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26/01/2012 | FRANCE | N°353067

France | France, Conseil d'État, 10ème / 9ème ssr, 26 janvier 2012, 353067


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 30 septembre 2011 et 29 décembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par le Comité Harkis et Vérité, dont le siège est BP 23 à Le Mée sur Seine (77350) ; le Comité Harkis et Vérité demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision implicite du Premier ministre rejetant sa demande préalable tendant à l'abrogation des dispositions mentionnées ci-après ;

2°) d'enjoindre au Premier ministre d'abroger les alinéas 2 à 4 de l'article 3 du décret n° 2002-902 du

27 mai 2002 portant création d'une mission interministérielle aux rapatriés ;

3°) d'é...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 30 septembre 2011 et 29 décembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par le Comité Harkis et Vérité, dont le siège est BP 23 à Le Mée sur Seine (77350) ; le Comité Harkis et Vérité demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision implicite du Premier ministre rejetant sa demande préalable tendant à l'abrogation des dispositions mentionnées ci-après ;

2°) d'enjoindre au Premier ministre d'abroger les alinéas 2 à 4 de l'article 3 du décret n° 2002-902 du 27 mai 2002 portant création d'une mission interministérielle aux rapatriés ;

3°) d'édicter le décret d'application de l'article 3 de la loi du 23 février 2005 et d'abroger le décret du 3 août 2010 portant reconnaissance d'une fondation comme établissement d'utilité publique ;

4°) d'annuler la décision du président de la mission interministérielle aux rapatriés du 5 septembre 2011 sur le traitement des dossiers de demandes ;

5°) d'enjoindre au Premier ministre de prendre les mesures permettant de préciser les modalités d'application de l'article 5 de la loi du 23 février 2005 aux services de l'Etat chargés de veiller au respect du principe posé par la loi ;

6°) d'enjoindre au Premier ministre d'abroger les dispositions du décret n° 2005-477 du 17 mai 2005 pris pour application des articles 6, 7 et 9 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 par l'édiction d'un nouveau décret ;

7°) d'assortir les injonctions prononcées d'une astreinte de 100 euros par jour de retard ;

8°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ;

Vu la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 ;

Vu la loi n° 2012-326 du 7 mars 2012 ;

Vu le décret n° 2002-902 du 27 mai 2002 ;

Vu le décret n°2005-477 du 17 mai 2005 ;

Vu le décret du 3 août 2010 portant reconnaissance d'une fondation comme établissement d'utilité publique ;

Vu la décision du 26 janvier 2012 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux n'a pas renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par le Comité Harkis et Vérité;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Florian Blazy, Maître des Requêtes,

- les conclusions de Mme Delphine Hedary, rapporteur public ;

Sur l'intervention de l'association culturelle des harkis d'Ile-de-France :

1. Considérant que l'association culturelle des harkis d'Ile-de-France a intérêt à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la requête présentée par le Comité Harkis et Vérité; qu'ainsi, son intervention est recevable ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'en vertu des alinéas 2 à 4 de l'article 3 du décret du 27 mai 2002 portant création d'une mission interministérielle aux rapatriés, celle-ci comprend deux sections, dont l'une est chargée des rapatriés anciens membres des formations supplétives et assimilés et leurs familles, lesquels bénéficient d'allocations et d'aides spécifiques ; que, contrairement à ce que soutient le requérant, ces dispositions n'instituent aucune discrimination entre les rapatriés selon leur appartenance à une religion ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la loi du 23 février 2005 : " Une fondation pour la mémoire de la guerre d'Algérie, des combats du Maroc et de Tunisie est créée, avec le concours de l'Etat. /Les conditions de la création de cette fondation sont fixées par décret en Conseil d'Etat " ; que le décret du 3 août 2010 reconnaissant comme établissement d'utilité publique la fondation dite " Fondation pour la mémoire de la guerre d'Algérie (1954-1962), des combats du Maroc (1953-1956) et de Tunisie (1952-1955) " est un décret en Conseil d'Etat ; qu'il approuve les statuts de la fondation ; que, dans ces conditions, il doit être regardé comme pris en application de l'article 3 de la loi du 23 février 2005 ; que le comité requérant ne critique pas utilement ce décret en se bornant à soutenir qu'il ne prend pas suffisamment en compte les souhaits des harkis et de leurs familles dans les modalités de définition et fonctionnement de cette fondation ; qu'il s'ensuit que les conclusions tendant à son annulation et à ce qu'il soit enjoint au Premier ministre d'en prendre un autre doivent être rejetées ;

4. Considérant, en troisième lieu, que la lettre en date du 5 septembre 2011 par laquelle le président de la mission interministérielle aux rapatriés a répondu à l'intervention d'un membre du Parlement ne constitue pas une décision faisant grief ; qu'elle n'est dès lors pas de nature à faire l'objet d'un recours par la voie contentieuse devant le Conseil d'Etat ;

5. Considérant, en quatrième lieu, que les requérants doivent être regardés comme ayant demandé au Premier ministre d'abroger certaines dispositions du décret du 17 mai 2005 en tant qu'elles poseraient une condition de nationalité française pour l'octroi de l'allocation de reconnaissance mentionnée à l'article 67 de la loi de finances rectificative ; que, toutefois, d'une part, par sa décision n° 282390 du 6 avril 2007, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé les dispositions du décret pris pour application des articles 6, 7 et 9 de la loi du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des français rapatriés en tant qu'elles mettent en oeuvre l'exclusion du bénéfice de l'allocation en cause des anciens membres des formations supplétives et assimilés soumis au statut civil de droit local n'ayant pas opté pour la nationalité française prévue par les articles 6 et 9 de la loi du 23 février 2005 ; que, d'autre part, par sa décision n°2010-93 QPC, le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution l'article 6 de la même loi du 23 février 2005 en tant qu'il conditionnait le versement de l'allocation de reconnaissance mentionnée à l'article 67 de la loi de finances rectificative pour 2002 à la nationalité française du bénéficiaire ; qu'il ressort des termes mêmes du décret du 17 mai 2005 que celui-ci ne comportait, à la date de la décision attaquée, aucune disposition relative à la nationalité française ; que, par suite, la demande du Comité harkis et vérité tendant à l'abrogation de ce décret en tant qu'il comporterait une telle mention était, dès l'origine, sans objet ; qu'il s'ensuit que sont irrecevables, d'une part, les conclusions tendant à l'abrogation d'une décision implicite qui aurait rejeté une telle demande et, d'autre part, le moyen tiré de l'inconstitutionnalité de l'article 52 de la loi n°2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale ; qu'il n'y a , en conséquence, pas lieu de transmettre au conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité relative à l'article 52 de la loi du 18 décembre 2013 ;

6. Considérant, en cinquième et dernier lieu, que le Comité Harkis et Vérité demande qu'il soit enjoint au Premier ministre de prendre les mesures permettant d'assurer le respect des dispositions de l'article 5 de la loi du 23 février 2005 interdisant toute injure ou diffamation commise envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur qualité vraie ou supposée de harki, d'ancien membre des formations supplétives ou assimilés, ainsi que toute apologie des crimes commis contre les harkis et les membres des formations supplétives après les accords d'Evian ; que, toutefois, il résulte des dispositions de l'article unique de la loi du 7 mars 2012 relative aux formations supplétives des forces armées, que cette interdiction est désormais pénalement sanctionnée ; qu'il s'ensuit que les conclusions tendant à enjoindre au Premier ministre d'édicter de telles mesures ont perdu leur objet ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions à fins d'annulation et d'injonction du Comité Harkis et Vérité doivent être rejetées ; qu'il en est de même de celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'intervention de l'association culturelle des harkis d'Ile-de-France est admise.

Article 2: La requête du Comité Harkis et Vérité est rejetée.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de transmettre au conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité posée par le Comité Harkis et Vérité.

Article4 : La présente décision sera notifiée au Comité Harkis et Vérité, au Premier ministre, à la mission interministérielle aux rapatriés, au ministre de l'intérieur, au garde des sceaux, ministre de la justice, et au ministre de la défense.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

PROCÉDURE - INCIDENTS - INTERVENTION - QPC - 1) RECEVABILITÉ DE L'INTERVENTION - INTÉRÊT POUR INTERVENIR - MÉTHODE D'APPRÉCIATION - APPRÉCIATION AU REGARD DU LITIGE AU FOND - 2) ADMISSION DE L'INTERVENTION - A) PORTÉE - ADMISSION EN L'ÉTAT DU DOSSIER ET POUR L'EXAMEN DE LA QPC - B) MÉTHODE - MENTION DANS LE DISPOSITIF - ABSENCE.

54-05-03 En matière de question prioritaire de constitutionnalité (QPC), 1) l'intérêt pour intervenir s'apprécie au regard du litige au fond et non au regard de la QPC ; 2) L'admission de l'intervention : a) se fait en l'état du dossier et ne vaut que pour l'examen de la QPC ; b) n'a pas à être mentionnée dans le dispositif de la décision statuant sur la QPC.

PROCÉDURE - INTERVENTION - 1) RECEVABILITÉ - INTÉRÊT POUR INTERVENIR - MÉTHODE D'APPRÉCIATION - APPRÉCIATION AU REGARD DU LITIGE AU FOND - 2) ADMISSION DE L'INTERVENTION - A) PORTÉE - ADMISSION EN L'ÉTAT DU DOSSIER ET POUR L'EXAMEN DE LA QPC - B) MÉTHODE - MENTION DANS LE DISPOSITIF - ABSENCE.

54-10 En matière de question prioritaire de constitutionnalité (QPC), 1) l'intérêt pour intervenir s'apprécie au regard du litige au fond et non au regard de la QPC ; 2) L'admission de l'intervention : a) se fait en l'état du dossier et ne vaut que pour l'examen de la QPC ; b) n'a pas à être mentionnée dans le dispositif de la décision statuant sur la QPC.


Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 26 jan. 2012, n° 353067
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Suzanne von Coester
Rapporteur public ?: Mme Delphine Hedary

Origine de la décision
Formation : 10ème / 9ème ssr
Date de la décision : 26/01/2012
Date de l'import : 23/03/2016

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 353067
Numéro NOR : CETATEXT000025210378 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2012-01-26;353067 ?
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