La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/02/2012 | FRANCE | N°333713

France | France, Conseil d'État, 4ème et 5ème sous-sections réunies, 22 février 2012, 333713


Vu le pourvoi sommaire et les mémoires complémentaires, enregistrés les 9 novembre 2009, 18 janvier et 26 novembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme A...D..., demeurant... ; Mme D... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 8 septembre 2009 par laquelle la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins, après avoir annulé la décision du 6 novembre 2008 de la chambre disciplinaire de première instance de l'ordre des médecins d'Ile-de-France, a rejeté sa plainte dirigée contre Mme B...C...et l'a condamnée à

verser à cette dernière la somme de 2 000 euros à titre de dommages et ...

Vu le pourvoi sommaire et les mémoires complémentaires, enregistrés les 9 novembre 2009, 18 janvier et 26 novembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme A...D..., demeurant... ; Mme D... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 8 septembre 2009 par laquelle la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins, après avoir annulé la décision du 6 novembre 2008 de la chambre disciplinaire de première instance de l'ordre des médecins d'Ile-de-France, a rejeté sa plainte dirigée contre Mme B...C...et l'a condamnée à verser à cette dernière la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit aux conclusions qu'elle a présentées devant la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins ;

3°) de mettre à la charge de Mme C...la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ;

Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 ;

Vu le décret n° 48-1671 du 26 octobre 1948 ;

Vu le décret n° 2007-434 du 25 mars 2007 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Louis Dutheillet de Lamothe, Auditeur,

- les observations de Me Haas, avocat de Mme D... , de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de Mme C... et de la SCP Barthélémy, Matuchansky, Vexliard, avocat du Conseil national de l'ordre des médecins,

- les conclusions de Mme Gaëlle Dumortier, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à Me Haas, avocat de Mme D..., à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de Mme C... et à la SCP Barthélémy, Matuchansky, Vexliard, avocat du Conseil national de l'ordre des médecins,

Sur la régularité de la décision attaquée :

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des mentions de la décision attaquée que les débats ont eu lieu en audience publique ; qu'une telle mention fait foi jusqu'à preuve contraire, laquelle n'est pas rapportée en l'espèce ;

Considérant, en second lieu, d'une part, qu'aux termes de l'article 4 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, publiée au Journal officiel de la République française le 5 janvier 1972, dans sa rédaction alors applicable : " Nul ne peut, s'il n'est avocat, assister ou représenter les parties, postuler ou plaider devant les juridictions et les organismes juridictionnels ou disciplinaires de quelque nature que ce soit, sous réserve des dispositions régissant les avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation et les avoués près les cours d'appel. / Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à l'application des dispositions législatives ou réglementaires spéciales en vigueur à la date de publication de la présente loi (...) " ; qu'en vertu de ces dispositions, seuls les avocats peuvent assister ou représenter les parties devant les juridictions et organismes juridictionnels ou disciplinaires, sauf dans les cas où soit des dispositions législatives, soit des dispositions règlementaires en vigueur le 5 janvier 1972 en disposent autrement ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 4126-2 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de la loi du 4 mars 2002 : " Les parties peuvent se faire assister ou représenter (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 4126-13 du même code : " Les parties sont averties qu'elles ont la faculté de choisir un défenseur. / Le Conseil national ou le conseil départemental de l'ordre peuvent se faire représenter par un membre titulaire ou suppléant de leur conseil, les syndicats par un de leurs membres. / Les praticiens, qu'ils soient plaignants, requérants ou objets de la poursuite, peuvent se faire assister soit par un avocat, soit par un confrère inscrit au tableau de l'ordre auquel ils appartiennent, soit par l'un ou l'autre. / Les membres d'un conseil de l'ordre ne peuvent être choisis comme défenseur. / Les parties qui ont fait choix d'un défenseur en informent le greffier par écrit " ;

Considérant que, si ces dispositions permettent aux praticiens, comme le faisait le décret du 26 octobre 1948 relatif au fonctionnement des conseils de l'ordre des médecins, des chirurgiens-dentistes et des sages-femmes et de la section disciplinaire du Conseil national de l'ordre des médecins, de se faire assister par un confrère inscrit au tableau de l'ordre auquel ils appartiennent, il ne résulte d'aucune disposition législative ni d'aucune disposition règlementaire en vigueur le 5 janvier 1972 que, lorsque, dans une procédure disciplinaire ordinale, la partie auteur de la plainte est un patient et qu'elle exerce la faculté que lui ouvre l'article R. 4126-13 du code de la santé publique de choisir un défenseur, elle puisse se faire assister ou représenter par une autre personne qu'un avocat ; que, dès lors, la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant, après avoir rappelé la règle résultant de l'article 4 de la loi du 31 décembre 1971, que MmeD..., qui ne s'était pas présentée à l'audience, ne pouvait y être représentée par son mari qui n'était pas avocat ; que l'omission du visa de la loi du 31 décembre 1971 est sans influence sur la régularité de la décision attaquée ;

Considérant que, contrairement à ce que soutient MmeD..., la décision de la chambre nationale est suffisamment motivée ;

Sur le bien-fondé de la décision attaquée :

En ce qui concerne la poursuite disciplinaire :

Considérant qu'en estimant que Mme D...n'avait apporté aucun commencement de preuve des accusations qu'elle formulait à l'encontre de Mme C..., la chambre disciplinaire nationale a porté sur les faits de l'espèce une appréciation souveraine, exempte de dénaturation ;

En ce qui concerne les conclusions à fin de dommages et intérêts pour citation abusive :

Considérant que des conclusions à fin de dommages et intérêts pour procédure abusive, qui amènent le juge à apprécier les mérites de l'action dont il est soutenu qu'elle a été abusivement engagée, ne peuvent être présentées, à titre reconventionnel, que dans l'instance ouverte par l'action principale, dont elles ne sont pas détachables ; qu'il suit de là que, si de telles conclusions peuvent être présentées devant le juge d'appel, au titre du caractère abusif de l'appel, elles ne peuvent l'être pour la première fois devant lui pour obtenir la réparation du préjudice résultant d'un usage abusif du droit de saisir la juridiction de première instance ; qu'il appartient au juge d'appel de rejeter comme irrecevables de telles conclusions aussi bien dans le cas où, saisi d'un jugement régulièrement prononcé, il statue dans le cadre de l'effet dévolutif que dans celui où, saisi d'un jugement irrégulier, il statue par voie d'évocation après avoir annulé ce dernier ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme C... a demandé, pour la première fois dans l'instance d'appel devant la chambre disciplinaire nationale, la condamnation de Mme D...à une indemnité pour citation abusive au titre tant de l'instance d'appel que de la plainte initiale ; que, d'une part, il résulte de ce qui vient d'être dit que la chambre disciplinaire nationale a commis une erreur de droit en jugeant que ces conclusions étaient recevables en tant qu'elles portaient sur la plainte initiale de Mme D... ; que, d'autre part, en jugeant abusif l'appel de cette dernière, alors qu'elle y a fait droit en annulant le jugement de première instance pour insuffisance de motivation et dénaturation de la plainte, elle a commis une erreur de qualification juridique ; que par suite, la requérante est fondée à demander l'annulation de l'article 3 de la décision attaquée qui la condamne à verser à Mme C...la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour citation abusive ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que les conclusions de Mme C...tendant à la réparation du préjudice que lui a causé la plainte de Mme D... sont irrecevables devant le juge d'appel ; que ses conclusions tendant à ce qu'un préjudice de même nature soit réparé au titre de la requête d'appel de Mme D..., qui contenait deux moyens d'appel que la chambre disciplinaire a jugé fondés par sa décision du 8 septembre 2009, ne peuvent qu'être rejetées ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de Mme D... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par Mme D... au titre de ces dispositions ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'article 3 de la décision de la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins du 8 septembre 2009 est annulé.

Article 2 : Les conclusions à fin de dommages et intérêts pour citation abusive présentées par Mme C...sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions de Mme D...est rejeté.

Article 4 : Les conclusions de Mme C...présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme A...D..., à Mme B... C...et au conseil départemental de l'ordre des médecins des Hauts-de-Seine.

Copie en sera adressée au Conseil national de l'ordre des médecins.


Synthèse
Formation : 4ème et 5ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 333713
Date de la décision : 22/02/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES ET JUDICIAIRES - MAGISTRATS ET AUXILIAIRES DE LA JUSTICE - AUXILIAIRES DE LA JUSTICE - AVOCATS - MONOPOLE DE REPRÉSENTATION DES PARTIES DEVANT LES JURIDICTIONS ET LES ORGANISMES JURIDICTIONNELS OU DISCIPLINAIRES (ART - 4 DE LA LOI DU 31 DÉCEMBRE 1971) - LIMITE - DISPOSITIONS LÉGISLATIVES - OU DISPOSITIONS RÉGLEMENTAIRES EN VIGUEUR LE 5 JANVIER 1972 - QUI EN DISPOSENT AUTREMENT - CONSÉQUENCE - POSSIBILITÉ DE SE FAIRE REPRÉSENTER PAR UNE AUTRE PERSONNE QU'UN AVOCAT DEVANT LA SECTION DISCIPLINAIRE DU CONSEIL NATIONAL DE L'ORDRE DES MÉDECINS - 1) POUR LES PRATICIENS - EXISTENCE - 2) POUR LES PATIENTS - ABSENCE.

37-04-04-01 En vertu des dispositions de l'article 4 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, seuls les avocats peuvent assister ou représenter les parties devant les juridictions et organismes juridictionnels ou disciplinaires, sauf dans les cas où soit des dispositions législatives, soit des dispositions réglementaires en vigueur le 5 janvier 1972 (date d'entrée en vigueur de la loi), en disposent autrement.... ...1) Les dispositions de l'article R. 4126-13 du code de la santé publique permettent aux praticiens, comme le faisait le décret du 26 octobre 1948 relatif au fonctionnement des conseils de l'ordre des médecins, des chirurgiens-dentistes et des sages-femmes et de la section disciplinaire du Conseil national de l'ordre des médecins, de se faire assister devant cette section disciplinaire par un confrère inscrit au tableau de l'ordre auquel ils appartiennent.... ...2) En revanche, il ne résulte d'aucune disposition législative ni d'aucune disposition réglementaire en vigueur le 5 janvier 1972 que, lorsque, dans une procédure disciplinaire ordinale, la partie auteur de la plainte est un patient et qu'elle exerce la faculté que lui ouvre l'article R. 4126-13 de choisir un défenseur, elle puisse se faire assister ou représenter par une autre personne qu'un avocat.

PROCÉDURE - POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE - POUVOIRS DU JUGE DE PLEIN CONTENTIEUX - CITATION ABUSIVE - CONCLUSIONS À FIN DE DOMMAGES ET INTÉRÊTS - COMPÉTENCE DU SEUL JUGE SAISI AU PRINCIPAL [RJ1] - CONSÉQUENCE - CONCLUSIONS RECONVENTIONNELLES PRÉSENTÉES POUR LA PREMIÈRE FOIS DEVANT LE JUGE D'APPEL AU TITRE DU CARACTÈRE ABUSIF DE L'USAGE DU DROIT DE SAISIR LA JURIDICTION DE PREMIÈRE INSTANCE - IRRECEVABILITÉ.

54-07-03 Des conclusions à fin de dommages et intérêts pour procédure abusive, qui amènent le juge à apprécier les mérites de l'action dont il est soutenu qu'elle a été abusivement engagée, ne peuvent être présentées, à titre reconventionnel, que dans l'instance ouverte par l'action principale, dont elles ne sont pas détachables. Il suit de là que, si de telles conclusions peuvent être présentées devant le juge d'appel, au titre du caractère abusif de l'appel, elles ne peuvent l'être pour la première fois devant lui pour obtenir la réparation du préjudice résultant d'un usage abusif du droit de saisir la juridiction de première instance. Il appartient au juge d'appel de rejeter comme irrecevables de telles conclusions aussi bien dans le cas où, saisi d'un jugement régulièrement prononcé, il statue dans le cadre de l'effet dévolutif que dans celui où, saisi d'un jugement irrégulier, il statue par voie d'évocation après avoir annulé ce dernier.

PROCÉDURE - VOIES DE RECOURS - APPEL - CONCLUSIONS RECEVABLES EN APPEL - EXCLUSION - CONCLUSIONS RECONVENTIONNELLES PRÉSENTÉES POUR LA PREMIÈRE FOIS DEVANT LE JUGE D'APPEL AU TITRE DU CARACTÈRE ABUSIF DE L'USAGE DU DROIT DE SAISIR LA JURIDICTION DE PREMIÈRE INSTANCE [RJ1].

54-08-01-02 Des conclusions à fin de dommages et intérêts pour procédure abusive, qui amènent le juge à apprécier les mérites de l'action dont il est soutenu qu'elle a été abusivement engagée, ne peuvent être présentées, à titre reconventionnel, que dans l'instance ouverte par l'action principale, dont elles ne sont pas détachables. Il suit de là que, si de telles conclusions peuvent être présentées devant le juge d'appel, au titre du caractère abusif de l'appel, elles ne peuvent l'être pour la première fois devant lui pour obtenir la réparation du préjudice résultant d'un usage abusif du droit de saisir la juridiction de première instance. Il appartient au juge d'appel de rejeter comme irrecevables de telles conclusions aussi bien dans le cas où, saisi d'un jugement régulièrement prononcé, il statue dans le cadre de l'effet dévolutif que dans celui où, saisi d'un jugement irrégulier, il statue par voie d'évocation après avoir annulé ce dernier.


Références :

[RJ1]

Cf., en le complétant, CE Section, 6 juin 2008, Conseil départemental de l'ordre des chirurgiens-dentistes de Paris, n° 283141, p. 204.


Publications
Proposition de citation : CE, 22 fév. 2012, n° 333713
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Louis Dutheillet de Lamothe
Rapporteur public ?: Mme Gaëlle Dumortier
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN ; SCP BARTHELEMY, MATUCHANSKY, VEXLIARD ; HAAS

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:333713.20120222
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award