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09/02/2012 | FRANCE | N°334154

France | France, Conseil d'État, 3ème et 8ème sous-sections réunies, 09 février 2012, 334154


Vu le pourvoi, enregistré le 27 novembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT ; le ministre demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 08VE02538 du 22 septembre 2009 de la cour administrative d'appel de Versailles en tant, d'une part, qu'il annule le jugement n° 0407903 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 29 mai 2008 en tant qu'il rejette les conclusions de la société Fanor, aux droits de laquelle est venue la société Traitement de

surface et mécanique (TSM), tendant à la décharge de la fraction...

Vu le pourvoi, enregistré le 27 novembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT ; le ministre demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 08VE02538 du 22 septembre 2009 de la cour administrative d'appel de Versailles en tant, d'une part, qu'il annule le jugement n° 0407903 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 29 mai 2008 en tant qu'il rejette les conclusions de la société Fanor, aux droits de laquelle est venue la société Traitement de surface et mécanique (TSM), tendant à la décharge de la fraction des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 1999 en raison de la remise en cause d'une provision pour grosses réparations d'un montant de 500 000 F, ainsi que des pénalités correspondantes, et, d'autre part, qu'il décharge cette société de ces cotisations et pénalités ;

2°) réglant l'affaire au fond dans cette mesure, de rejeter l'appel de la société TSM ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, Auditeur,

- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Traitements de surface et mécanique,

- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Traitements de surface et mécanique ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à l'issue d'une vérification de la comptabilité de la société Fanor portant sur les exercices clos en 1998 et 1999, l'administration fiscale a remis en cause la déduction d'amortissements pratiqués par cette société selon le mode dégressif ainsi qu'une provision d'un montant de 1 800 000 F pour " grosses réparations ", et a notifié à la contribuable, le 9 mars 2001, les redressements ainsi envisagés ; qu'après que le rehaussement relatif aux amortissements dégressifs a été abandonné à la suite de l'entretien avec le supérieur hiérarchique, les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt au titre de l'exercice clos le 31 décembre 1999 résultant de celui des redressement qui a été maintenu, ainsi que les pénalités correspondantes, ont été mises en recouvrement le 31 mars 2004 ; que, par un jugement du 29 mai 2008, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté la demande présentée par la société Fanor, aux droits de laquelle est venue la société Traitement de surface et mécanique (TSM), tendant à la décharge de ces impositions et pénalités ; que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 22 septembre 2009 de la cour administrative d'appel de Versailles en tant que, après avoir constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur la requête de la société TSM à hauteur du dégrèvement, intervenu en cours d'instance, correspondant aux impositions supplémentaires résultant de la réintégration d'une fraction de la provision litigieuse s'élevant à 1 300 000 F, il a, d'une part, annulé ce jugement en tant qu'il a rejeté les conclusions de la société tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie en raison de la remise en cause de la fraction de provision pour grosses réparations d'un montant de 500 000 F demeurant en litige, ainsi que des pénalités correspondantes, et, d'autre part, déchargé cette société de ces cotisations et pénalités ;

Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : (...) / 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'une entreprise peut valablement porter en provision et déduire de ses bénéfices imposables des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées par elle qu'ultérieurement, à la condition qu'elles apparaissent comme probables eu égard aux circonstances de fait constatées à la date de clôture de l'exercice, qu'elles soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante et que, si la provision tend à permettre ultérieurement de réaliser certains travaux d'entretien ou de réparation, ceux-ci excèdent, par leur nature et par leur importance, sans pour autant procurer à l'entreprise une augmentation de ses valeurs d'actif, les travaux d'entretien ou de réparation dont le coût entre dans les charges annuelles et normales de l'entreprise ;

Considérant que, à la différence d'une provision pour perte, qui peut être déduite si la probabilité de cette perte est justifiée par la comparaison, pour une opération ou un ensemble d'opérations suffisamment homogènes, entre les coûts à supporter et les recettes escomptées, une provision pour charges est évaluée en tenant compte des seules charges probables devant être supportées ultérieurement par l'entreprise, sans qu'il doive être procédé à une réduction de ce montant à hauteur des produits auxquels ces charges se rapportent ; qu'ainsi, lorsqu'une entreprise passe une provision destinée à faire face, non à une perte, mais aux charges probables liées à la réalisation de travaux de réparation ou d'entretien, elle n'est pas tenue, dans l'hypothèse où ces travaux feraient suite à un sinistre qui, sans entraîner de perte d'éléments d'actif, rend nécessaire de telles dépenses, de limiter le montant de cette provision pour charges au solde net résultant de la différence entre les charges probables et le montant de l'indemnité d'assurance qu'elle escompte percevoir postérieurement à la clôture de l'exercice ;

Considérant, en premier lieu, que la cour a relevé qu'il était constant que la tempête du 26 décembre 1999 avait gravement endommagé la toiture et les vitres du site industriel de Nancy dont la société TSM était propriétaire, que cette société avait, à la clôture de l'exercice au 31 décembre 1999, porté le montant des provisions pour grosses réparations de la somme de 1 300 000 F, qui figurait dans ses comptes depuis 1989 en vue de la dépollution du site de Seraincourt, à la somme de 1 800 000 F, soit une augmentation des provisions pour grosses réparations de 500 000 F correspondant à un élément nouveau survenu au cours de l'exercice, que cet accroissement des provisions figurait à la ligne des provisions pour grosses réparations du tableau de l'annexe n° 2056 à la déclaration de résultat, et que la société avait indiqué que cette fraction des provisions correspondait aux travaux de remise en état du site de Nancy ; qu'en estimant, alors notamment que l'administration ne soutenait pas que cette somme n'aurait pas été portée dans un compte de provision dans la comptabilité de l'entreprise, que cette augmentation des dotations aux provisions de 500 000 F comptabilisée au cours de l'exercice 1999 avait pour objet de faire face aux travaux de remise en état à effectuer sur le site de Nancy à la suite de la tempête du 26 décembre 1999, la cour n'a pas entaché son arrêt de dénaturation ;

Considérant, en second lieu, qu'en jugeant que ces provisions destinées à faire face à ces dépenses de travaux de réparation et d'entretien devaient être analysées comme des provisions pour charges probables, et non comme des provisions pour pertes, et que leur montant n'avait, par suite, pas à tenir compte, pour l'application du 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts, du montant des indemnités d'assurance, qui devaient faire l'objet d'une comptabilisation séparée au titre des produits, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la société TSM, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à la société Traitement de surface et mécanique une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT, PORTE-PAROLE DU GOUVERNEMENT et à la société Traitement de surface et mécanique.


Synthèse
Formation : 3ème et 8ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 334154
Date de la décision : 09/02/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-04-04 CONTRIBUTIONS ET TAXES. IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES. REVENUS ET BÉNÉFICES IMPOSABLES - RÈGLES PARTICULIÈRES. BÉNÉFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX. DÉTERMINATION DU BÉNÉFICE NET. PROVISIONS. - PROVISIONS POUR CHARGES - EVALUATION DU MONTANT - MONTANT DES SEULES CHARGES PROBABLES, SANS RÉDUCTION À HAUTEUR DES PRODUITS AUXQUELS CES CHARGES SE RAPPORTENT [RJ1].

19-04-02-01-04-04 A la différence d'une provision pour perte, une provision pour charges est évaluée en tenant compte des seules charges probables devant être supportées ultérieurement par l'entreprise, sans qu'il doive être procédé à une réduction de ce montant à hauteur des produits auxquels ces charges se rapportent.


Références :

[RJ1]

Comp., s'agissant des provisions pour pertes, qui s'évaluent en fonction du solde entre coûts à supporter et produits escomptés, CE Assemblée, 28 juin 1991, Société Générale, n° 77921, p. 261.


Publications
Proposition de citation : CE, 09 fév. 2012, n° 334154
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Philippe Martin
Rapporteur ?: Mme Emilie Bokdam-Tognetti
Rapporteur public ?: M. Vincent Daumas
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:334154.20120209
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