La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/02/2012 | FRANCE | N°340855

France | France, Conseil d'État, 9ème / 10ème ssr, 15 février 2012, 340855


Vu le pourvoi, enregistré le 24 juin 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT, qui demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 07MA02993 du 27 avril 2010 de la cour administrative d'appel de Marseille en tant qu'elle a, sur appel de la SARL Les Sources dirigé contre le jugement n° 0405932 du 10 mai 2007 du tribunal administratif de Montpellier, d'une part, réduit ses bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés d'une somme de 144 450,08 euros au titre de l'exercice clo

s le 31 décembre 2001 et d'une somme de 83 376,43 euros au titre de...

Vu le pourvoi, enregistré le 24 juin 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT, qui demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 07MA02993 du 27 avril 2010 de la cour administrative d'appel de Marseille en tant qu'elle a, sur appel de la SARL Les Sources dirigé contre le jugement n° 0405932 du 10 mai 2007 du tribunal administratif de Montpellier, d'une part, réduit ses bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés d'une somme de 144 450,08 euros au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2001 et d'une somme de 83 376,43 euros au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2002 et, d'autre part, déchargé cette société des compléments d'impôt sur les sociétés et de contribution de 10 % sur l'impôt sur les sociétés résultant de cette réduction ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter dans cette mesure la requête de la SARL Les Sources devant la cour administrative d'appel de Marseille ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Séverine Larere, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Baraduc, Duhamel, avocat de la SARL Les Sources,

- les conclusions de M. Frédéric Aladjidi, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Baraduc, Duhamel, avocat de la SARL Les Sources ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SARL Les Sources exerçait, au cours des années 2001 et 2002, une activité de vente par correspondance de matériels de bureau et d'articles d'hygiène auprès de professionnels qu'elle démarchait par téléphone ; qu'elle s'engageait envers eux à reverser 5 % au moins du prix des achats facturés à des associations humanitaires pour financer des projets qu'elle sélectionnait ; qu'aux termes des conditions générales de vente pratiquées par la SARL, les clients étaient informés de la nature et du montant de ces reversements ; que le nom de l'organisme bénéficiaire, l'objet du projet financé et le montant total de ce projet étaient mentionnés sur les factures qui leur étaient adressées ; qu'estimant que ces versements contribuaient à la formation de son chiffre d'affaires, en ce qu'ils constituaient un argument de vente lui permettant de vendre ses produits à un prix supérieur au prix pratiqué par ses concurrents, la SARL Les Sources en a déduit les montants de ses résultats imposables ; qu'à l'occasion de la vérification de sa comptabilité, l'administration fiscale a notamment remis en cause ces déductions au motif que ces versements constituaient, non des charges déductibles, mais des versements au profit d'oeuvres ou d'organismes d'intérêt général au sens de l'article 238 bis du code général des impôts, qui en limitait la déduction ; qu'elle a, en conséquence, réintégré aux résultats imposables de la société les sommes excédant les limites de déduction alors fixées à l'article 238 bis, soit la somme de 144 450,08 euros au titre de l'exercice clos en 2001 et la somme de 83 376,43 euros au titre de l'exercice clos en 2002 ; que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 27 avril 2010 en tant qu'il a réformé le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 10 mai 2007 rejetant la demande de la SARL Les Sources tendant à la décharge des impositions supplémentaires et des pénalités correspondantes mises à sa charge au titre des exercices 2001 et 2002 et déchargé cette société des compléments d'impôt sur les sociétés et de contribution de 10 % sur l'impôt sur les sociétés résultant de la réintégration, dans son résultat imposable, des sommes mentionnées ci-dessus ;

Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts : "1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : (...) / 7° Les dépenses engagées dans le cadre de manifestations de caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, à la défense de l'environnement naturel ou à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises, lorsqu'elles sont exposées dans l'intérêt direct de l'exploitation ; (...)" ; qu'aux termes de l'article 238 bis du même code, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : "1. Les entreprises assujetties à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés sont autorisées à déduire du montant de leur résultat, dans la limite de 2,25 pour 1 000 de leur chiffre d'affaires, les versements qu'elles ont effectués au profit d'oeuvres ou d'organismes d'intérêt général ayant un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, à la défense de l'environnement naturel ou à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises notamment quand ces versements sont faits au bénéfice d'une fondation d'entreprise, même si cette dernière porte le nom de l'entreprise fondatrice. / Les dispositions du premier alinéa s'appliquent même si le nom de l'entreprise versante est associé aux opérations réalisées par ces organismes. / 2. La limite de déduction mentionnée au 1 est fixée à 3,25 pour 1 000 pour les dons faits à des fondations ou associations reconnues d'utilité publique et répondant aux conditions fixées au 1 (...)" ;

Considérant, en premier lieu, que les qualifications de charge déductible au titre de l'article 39 du code général des impôts et de versement aux oeuvres ou organismes d'intérêt général au sens de l'article 238 bis du code général des impôts étant exclusives l'une de l'autre, la cour n'était pas tenue, dès lors qu'elle indiquait les motifs de droit et de fait la conduisant à juger que les versements en litige constituaient des charges déductibles en application de l'article 39, de préciser, dans son arrêt, les motifs l'ayant conduit à écarter l'application, à ces versements, de l'article 238 bis du code général des impôts ; que les moyens tirés de l'insuffisante motivation de l'arrêt attaqué et de l'erreur de droit commise par la cour sur ce point doivent dès lors être écartés ;

Considérant, en second lieu que, pour faire droit aux conclusions de la SARL Les Sources relatives aux versements effectués au profit d'opérations à caractère humanitaire, la cour a jugé, par une appréciation souveraine des faits de l'espèce non entachée de dénaturation, que la société en avait retiré une contrepartie dans la promotion de son action qui lui avait permis de maintenir ou d'accroître son chiffre d'affaires et qu'en l'absence des partenariats noués avec les organismes caritatifs bénéficiaires de ces versements, elle aurait été dans l'impossibilité de vendre ses produits aux mêmes conditions ; qu'en en déduisant que ces versements avaient été effectués dans l'intérêt direct de l'exploitation et qu'ils entraient, par suite, dans le champ d'application des dispositions précitées de l'article 39 du code général des impôts, la cour n'a ni inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis ni commis d'erreur de droit, nonobstant la circonstance, invoquée par le ministre, que les organismes bénéficiaires des versements ne fournissaient aucune contrepartie directe à la société ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque ; qu'il y a lieu, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par la SARL Les Sources dans la présente instance ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera la somme de 3 000 euros à la SARL Les Sources en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT, PORTE-PAROLE DU GOUVERNEMENT et à la SARL Les Sources.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES - RÈGLES GÉNÉRALES - IMPÔT SUR LES BÉNÉFICES DES SOCIÉTÉS ET AUTRES PERSONNES MORALES - DÉTERMINATION DU BÉNÉFICE IMPOSABLE - DÉDUCTIBILITÉ DES DÉPENSES VERSÉES À DES ORGANISMES HUMANITAIRES (ART - 39 - 1 - 7° DU CGI) - CONDITION - DÉPENSES EXPOSÉES DANS L'INTÉRÊT DIRECT DE L'ENTREPRISE - DÉPENSES AYANT CONTRIBUÉ À LA PROMOTION DE LA SOCIÉTÉ ET LUI AYANT PERMIS D'ACCROÎTRE OU DE MAINTENIR SON CHIFFRE D'AFFAIRES - INCLUSION - MÊME EN L'ABSENCE DE CONTREPARTIE DIRECTE FOURNIE À LA SOCIÉTÉ PAR LES ORGANISMES BÉNÉFICIAIRES DE CES VERSEMENTS.

19-04-01-04-03 Les dispositions du 7° du 1 de l'article 39 du code général des impôts (CGI) prévoient que les charges déductibles comprennent les « dépenses engagées dans le cadre de manifestations de caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, à la défense de l'environnement naturel ou à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises, lorsqu'elles sont exposées dans l'intérêt direct de l'exploitation ». Dès lors qu'une société a retiré des versements qu'elle effectue au profit d'opérations à caractère humanitaire une contrepartie dans la promotion de son action qui lui a permis de maintenir ou d'accroître son chiffre d'affaires et qu'en l'absence des partenariats noués avec les organismes caritatifs bénéficiaires de ces versements, elle aurait été dans l'impossibilité de vendre ses produits aux mêmes conditions, ces versements doivent être regardés comme ayant été effectués dans l'intérêt direct de l'exploitation et comme présentant, par suite, le caractère de charges déductibles en application de ces dispositions, alors même que les organismes bénéficiaires des versements ne fournissent aucune contrepartie directe à la société.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES - REVENUS ET BÉNÉFICES IMPOSABLES - RÈGLES PARTICULIÈRES - BÉNÉFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX - DÉTERMINATION DU BÉNÉFICE NET - CHARGES DIVERSES - DÉDUCTIBILITÉ DES DÉPENSES VERSÉES À DES ORGANISMES HUMANITAIRES (ART - 39 - 1 - 7° DU CGI) - CONDITIONS - DÉPENSES EXPOSÉES DANS L'INTÉRÊT DIRECT DE L'ENTREPRISE - DÉPENSES AYANT CONTRIBUÉ À LA PROMOTION DE LA SOCIÉTÉ ET LUI AYANT PERMIS D'ACCROÎTRE OU DE MAINTENIR SON CHIFFRE D'AFFAIRES - INCLUSION - MÊME EN L'ABSENCE DE CONTREPARTIE DIRECTE FOURNIE À LA SOCIÉTÉ PAR LES ORGANISMES BÉNÉFICIAIRES DE CES VERSEMENTS.

19-04-02-01-04-09 Les dispositions du 7° du 1 de l'article 39 du code général des impôts (CGI) prévoient que les charges déductibles comprennent les « dépenses engagées dans le cadre de manifestations de caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, à la défense de l'environnement naturel ou à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises, lorsqu'elles sont exposées dans l'intérêt direct de l'exploitation ». Dès lors qu'une société a retiré des versements qu'elle effectue au profit d'opérations à caractère humanitaire une contrepartie dans la promotion de son action qui lui a permis de maintenir ou d'accroître son chiffre d'affaires et qu'en l'absence des partenariats noués avec les organismes caritatifs bénéficiaires de ces versements, elle aurait été dans l'impossibilité de vendre ses produits aux mêmes conditions, ces versements doivent être regardés comme ayant été effectués dans l'intérêt direct de l'exploitation et comme présentant, par suite, le caractère de charges déductibles en application de ces dispositions, alors même que les organismes bénéficiaires des versements ne fournissent aucune contrepartie directe à la société.

PROCÉDURE - VOIES DE RECOURS - CASSATION - CONTRÔLE DU JUGE DE CASSATION - BIEN-FONDÉ - QUALIFICATION JURIDIQUE DES FAITS - VERSEMENTS À DES ORGANISMES HUMANITAIRES - NOTION D'INTÉRÊT DIRECT DE L'EXPLOITATION (ARTICLE 39 - 1 - 7° DU CGI).

54-08-02-02-01-02 Le juge de cassation exerce un contrôle de qualification juridique de faits sur l'appréciation portée par les juges du fond sur le point de savoir si des versements à des organismes humanitaires ont été effectués dans l'intérêt direct de l'exploitation au sens du 7° du 1 de l'article 39 du code général des impôts (CGI).

PROCÉDURE - VOIES DE RECOURS - CASSATION - CONTRÔLE DU JUGE DE CASSATION - BIEN-FONDÉ - APPRÉCIATION SOUVERAINE DES JUGES DU FOND - EXISTENCE D'UNE CONTREPARTIE À DES VERSEMENTS À DES ORGANISMES HUMANITAIRES (ARTICLE 39 - 1 - 7° DU CODE GÉNÉRAL DES IMPÔTS).

54-08-02-02-01-03 L'existence d'une contrepartie à des versements à des organismes humanitaires relève de l'appréciation souveraine des juges du fond, susceptible uniquement d'un contrôle de la dénaturation.


Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 15 fév. 2012, n° 340855
Mentionné aux tables du recueil Lebon
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Séverine Larere
Rapporteur public ?: M. Frédéric Aladjidi
Avocat(s) : SCP BARADUC, DUHAMEL

Origine de la décision
Formation : 9ème / 10ème ssr
Date de la décision : 15/02/2012
Date de l'import : 23/03/2016

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 340855
Numéro NOR : CETATEXT000025386914 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2012-02-15;340855 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award