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08/02/2012 | FRANCE | N°342365

France | France, Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 08 février 2012, 342365


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 août et 8 novembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. F... B..., demeurant... ; M. B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 0901117-0901123 du 10 juin 2010 par lequel le tribunal administratif de Bastia, saisi par lui et par M. E... A...et Mme C... D...des questions préjudicielles soulevées par le tribunal de grande instance d'Ajaccio dans son jugement du 1er octobre 2009, a jugé que les lais et relais de la mer situés sur la plage de Saint-Antoi

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Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 août et 8 novembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. F... B..., demeurant... ; M. B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 0901117-0901123 du 10 juin 2010 par lequel le tribunal administratif de Bastia, saisi par lui et par M. E... A...et Mme C... D...des questions préjudicielles soulevées par le tribunal de grande instance d'Ajaccio dans son jugement du 1er octobre 2009, a jugé que les lais et relais de la mer situés sur la plage de Saint-Antoine à Ajaccio (Capo di Feno) n'ont pas été incorporés au domaine public maritime et que les parcelles CW 7 et CW 9 ne se situent pas sur ce domaine ;

2°) de constater que ces parcelles sont situées sur le domaine public maritime ;

3°) de mettre à la charge de M. E... A...et de Mme C... D...la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le décret n° 66-413 du 17 juin 1966 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Christine Le Bihan-Graf, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de M. B...et de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de M. A...et de Mme D...,

- les conclusions de M. Laurent Olléon, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de M. B...et à la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de M. A...et de Mme D... ;

Considérant que, par un jugement du 1er octobre 2009, le tribunal de grande instance d'Ajaccio a sursis à statuer sur la demande de M. A...et de Mme D..., qui l'avaient saisi d'une demande d'expulsion à l'encontre de M. B...en soutenant qu'ils sont propriétaires d'une parcelle située sur la plage de Saint-Antoine au Capo di Feno, sur le territoire de la commune d'Ajaccio, sur laquelle les installations de M. B...seraient illégalement implantées, jusqu'à ce que l'administration ou le tribunal administratif se soit prononcé sur les limites du domaine public maritime concernant les parcelles CW10, CW8, CW16, et CW9 et sur l'incorporation ou non des parcelles CW9 et CW7 dans le domaine public maritime ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. B...est autorisé depuis 1980, dernièrement en vertu d'une autorisation d'occupation temporaire délivrée le 8 juillet 2008, à occuper temporairement le domaine public maritime pour l'exploitation d'un restaurant et de sa terrasse installés sur la plage de Saint-Antoine et occupant une superficie de 300 m² ; qu'il a, devant le tribunal administratif de Bastia, indiqué que les terrains qu'il occupe ont été intégrés dans le domaine public maritime par un arrêté du 21 janvier 1980 du préfet de la Corse-du-Sud qui a procédé à l'incorporation dans ce domaine des lais et relais de la mer ; que toutefois, M. A...et Mme D... ont contesté la légalité de cet arrêté en soutenant qu'il n'avait pas régulièrement procédé à la délimitation du domaine public et à l'incorporation à ce domaine des lais et relais de la mer ; qu'il convient, dès lors, pour répondre à la question de qualification posée par le juge judiciaire, d'examiner la contestation ainsi soulevée à l'encontre de cet arrêté ;

Considérant que, pour estimer que les lais et relais de la mer situés sur la plage de Saint-Antoine n'avaient pas été régulièrement incorporés au domaine public maritime par l'arrêté préfectoral du 21 janvier 1980, le tribunal administratif de Bastia s'est fondé sur la seule circonstance qu'une lettre du 29 mars 1999 du ministre de l'équipement, des transports et du logement aurait mentionné l'opposition de certains riverains à une procédure de délimitation des lais et relais de la mer sur cette plage, justifiant l'intervention d'un décret en Conseil d'Etat, en application des dispositions de l'article 2 du décret du 17 juin 1966, en vertu desquelles une telle délimitation ne peut être adoptée par arrêté préfectoral que si aucune opposition ne s'est manifestée au cours de l'enquête ; qu'une telle circonstance est cependant sans effet sur la régularité de l'arrêté préfectoral du 21 janvier 1980, dès lors qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier qu'à la date à laquelle ce dernier a été pris, une telle opposition, rendant nécessaire l'intervention d'un décret en Conseil d'Etat, se serait manifestée ; que, par suite, M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bastia s'est fondé sur ce motif pour dénier toute validité à cet arrêté ;

Considérant qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi par l'effet dévolutif de l'appel, de déterminer quelles sont les limites du domaine public concernant les parcelles CW10, CW8, CW16, et CW9 et de se prononcer sur l'incorporation ou non des parcelles CW9 et CW7 au domaine public maritime ;

Considérant que, pour contester l'arrêté préfectoral du 21 janvier 1980, M. A...et Mme D... se sont bornés à se prévaloir de la lettre du 23 mars 1999 du ministre de l'équipement, des transports et du logement ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, cet arrêté a eu pour objet d'incorporer les lais et relais de la mer au domaine public maritime ; que, dès lors et en l'absence de toute autre contestation, il y a lieu de déclarer qu'en vertu de cet arrêté, ont été incluses dans le domaine public maritime la parcelle CW9 dans sa totalité, ainsi qu'une partie de la parcelle CW7, partie sur laquelle est implanté l'établissement de M. B...et pour lequel il bénéficie d'une autorisation d'occupation temporaire délivrée par l'Etat et que ce même arrêté fixe les limites du domaine public maritime concernant les parcelles CW10, CW8, CW16, et CW9 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a déclaré que les parcelles en cause ne faisaient pas partie du domaine public maritime ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. B...qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A...et de Mme D... la somme de 1 500 euros à verser, pour chacun d'entre eux, à M. B...au même titre ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 10 juin 2010 du tribunal administratif de Bastia est annulé.

Article 2 : Il est déclaré, d'une part, que la parcelle CW9 dans sa totalité, ainsi qu'une partie de la parcelle CW7, sur laquelle est implanté l'établissement de M. B..., sont incluses dans le domaine public maritime, d'autre part, que les limites du domaine public maritime concernant les parcelles CW10, CW8, CW16, et CW9 sont celles qui résultent de l'arrêté préfectoral du 21 janvier 1980.

Article 3 : M. E... A...et Mme C... D...verseront chacun à M. F... B...une somme de 1500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de M. E... A...et de Mme C... D...présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. F... B..., à M. E... A..., à Mme C... D...et à la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.


Synthèse
Formation : 8ème et 3ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 342365
Date de la décision : 08/02/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Appréciation de la légalité

Analyses

DOMAINE - DOMAINE PUBLIC - CONSISTANCE ET DÉLIMITATION - DOMAINE PUBLIC NATUREL - CONSISTANCE DU DOMAINE PUBLIC MARITIME - RENVOI PRÉJUDICIEL DU JUGE JUDICIAIRE SUR L'APPARTENANCE AU DOMAINE PUBLIC MARITIME DE TERRAINS INCORPORÉS À CE DOMAINE PAR ARRÊTÉ PRÉFECTORAL - CONTESTATION PAR UNE DES PARTIES DE LA LÉGALITÉ DE CET ARRÊTÉ - EXAMEN PAR LE JUGE ADMINISTRATIF - POUR RÉPONDRE À LA QUESTION POSÉE PAR LE JUGE JUDICIAIRE - DE CETTE CONTESTATION - EXISTENCE [RJ1].

24-01-01-02-01 A l'occasion d'un recours en interprétation sur renvoi de l'autorité judiciaire, portant sur l'appartenance au domaine public maritime de terrains qui y ont été incorporés par arrêté préfectoral en tant que lais et relais de la mer, il appartient au juge administratif, dès lors qu'il est saisi par l'une des parties d'une contestation de la légalité de cet arrêté, de statuer sur l'exception d'illégalité ainsi soulevée devant lui.

PROCÉDURE - DIVERSES SORTES DE RECOURS - RECOURS EN INTERPRÉTATION - RENVOI PRÉJUDICIEL DU JUGE JUDICIAIRE SUR L'APPARTENANCE AU DOMAINE PUBLIC MARITIME DE TERRAINS INCORPORÉS À CE DOMAINE PAR ARRÊTÉ PRÉFECTORAL - CONTESTATION PAR UNE DES PARTIES DE LA LÉGALITÉ DE CET ARRÊTÉ - EXAMEN PAR LE JUGE ADMINISTRATIF - POUR RÉPONDRE À LA QUESTION POSÉE PAR LE JUGE JUDICIAIRE - DE CETTE CONTESTATION - EXISTENCE [RJ1].

54-02-03 A l'occasion d'un recours en interprétation sur renvoi de l'autorité judiciaire, portant sur l'appartenance au domaine public maritime de terrains qui y ont été incorporés par arrêté préfectoral en tant que lais et relais de la mer, il appartient au juge administratif, dès lors qu'il est saisi par l'une des parties d'une contestation de la légalité de cet arrêté, de statuer sur l'exception d'illégalité ainsi soulevée devant lui.

PROCÉDURE - POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE - QUESTIONS GÉNÉRALES - MOYENS - EXCEPTION D'ILLÉGALITÉ - RENVOI PRÉJUDICIEL DU JUGE JUDICIAIRE SUR L'APPARTENANCE AU DOMAINE PUBLIC MARITIME DE TERRAINS INCORPORÉS À CE DOMAINE PAR ARRÊTÉ PRÉFECTORAL - CONTESTATION PAR UNE DES PARTIES DE LA LÉGALITÉ DE CET ARRÊTÉ - EXAMEN PAR LE JUGE ADMINISTRATIF - POUR RÉPONDRE À LA QUESTION POSÉE PAR LE JUGE JUDICIAIRE - DE CETTE CONTESTATION - EXISTENCE [RJ1].

54-07-01-04-04 A l'occasion d'un recours en interprétation sur renvoi de l'autorité judiciaire, portant sur l'appartenance au domaine public maritime de terrains qui y ont été incorporés par arrêté préfectoral en tant que lais et relais de la mer, il appartient au juge administratif, dès lors qu'il est saisi par l'une des parties d'une contestation de la légalité de cet arrêté, de statuer sur l'exception d'illégalité ainsi soulevée devant lui.


Références :

[RJ1]

Cf. CE, Section, 17 octobre 2003, M. Bompard et autres, n° 244521, p. 404.


Publications
Proposition de citation : CE, 08 fév. 2012, n° 342365
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Christine Le Bihan-Graf
Rapporteur public ?: M. Laurent Olléon
Avocat(s) : SCP BORE ET SALVE DE BRUNETON ; SCP LYON-CAEN, THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:342365.20120208
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