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01/02/2012 | FRANCE | N°326585

France | France, Conseil d'État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 01 février 2012, 326585


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 30 mars et 30 juin 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. A... B..., demeurant..., ; M. B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 22 janvier 2009 par lequel le garde des sceaux, ministre de la justice, a mis fin à ses fonctions et à celles de M. C...B...et a supprimé l'office de commissaire-priseur judiciaire à la résidence de Paris dont était titulaire la société civile professionnelle " Guy B...et PhilippeB..., commissaires-pris

eurs judiciaires associés " ;

2°) de mettre à la charge de l'État la so...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 30 mars et 30 juin 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. A... B..., demeurant..., ; M. B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 22 janvier 2009 par lequel le garde des sceaux, ministre de la justice, a mis fin à ses fonctions et à celles de M. C...B...et a supprimé l'office de commissaire-priseur judiciaire à la résidence de Paris dont était titulaire la société civile professionnelle " Guy B...et PhilippeB..., commissaires-priseurs judiciaires associés " ;

2°) de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son Préambule ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

Vu la loi du 28 avril 1816 sur les finances ;

Vu l'ordonnance du 26 juin 1816 qui établit, en exécution de la loi du 28 avril 1816, des commissaires-priseurs judiciaires dans les villes chefs-lieux d'arrondissement, ou qui sont le siège d'un tribunal de grande instance, et dans celles qui, n'ayant ni sous-préfecture ni tribunal, renferment une population de cinq mille âmes et au-dessus ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu l'ordonnance n° 45-2593 du 2 novembre 1945 ;

Vu le décret n° 69-763 du 24 juillet 1969 ;

Vu le décret n° 88-814 du 12 juillet 1988 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Raphaël Chambon, Auditeur,

- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M.B...,

- les conclusions de M. Cyril Roger-Lacan, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M. B... ;

Considérant que, par un jugement du 11 décembre 1998, le tribunal de grande instance de Paris a ordonné la liquidation judiciaire de la société civile professionnelle (SCP) " Guy B...et PhilippeB..., commissaires-priseurs judiciaires associés ", qui était titulaire d'un office de commissaire-priseur judiciaire à la résidence de Paris ; que M. B...demande l'annulation de l'arrêté du 22 janvier 2009 par lequel le garde des sceaux, ministre de la justice a supprimé l'office dont était titulaire la société civile professionnelle dont il était l'un des associés et a mis fin à ses fonctions ;

Sur les conclusions dirigées contre l'arrêté en tant qu'il emporte suppression de l'office :

Considérant qu'aux termes de l'article 1-1 de l'ordonnance du 26 juin 1816 : " Toute création, tout transfert ou suppression d'un office de commissaire-priseur judiciaire sont faits par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice (...) L'arrêté portant transfert ou suppression d'un office de commissaire-priseur judiciaire est pris après avis des chambres de discipline dont relèvent les commissaires-priseurs judiciaires concernés (...) " ; que l'article 1-2 de la même ordonnance dispose que : " (...) Les suppressions d'offices ne peuvent intervenir qu'à la suite du décès, de la démission, de la destitution de leur titulaire ou, si ce dernier est une société civile professionnelle, en cas de dissolution " ; qu'il résulte de ces dispositions que le garde des sceaux dispose du pouvoir de supprimer un office public ou ministériel à l'occasion de la dissolution de la société civile professionnelle qui en était titulaire ;

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que le 3 novembre 2008, le garde des sceaux, ministre de la justice a, sur le fondement des dispositions précitées de l'article 1-1 de l'ordonnance du 26 juin 1816, saisi pour avis la chambre de discipline de Paris du projet de suppression de l'office dont était titulaire la SCP en cause ; que, le 11 décembre 2008, la chambre a rendu son avis ; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce que l'arrêté du 22 janvier 2009 attaqué aurait été pris au terme d'une procédure irrégulière manque en fait ;

Considérant, en deuxième lieu, que l'arrêté par lequel le garde des sceaux, ministre de la justice, décide la suppression d'un office de commissaire-priseur judiciaire, qui revêt un caractère réglementaire, n'est pas au nombre des décisions qui doivent être obligatoirement motivées en application de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ; qu'il n'a pas davantage à être précédé d'une procédure contradictoire ;

Considérant, en troisième lieu, que le jugement du 11 décembre 1998 ordonnant la liquidation judiciaire de la SCP en a emporté dissolution ; que, dans ces conditions, le ministre tenait des dispositions précitées de l'ordonnance du 26 juin 1816 le pouvoir de supprimer l'office dont elle était titulaire ; qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment de la circonstance que cet office était dépourvu d'activité depuis sa mise en liquidation judiciaire, que le ministre a pu estimer que l'office litigieux ne répondait à aucun besoin dans la résidence de Paris et, pour ce motif, décider de le supprimer, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation eu égard aux besoins du service public, tels qu'ils résultent notamment de la situation propre de cet office et des perspectives de développement démographique et économique du ressort concerné ;

Considérant, en dernier lieu et en tout état de cause, qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose que l'arrêté par lequel le garde des sceaux, ministre de la justice prononce la suppression d'un office de commissaire-priseur judiciaire fixe le montant de l'indemnité auquel pourrait éventuellement prétendre le titulaire de l'office supprimé ; qu'il suit de là que doivent être écartés les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et des stipulations du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur les conclusions dirigées contre l'arrêté en tant qu'il met fin aux fonctions de M.B... :

Considérant qu'aux termes de l'article 5 du décret du 24 juillet 1969 pris pour l'application à la profession de commissaire-priseur judiciaire de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 relative aux sociétés civiles professionnelles : " La nomination d'une société civile professionnelle dans un office de commissaire-priseur judiciaire et la nomination de chacun des associés sont prononcées par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, pris après les consultations prévues aux articles 7 et 8 (...) " ; qu'aux termes de l'article 46 du même décret : " Tout associé ne peut être membre que d'une seule société civile professionnelle de commissaires-priseurs judiciaires et ne peut exercer ses fonctions ni à titre individuel ni en qualité de membre d'une société d'exercice libéral " ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ces dispositions que la dissolution d'une société civile professionnelle titulaire d'un office de commissaire-priseur judiciaire emporte, par elle-même, la cessation de fonctions des associés de cette société ; que la suppression d'un office de commissaire-priseur judiciaire consécutive à la dissolution de la société civile professionnelle qui en était titulaire emporte également une telle cessation ; que s'il était loisible à M. B...de solliciter sa nomination à titre individuel dans l'office devenu vacant à la suite de la dissolution de la société civile professionnelle qui en était titulaire, le ministre était tenu, en l'absence d'une telle demande, de mettre fin aux fonctions de l'intéressé, dès lors que celles-ci ne sont susceptibles d'être exercées que dans le cadre d'un office de commissaire-priseur judiciaire ; que l'arrêté mettant fin aux fonctions du requérant ne fait en rien obstacle à ce que celui-ci, postérieurement à son intervention, sollicite, le cas échéant, sa nomination à un autre office ;

Considérant, en second lieu, que, le ministre étant tenu, pour les motifs énoncés ci-dessus, de mettre fin aux fonctions de M.B..., les moyens tirés de ce que l'arrêté attaqué serait, dans cette mesure, illégal, faute d'avoir été précédé d'une procédure contradictoire et d'être motivé, sont inopérants ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté attaqué ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent également qu'être rejetées ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et au garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.


Synthèse
Formation : 6ème et 1ère sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 326585
Date de la décision : 01/02/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITÉ DES ACTES ADMINISTRATIFS - MOTIFS - POUVOIRS ET OBLIGATIONS DE L'ADMINISTRATION - COMPÉTENCE LIÉE - DISSOLUTION D'UNE SCP QUI ÉTAIT TITULAIRE D'UN OFFICE DE COMMISSAIRE-PRISEUR - SUPPRESSION DE L'OFFICE - COMPÉTENCE LIÉE DU GARDE DES SCEAUX POUR METTRE FIN AUX FONCTIONS D'UN ASSOCIÉ N'AYANT PAS FAIT DE DEMANDE DE NOMINATION À TITRE INDIVIDUEL DANS L'OFFICE DEVENU VACANT - EXISTENCE.

01-05-01-03 Il résulte des article 5 et 46 du décret n° 69-763 du 24 juillet 1969 pris pour l'application à la profession de commissaire-priseur judiciaire de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 relative aux sociétés civiles professionnelle que la dissolution d'une société civile professionnelle (SCP) titulaire d'un office de commissaire-priseur judiciaire emporte, par elle-même, la cessation de fonctions des associés de cette société. La suppression d'un office de commissaire-priseur judiciaire consécutive à la dissolution de la société civile professionnelle qui en était titulaire emporte également une telle cessation. En l'absence de demande des associés de la SCP de nomination à titre individuel dans l'office devenu vacant à la suite de la dissolution de la SCP qui en était titulaire, le ministre était tenu de mettre fin aux fonctions des intéressés, dès lors que celles-ci ne sont susceptibles d'être exercées que dans le cadre d'un office de commissaire-priseur judiciaire.

PROFESSIONS - CHARGES ET OFFICES - CONDITIONS D'EXERCICE DES PROFESSIONS - PROFESSIONS S'EXERÇANT DANS LE CADRE D'UNE CHARGE OU D'UN OFFICE - COMMISSAIRES-PRISEURS - DISSOLUTION D'UNE SCP QUI ÉTAIT TITULAIRE D'UN OFFICE - 1) POUVOIR DU GARDE DES SCEAUX DE SUPPRESSION D'UN OFFICE DE COMMISSAIRES-PRISEURS À L'OCCASION DE CETTE DISSOLUTION - EXISTENCE - 2) COMPÉTENCE LIÉE DU GARDE DES SCEAUX POUR METTRE FIN AUX FONCTIONS D'UN ASSOCIÉ N'AYANT PAS FAIT DE DEMANDE DE NOMINATION À TITRE INDIVIDUEL DANS L'OFFICE DEVENU VACANT - EXISTENCE.

55-03-05-06 1) Il résulte des articles 1-1 et 1-2 de l'ordonnance du 26 juin 1816 que le garde des sceaux dispose du pouvoir de supprimer un office public ou ministériel à l'occasion de la dissolution de la société civile professionnelle qui en était titulaire.,,2) Il résulte des article 5 et 46 du décret n° 69-763 du 24 juillet 1969 pris pour l'application à la profession de commissaire-priseur judiciaire de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 relative aux sociétés civiles professionnelle que la dissolution d'une société civile professionnelle titulaire d'un office de commissaire-priseur judiciaire emporte, par elle-même, la cessation de fonctions des associés de cette société. La suppression d'un office de commissaire-priseur judiciaire consécutive à la dissolution de la société civile professionnelle qui en était titulaire emporte également une telle cessation. En l'absence de demande des associés de la SCP de nomination à titre individuel dans l'office devenu vacant à la suite de la dissolution de la SCP qui en était titulaire, le ministre était tenu de mettre fin aux fonctions des intéressés, dès lors que celles-ci ne sont susceptibles d'être exercées que dans le cadre d'un office de commissaire-priseur judiciaire.


Publications
Proposition de citation : CE, 01 fév. 2012, n° 326585
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Raphaël Chambon
Rapporteur public ?: M. Cyril Roger-Lacan
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:326585.20120201
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