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25/01/2012 | FRANCE | N°336959

France | France, Conseil d'État, 1ère / 6ème ssr, 25 janvier 2012, 336959


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 23 février et 25 mai 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'ASSOCIATION POUR LA READAPTATION ET LA PROMOTION DES ENFANTS ET DES JEUNES (ARPEJ), dont le siège est 14 ter, avenue de Villars, BP 154 à Chamalières Cedex (63408) ; l'ARPEJ demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision n° A.2006.014 du 18 décembre 2009 par laquelle la Cour nationale de la tarification sanitaire et sociale a annulé le jugement n° 05-63-34 du 10 février 2006 par lequel le tribunal interr

gional de la tarification sanitaire et sociale de Lyon a réintégré une...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 23 février et 25 mai 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'ASSOCIATION POUR LA READAPTATION ET LA PROMOTION DES ENFANTS ET DES JEUNES (ARPEJ), dont le siège est 14 ter, avenue de Villars, BP 154 à Chamalières Cedex (63408) ; l'ARPEJ demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision n° A.2006.014 du 18 décembre 2009 par laquelle la Cour nationale de la tarification sanitaire et sociale a annulé le jugement n° 05-63-34 du 10 février 2006 par lequel le tribunal interrégional de la tarification sanitaire et sociale de Lyon a réintégré une somme d'un montant total de 23 311,03 euros dans les budgets prévisionnels 2005 du foyer éducatif spécialisé " La Caravelle " et du service d'hébergement diversifié " La Caravelle " et fixé le prix de journée à 178,07 euros pour le premier et à 77,99 euros pour le second, et réformé en conséquence les arrêtés conjoints du préfet du Puy-de-Dôme et du président du conseil général du Puy-de-Dôme du 11 mai 2005 fixant les tarifs de ces deux services ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel du département du Puy-de-Dôme ;

3°) de mettre solidairement à la charge de l'Etat et du département du Puy-de-Dôme le versement de la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'action sociale et des familles ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean Lessi, Auditeur,

- les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat de l'ASSOCIATION POUR LA READAPTATION ET LA PROMOTION DES ENFANTS ET DES JEUNES et de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat du département du Puy-de-Dôme,

- les conclusions de Mme Claire Landais, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat de l'ASSOCIATION POUR LA READAPTATION ET LA PROMOTION DES ENFANTS ET DES JEUNES et à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat du département du Puy-de-Dôme ;

Considérant que le moyen tiré de ce qu'une décision juridictionnelle est irrégulière pour ne pas avoir respecté des dispositions imposant qu'elle comporte la mention de ce qu'elle a été précédée d'une audience publique ne constitue pas un moyen d'ordre public qu'il appartiendrait à une juridiction saisie de cette première décision de soulever d'office ; qu'il suit de là qu'en relevant d'office, pour annuler le jugement du tribunal interrégional de la tarification sanitaire et sociale de Lyon du 10 février 2006, qu'il ne mentionnait pas qu'il avait été précédé d'une séance publique, la Cour nationale de la tarification sanitaire et sociale a commis une erreur de droit ; qu'en outre, si les décisions des juridictions de la tarification sanitaire et sociale doivent être précédées d'une séance publique, ainsi que le rappelle l'article R. 351-30 du code de l'action sociale et des familles, aucune disposition législative ou règlementaire n'impose que les décisions des tribunaux interrégionaux de la tarification sanitaire et sociale fassent mention de ce que cette règle de procédure a été observée ; qu'il suit de là que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, l'ASSOCIATION POUR LA READAPTATION ET LA PROMOTION DES ENFANTS ET DES JEUNES (ARPEJ) est fondée à demander l'annulation de la décision du 18 décembre 2009 qu'elle attaque ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant que le département du Puy-de-Dôme forme appel contre le jugement du tribunal interrégional de la tarification sanitaire et sociale de Lyon du 10 février 2006 en tant que, après avoir réintégré des provisions d'un montant global de 23 311,03 euros dans les budgets prévisionnels pour 2005 du foyer éducatif spécialisé " La Caravelle " et du service d'hébergement diversifié du même nom, il a, à son article 1er et à son article 2, fixé respectivement à 178,07 euros et 77,99 euros les prix de journée de ces deux structures pour l'exercice 2005 ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par l'ARPEJ :

Considérant que la circonstance que la tarification des structures gérées par l'association requérante relève de la compétence conjointe du préfet de département et du président du conseil général ne fait pas obstacle à ce que le département du Puy-de-Dôme forme seul un appel contre le jugement du 10 février 2006 qui a réformé le tarif fixé conjointement par le président de son conseil général et par le préfet du Puy-de-Dôme ;

Sur les prix de journée pour 2005 :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 314-7 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " (...) II. - Le montant global des dépenses autorisées des établissements et services mentionnés au I de l'article L. 312-1 et au I de l'article L. 313-12 sont fixés par l'autorité compétente en matière de tarification, au terme d'une procédure contradictoire (...) / III. - L'autorité compétente en matière de tarification ne peut modifier que : / 1° Les prévisions de charges ou de produits insuffisantes ou qui ne sont pas compatibles avec les dotations de financement fixées dans les conditions prévues, selon le cas, aux articles L. 313-8, L. 314-3, L. 314-3-2 et L. 314-4 ; / 2° Les prévisions de charges qui sont manifestement hors de proportion avec le service rendu ou avec les coûts des établissements et services fournissant des prestations comparables en termes de qualité de prise en charge ou d'accompagnement (...) " ; que si ces dispositions fixent les critères au vu desquels l'autorité de tarification peut refuser d'approuver des prévisions de produits ou de charges lors de l'examen des propositions budgétaires de l'établissement ou du service, elles n'ont pas entendu faire obstacle à ce que cette autorité fonde, le cas échéant, son refus d'approbation sur ce que des produits ou des charges apparaîtraient injustifiées ; que doivent notamment être regardées comme injustifiées, d'une part, les charges de ces établissements et services qui, par leur nature, ne sauraient légalement faire l'objet de l'un des financements supportés par les personnes morales de droit public ou organismes de sécurité sociale compétents prévus à l'article L. 314-2 du code de l'action sociale et des familles et, d'autre part, les charges qui, eu égard à leur caractère imprévisible à la date d'établissement du budget prévisionnel, ne peuvent figurer dans celui-ci mais pourront, le cas échéant, être prises en compte lors de l'établissement du compte administratif ;

Considérant que l'ARPEJ a proposé l'inscription, dans les budgets prévisionnels pour 2005 du foyer éducatif spécialisé " La Caravelle " et du service d'hébergement diversifié du même nom, de provisions d'un montant, respectivement, de 13 619 euros et 9 691 euros correspondant aux charges liées à l'alimentation, sur l'exercice à venir, des comptes épargne temps du directeur et des deux chefs de service ; que, toutefois, de telles charges, dont le montant dépend, d'une part, des congés qui ne seront pas pris au cours de l'exercice à venir, lesquels sont notamment tributaires de besoins en personnel qui apparaîtront éventuellement et, d'autre part, du libre choix des salariés concernés d'alimenter ou non leur compte épargne temps, revêtent un caractère imprévisible, dans leur principe comme dans leur montant, à la date d'établissement des budgets prévisionnels ; qu'il suit de là que le président du conseil général et le préfet du Puy-de-Dôme ont légalement pu considérer que les propositions de l'ARPEJ étaient, sur ce point, injustifiées ; qu'ils ont pu, dès lors, légalement refuser la prise en compte de ces provisions dans les tarifs des deux structures ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le président du conseil général du Puy-de-Dôme est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal interrégional de la tarification sanitaire et sociale de Lyon a, à la demande de l'ARPEJ, réintégré ces montants dans le budget prévisionnel 2005 et réformé les arrêtés par lesquels il avait, conjointement avec le préfet du Puy-de-Dôme, fixé les prix de journée litigieux ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge du département du Puy-de-Dôme qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés par l'ARPEJ et non compris dans les dépens ; que les conclusions présentées au même titre à l'encontre de l'Etat, qui n'est pas partie à l'instance, ne peuvent en tout état de cause qu'être rejetées ; qu'enfin il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ARPEJ le versement au département du Puy-de-Dôme d'une somme de 1 500 euros sur ce même fondement ;

D E C I D E :

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Article 1er : La décision de la Cour nationale de la tarification sanitaire et sociale du 18 décembre 2009 et le jugement du tribunal interrégional de la tarification sanitaire et sociale de Lyon du 10 février 2006 sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par l'ARPEJ devant le tribunal interrégional de la tarification sanitaire et sociale de Lyon est rejetée.

Article 3 : L'ARPEJ versera au département du Puy-de-Dôme une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'ASSOCIATION POUR LA READAPTATION ET LA PROMOTION DES ENFANTS ET DES JEUNES (ARPEJ), au département du Puy-de-Dôme et au ministre du travail, de l'emploi et de la santé.


Synthèse
Formation : 1ère / 6ème ssr
Numéro d'arrêt : 336959
Date de la décision : 25/01/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

AIDE SOCIALE - INSTITUTIONS SOCIALES ET MÉDICO-SOCIALES - ÉTABLISSEMENTS - QUESTIONS COMMUNES - 1) TARIFICATION - PRÉVISIONS DE PRODUITS OU DE CHARGES - POSSIBILITÉ POUR L'AUTORITÉ DE TARIFICATION DE REFUSER L'APPROBATION DE PRODUITS OU DE CHARGES APPARAISSANT INJUSTIFIÉS - EXISTENCE - 2) NOTION DE CHARGES INJUSTIFIÉES - CHARGES QUI NE SAURAIENT LÉGALEMENT FAIRE L'OBJET D'UN DES FINANCEMENTS PRÉVUS À L'ARTICLE L - 314-2 DU CASF - INCLUSION - DÉPENSES IMPRÉVISIBLES À LA DATE D'ÉTABLISSEMENT DU BUDGET PRÉVISIONNEL - INCLUSION - CONSÉQUENCE - CHARGES LIÉES À L'ALIMENTATION - SUR L'EXERCICE À VENIR - DES COMPTES ÉPARGNE TEMPS - CHARGES INJUSTIFIÉES - EXISTENCE.

04-03-01 1) Si les dispositions de l'article L. 314-7 du code de l'action sociale et des familles (CASF) fixent les critères au vu desquels l'autorité de tarification peut refuser d'approuver des prévisions de produits ou de charges lors de l'examen des propositions budgétaires de l'établissement ou du service, elles ne font pas obstacle à ce que cette autorité fonde, le cas échéant, son refus d'approbation sur ce que des produits ou des charges apparaîtraient injustifiées. 2) Doivent notamment être regardées comme injustifiées, d'une part, les charges qui, par leur nature, ne sauraient légalement faire l'objet de l'un des financements supportés par les personnes morales de droit public ou organismes de sécurité sociale compétents prévus à l'article L. 314-2 du même code et, d'autre part, les charges qui, eu égard à leur caractère imprévisible à la date d'établissement du budget prévisionnel, ne peuvent figurer dans celui-ci mais pourront, le cas échéant, être prises en compte lors de l'établissement du compte administratif. Tel est le cas des charges liées à l'alimentation, sur l'exercice à venir, des comptes épargne temps du personnel, qui revêtent un caractère imprévisible, dans leur principe comme dans leur montant, à la date d'établissement des budgets prévisionnels.

AIDE SOCIALE - CONTENTIEUX DE L'AIDE SOCIALE ET DE LA TARIFICATION - CONTENTIEUX DE LA TARIFICATION - DÉCISIONS DES TRIBUNAUX INTERRÉGIONAUX DE LA TARIFICATION SANITAIRE ET SOCIALE - OBLIGATION DE MENTIONNER DANS LA DÉCISION LA TENUE D'UNE AUDIENCE PUBLIQUE - ABSENCE.

04-04-02 Si les décisions des juridictions de la tarification sanitaire et sociale doivent être précédées d'une séance publique, ainsi que le rappelle l'article R. 351-30 du code de l'action sociale et des familles, aucune disposition législative ou règlementaire n'impose que les décisions des tribunaux interrégionaux de la tarification sanitaire et sociale fassent mention de ce que cette règle de procédure a été observée.

PROCÉDURE - JUGEMENTS - RÉDACTION DES JUGEMENTS - 1) MOYEN TIRÉ DE CE QU'UNE DÉCISION JURIDICTIONNELLE EST IRRÉGULIÈRE POUR NE PAS AVOIR RESPECTÉ DES DISPOSITIONS IMPOSANT LA MENTION DE CE QU'ELLE A ÉTÉ PRÉCÉDÉE D'UNE AUDIENCE PUBLIQUE - MOYEN D'ORDRE PUBLIC À SOULEVER D'OFFICE - ABSENCE - 2) DÉCISIONS DES TRIBUNAUX INTERRÉGIONAUX DE LA TARIFICATION SANITAIRE ET SOCIALE - OBLIGATION DE MENTIONNER DANS LA DÉCISION LA TENUE D'UNE AUDIENCE PUBLIQUE - ABSENCE.

54-06-04 1) Le moyen tiré de ce qu'une décision juridictionnelle est irrégulière pour ne pas avoir respecté des dispositions imposant qu'elle comporte la mention de ce qu'elle a été précédée d'une audience publique ne constitue pas un moyen d'ordre public qu'il appartiendrait à une juridiction, saisie de cette décision, de soulever d'office. 2) Si les décisions des juridictions de la tarification sanitaire et sociale doivent être précédées d'une séance publique, ainsi que le rappelle l'article R. 351-30 du code de l'action sociale et des familles, aucune disposition législative ou règlementaire n'impose que les décisions des tribunaux interrégionaux de la tarification sanitaire et sociale fassent mention de ce que cette règle de procédure a été observée.

PROCÉDURE - POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE - QUESTIONS GÉNÉRALES - MOYENS - MOYENS D'ORDRE PUBLIC À SOULEVER D'OFFICE - ABSENCE - MOYEN TIRÉ DE CE QU'UNE DÉCISION JURIDICTIONNELLE EST IRRÉGULIÈRE POUR NE PAS AVOIR RESPECTÉ DES DISPOSITIONS IMPOSANT LA MENTION DE CE QU'ELLE A ÉTÉ PRÉCÉDÉE D'UNE AUDIENCE PUBLIQUE.

54-07-01-04-01-01 Le moyen tiré de ce qu'une décision juridictionnelle est irrégulière pour ne pas avoir respecté des dispositions imposant qu'elle comporte la mention de ce qu'elle a été précédée d'une audience publique ne constitue pas un moyen d'ordre public qu'il appartiendrait à une juridiction, saisie de cette décision, de soulever d'office.


Publications
Proposition de citation : CE, 25 jan. 2012, n° 336959
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean Lessi
Rapporteur public ?: Mme Claire Landais
Avocat(s) : SCP GATINEAU, FATTACCINI ; SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:336959.20120125
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