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20/02/2012 | FRANCE | N°343308

France | France, Conseil d'État, 6ème sous-section jugeant seule, 20 février 2012, 343308


Vu le pourvoi, enregistré le 15 septembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION ; le ministre demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 10NT00358 du 30 juin 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a annulé d'une part, le jugement n°10-56 du 15 janvier 2010 du tribunal administratif d'Orléans, d'autre part, l'arrêté du 8 janvier 2010 par lequel le préfet d'Indre-et-Loire a décidé la reconduite à la frontière de M. Abdel

latif A, ainsi que sa décision du même jour fixant le pays de destinat...

Vu le pourvoi, enregistré le 15 septembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION ; le ministre demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 10NT00358 du 30 juin 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a annulé d'une part, le jugement n°10-56 du 15 janvier 2010 du tribunal administratif d'Orléans, d'autre part, l'arrêté du 8 janvier 2010 par lequel le préfet d'Indre-et-Loire a décidé la reconduite à la frontière de M. Abdellatif A, ainsi que sa décision du même jour fixant le pays de destination ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de M. A ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale des droits de l'enfant ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Michel Thenault, Conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Cyril Roger-Lacan, rapporteur public ;

Considérant que par un arrêté du 8 janvier 2010 et par une décision du même jour, le préfet d'Indre-et-Loire a d'une part, ordonné la reconduite à la frontière de M. A, ressortissant marocain, et d'autre part, fixé le Maroc comme pays de destination ; que par un jugement du 15 janvier 2010, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté la demande d'annulation de ces décisions formée par M. A ; que par un arrêt du 30 juin 2010, la cour administrative d'appel de Nantes a annulé ce jugement et les décisions du préfet au motif qu'elles méconnaissaient les stipulations de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ; que le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION se pourvoit en cassation contre cet arrêt ;

Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

Considérant que pour annuler le jugement attaqué, la cour administrative d'appel de Nantes, après avoir relevé que l'intérêt supérieur de l'enfant est de pouvoir grandir en bénéficiant d'une relation régulière avec ses deux parents et que l'ordonnance de non conciliation des époux rendue le 21 janvier 2010 accordait à M. A un droit de visite médiatisé deux fois par mois à son fils, s'est bornée à relever qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier que M. A aurait renoncé à l'entretien et à l'éducation de son fils ; que cependant il ressort des pièces du dossier soumises au juge du fond que M. A a quitté le domicile conjugal après quelques mois de vie commune avec son épouse avant même la naissance de son fils avec lequel il n'a jamais vécu et qu'il n'a reconnu que plus de trois mois après sa naissance ; qu'il ne lui a rendu visite qu'une seule fois dans les six mois qui ont suivi celle-ci ; que si son état d'impécuniosité l'empêchait de verser une contribution pécuniaire, il est constant qu'il n'a pas participé, sous quelque forme que ce soit, à son entretien et à son éducation et qu'il n'établit pas avoir tenté de le faire ; que dans ces conditions, alors même que le juge aux affaires familiales a accordé à l'intéressé, par une ordonnance, postérieure à l'arrêté de reconduite à la frontière litigieux, un droit de visite médiatisé deux fois par mois, la cour a inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis en jugeant que l'arrêté du préfet de l'Indre-et-Loire avait porté atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant au sens des stipulations de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; que, le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION, est, par suite, fondé à demander l'annulation de cet arrêt ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant, en premier lieu, qu'ainsi qu'il a été ci-dessus, le moyen invoqué pour la première fois devant la cour administrative d'appel, tiré de ce que l'arrêté litigieux méconnaissait les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant, ne peut qu'être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'en vertu du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière s'il n'a pas demandé le renouvellement de son titre de séjour temporaire et s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois suivant l'expiration de ce titre ; qu'il est constant que M. A détenait un titre de séjour temporaire valide jusqu'au 27 septembre 2009 et qu'il s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après cette date ; qu'il n'établit pas avoir déposé une demande de renouvellement de ce titre ; que dès lors, le préfet pouvait légalement ordonner sa reconduite à la frontière en application des dispositions du 4° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il en résulte que le tribunal administratif n'a pas fait une inexacte application des ces dispositions en écartant le moyen soulevé devant lui par M. A tiré de ce que le préfet aurait dû se prononcer sur son droit au séjour en application des dispositions du I de l'article L. 511-1 ;

Considérant, en troisième lieu, que s'il résulte du 6° de l'article L 313-11 du même code que sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit à un étranger père d'un enfant français mineur résidant en France à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, M. A ne peut se prévaloir du dépôt d'une telle demande ; que s'il devait être regardé comme ayant entendu se prévaloir également des dispositions du 6° de l'article L 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vertu desquelles ne peut faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière l'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, M. A ne peut, comme il a été dit ci-dessus, se prévaloir d'une telle contribution, fût-elle modeste ; que dès lors, M. A n'est pas fondé à soutenir que le tribunal administratif a fait une inexacte application des ces dispositions en considérant qu'il ne pouvait prétendre à leur bénéfice ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'en vertu de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; que pour juger que l'arrêté du 8 janvier 2010 par lequel le préfet d'Indre-et-Loire a ordonné la reconduite à la frontière de M. A et la décision du même jour fixant le pays de destination ne méconnaissaient pas ces stipulations, le tribunal administratif a relevé que M. A était entré en France très récemment, qu'il n'avait plus de communauté de vie avec son épouse et n'en avait jamais eue avec son enfant et par suite qu'il n'établissait pas, ni même n'alléguait, être sans attache familiale au Maroc ; que M. A n'est pas fondé à soutenir que le tribunal administratif a fait une inexacte application de ces stipulations en considérant que les décisions du préfet ne portaient pas une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale ;

Considérant, enfin, que la décision du préfet d'Indre et Loire fixant le Maroc comme pays de destination, distincte de l'arrêté de reconduite à la frontière, énonce les éléments de droit et de fait sur lesquels elle est fondée ; que dès lors, comme l'a jugé le tribunal administratif, le moyen tiré du défaut de motivation dont serait entachée cette décision manque en fait ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions contestées ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat qui dans la présente affaire n'est pas la partie perdante, le versement de la somme de 1 500 euros que demande M. A au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt du 30 juin 2010 de la cour administrative d'appel de Nantes est annulé.

Article 2 : Les conclusions de M. A tendant à l'annulation du jugement du 15 janvier 2010 du tribunal administratif d'Orléans sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. A devant cette même cour au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION et à M Abdellatif A.


Synthèse
Formation : 6ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 343308
Date de la décision : 20/02/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 20 fév. 2012, n° 343308
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Christine Maugüé
Rapporteur ?: M. Michel Thenault
Rapporteur public ?: M. Cyril Roger-Lacan

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:343308.20120220
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