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30/12/2011 | FRANCE | N°347624

France | France, Conseil d'État, 2ème et 7ème sous-sections réunies, 30 décembre 2011, 347624


Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 21 mars et 6 mai 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Evgeny A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 3 février 2011 accordant son extradition aux autorités russes ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au profit de la SCP Alain Monod et Bertrand Colin, son avocat, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Vu

les autres pièces du dossier ;

Vu la convention de Genève du 28 juillet 1951 r...

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 21 mars et 6 mai 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Evgeny A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 3 février 2011 accordant son extradition aux autorités russes ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au profit de la SCP Alain Monod et Bertrand Colin, son avocat, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code pénal ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Catherine Chadelat, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Monod, Colin, avocat de M. A,

- les conclusions de Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, rapporteur public,

La parole ayant à nouveau été donnée à la SCP Monod, Colin, avocat de M. A ;

Considérant qu'il ressort des mentions de l'ampliation du décret attaqué figurant au dossier et certifiée conforme par le secrétaire général du Gouvernement, que ce décret a été signé par le Premier ministre et contresigné par le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés ; que l'ampliation notifiée à M. A n'avait pas à être revêtue de ces signatures ;

Considérant qu'après avoir visé la demande d'extradition présentée par les autorités russes pour l'exécution d'un mandat d'arrêt décerné le 4 mars 2009 par le juge au tribunal de Nakhodka - région de Primorsky, pour des faits de corruption par fonctionnaire d'autorité commis en réunion, ainsi que l'avis émis par la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nîmes, le décret attaqué énonce que les faits reprochés à M. A, dont une description précise ne s'imposait pas, répondent aux exigences de l'article 2 de la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957, qu'ils sont punissables en droit français, que ces faits n'ont pas un caractère politique et qu'il n'apparaît pas que la demande, motivée par des infractions de droit commun, ait été présentée aux fins de poursuivre l'intéressé pour des considérations de race, de religion, de nationalité ou d'opinions politiques ou que sa situation risque d'être aggravée pour l'une ou l'autre de ces raisons, et que le quantum de la peine prononcée répond aux exigences de l'article 2 de cette convention ; que, dans ces conditions, le décret attaqué est suffisamment motivé au regard des prescriptions des articles 1er et 3 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Considérant que la seule circonstance que le requérant ait déposé une demande de statut de réfugié et se soit vu remettre une autorisation provisoire de séjour en application de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne faisait pas obstacle à ce que le Gouvernement français procédât à son extradition ; qu'il appartient au Conseil d'Etat statuant sur la légalité du décret d'extradition et saisi d'une demande de contestation sur ce point, d'apprécier, au vu des éléments qui lui sont soumis et en faisant, le cas échéant, usage de ses pouvoirs d'instruction, si le requérant peut se prévaloir de la qualité de réfugié pour s'opposer à l'exécution du décret ; qu'en l'espèce, les risques de représailles personnelles que M. A allègue, de manière très générale et non étayée par les pièces du dossier, en cas de retour dans son pays d'origine ne permettent pas de lui reconnaître une telle qualité ;

Considérant que si M. A soutient que les conditions dans lesquelles il viendrait à être à nouveau jugé pour les faits retenus au soutien de son extradition, en cas d'exécution du décret attaqué, ne pourraient que méconnaître son droit à bénéficier d'une procédure impartiale et équitable au sens du 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en raison de la machination dont il aurait fait l'objet de la part des autorités judiciaires russes en ce qui concerne les faits à lui reprochés, aucune pièce du dossier ne permet d'établir la réalité des risques qu'il invoque ;

Considérant que si M. A soutient également que les conditions de détention dans les prisons russes sont de nature à l'exposer à des traitements contraires à l'article 3 de la même convention, il n'apporte aucun élément permettant d'établir la réalité de tels risques, au soutien de cette allégation, en ce qui le concerne ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à demander l'annulation du décret du 3 février 2011 accordant son extradition aux autorités russes ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées ;

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Evgeny A et au garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.


Synthèse
Formation : 2ème et 7ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 347624
Date de la décision : 30/12/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095 COLLECTIVITÉS TERRITORIALES - COOPÉRATION - ÉTABLISSEMENTS PUBLICS DE COOPÉRATION INTERCOMMUNALE - QUESTIONS GÉNÉRALES - DISPOSITIONS GÉNÉRALES ET QUESTIONS COMMUNES - POUVOIR DU CONSEIL D'ETAT DE RECONNAÎTRE LA QUALITÉ DE RÉFUGIÉ À L'OCCASION DE LA CONTESTATION D'UN DÉCRET D'EXTRADITION - EXISTENCE [RJ1].

095 La seule circonstance qu'un étranger ait déposé une demande en vue d'obtenir le statut de réfugié et se soit vu remettre une autorisation provisoire de séjour en application de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne fait pas obstacle à ce que le Gouvernement français procède à son extradition. Toutefois, il appartient au Conseil d'Etat statuant sur la légalité du décret d'extradition et saisi d'une contestation sur ce point, d'apprécier, au vu des éléments qui lui sont soumis et en faisant, le cas échéant, usage de ses pouvoirs d'instruction, si le requérant peut se prévaloir de la qualité de réfugié pour s'opposer à l'exécution du décret.

ÉTRANGERS - EXTRADITION - DÉCRET D'EXTRADITION - LÉGALITÉ INTERNE - EXTRADITION D'UN ÉTRANGER AYANT DÉPOSÉ UNE DEMANDE D'ASILE - ILLÉGALITÉ POUR CE MOTIF - ABSENCE - OFFICE DU CONSEIL D'ETAT SAISI DE LA LÉGALITÉ DE CE DÉCRET - APPRÉCIATION DE LA POSSIBILITÉ POUR LE REQUÉRANT DE SE PRÉVALOIR DU STATUT DE RÉFUGIÉ [RJ1].

335-04-03-02 La seule circonstance qu'un étranger ait déposé une demande en vue d'obtenir le statut de réfugié et se soit vu remettre une autorisation provisoire de séjour en application de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne fait pas obstacle à ce que le Gouvernement français procède à son extradition. Toutefois, il appartient au Conseil d'Etat statuant sur la légalité du décret d'extradition et saisi d'une contestation sur ce point, d'apprécier, au vu des éléments qui lui sont soumis et en faisant, le cas échéant, usage de ses pouvoirs d'instruction, si le requérant peut se prévaloir de la qualité de réfugié pour s'opposer à l'exécution du décret.


Références :

[RJ1]

Cf. CE, Section, 9 novembre 1966, Sieur Toumbouros, p. 593.


Publications
Proposition de citation : CE, 30 déc. 2011, n° 347624
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Christian Vigouroux
Rapporteur ?: Mme Catherine Chadelat
Rapporteur public ?: Mme Béatrice Bourgeois-Machureau
Avocat(s) : SCP MONOD, COLIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:347624.20111230
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