er : La requête du SYNDICAT NATIONAL UNITAIRE TRAVAIL-EMPLOI-FORMATION-INSERTION et de la FEDERATION NATIONALE CGT DES PERSONNELS DES ORGANISMES SOCIAUX est rejetée.

Article 2 : Le SYNDICAT NATIONAL UNITAIRE TRAVAIL-EMPLOI-FORMATION-INSERTION et la FEDERATION NATIONALE CGT DES PERSONNELS DES ORGANISMES SOCIAUX verseront conjointement à Pôle emploi la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au SYNDICAT NATIONAL UNITAIRE TRAVAIL-EMPLOI-FORMATION-INSERTION, à la FEDERATION NATIONALE CGT DES PERSONNELS DES ORGANISMES SOCIAUX, au ministre du travail, de l'emploi et de la santé et à Pôle emploi.

Copie en sera adressée pour information à la Confédération française démocratique du travail, à la Confédération française des travailleurs chrétiens, à la Confédération générale du travail-Force ouvrière, à la Confédération française de l'encadrement-CGC et à l'Union nationale des syndicats autonomes.


Synthèse
Formation : 1ère et 6ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 338903
Date de la décision : 30/12/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

TRAVAIL ET EMPLOI - CONVENTIONS COLLECTIVES - EXTENSION DES CONVENTIONS COLLECTIVES - PROCÉDURE D'EXTENSION - PROCÉDURE PRÉVUE À L'ARTICLE L - 2261-27 DU CODE DU TRAVAIL - ESPÈCE - APPLICATION À L'EXTENSION DE LA CONVENTION COLLECTIVE DE PÔLE EMPLOI (ART - L - 5312-9 DU MÊME CODE).

66-02-02-01 Il résulte des dispositions du 2° de l'article L. 2261-7 du code du travail que, sous réserve du respect de la procédure prévue à cet article (recueil de l'avis motivé favorable de la Commission nationale de la négociation collective et, en cas d'opposition de deux organisations soit d'employeurs soit de salariés, nouvelle consultation sur la base d'un rapport explicatif), le ministre du travail peut légalement procéder à l'extension d'une convention collective ne comportant pas toutes les clauses obligatoires énumérées par l'article L. 2261-22 du même code. Application, au cas d'espèce, à une convention collective de Pôle emploi, dont l'article L. 5312-9 de ce code prévoit l'extension, qui ne comportait pas de clause relative à l'égalité entre les hommes et les femmes et renvoyait cette question à un avenant ultérieur.

TRAVAIL ET EMPLOI - CONVENTIONS COLLECTIVES - EXTENSION DES CONVENTIONS COLLECTIVES - CONDITION DE LÉGALITÉ DE L'EXTENSION TENANT À LA VALIDITÉ DE LA CONVENTION - CONVENTION NE COMPORTANT PAS TOUTES LES CLAUSES OBLIGATOIRES ÉNUMÉRÉES À L'ARTICLE L - 2261-22 DU CODE DU TRAVAIL - CONDITION REMPLIE - SOUS RÉSERVE DU RESPECT DE LA PROCÉDURE PRÉVUE À L'ARTICLE L - 2261-27 DU MÊME CODE - ESPÈCE - APPLICATION À L'EXTENSION DE LA CONVENTION COLLECTIVE DE PÔLE EMPLOI (ART - L - 5312-9 DU MÊME CODE).

66-02-02-035 Il résulte des dispositions du 2° de l'article L. 2261-7 du code du travail que, sous réserve du respect de la procédure prévue à cet article (recueil de l'avis motivé favorable de la Commission nationale de la négociation collective et, en cas d'opposition de deux organisations soit d'employeurs soit de salariés, nouvelle consultation sur la base d'un rapport explicatif), le ministre du travail peut légalement procéder à l'extension d'une convention collective ne comportant pas toutes les clauses obligatoires énumérées par l'article L. 2261-22 du même code. Application, au cas d'espèce, à une convention collective de Pôle emploi, dont l'article L. 5312-9 de ce code prévoit l'extension, qui ne comportait pas de clause relative à l'égalité entre les hommes et les femmes et renvoyait cette question à un avenant ultérieur.


Publications
Proposition de citation : CE, 30 déc. 2011, n° 338903
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Pascal Trouilly
Rapporteur public ?: Mme Maud Vialettes
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:338903.20111230
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