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22/02/2012 | FRANCE | N°335062

France | France, Conseil d'État, 4ème sous-section jugeant seule, 22 février 2012, 335062


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 décembre 2009 et 29 mars 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DU HAVRE, représentée par son maire ; la COMMUNE DU HAVRE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 10 septembre 2009 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial a accordé à la SARL Champs Vernet l'autorisation préalable requise en vue de la création d'un centre de magasins de marques d'une surface de vente de 15 215 m² dénommé Les Collines de Honfleur et compr

enant une centaine de boutiques à Honfleur (Calvados) ;

2°) de mettre à ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 décembre 2009 et 29 mars 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DU HAVRE, représentée par son maire ; la COMMUNE DU HAVRE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 10 septembre 2009 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial a accordé à la SARL Champs Vernet l'autorisation préalable requise en vue de la création d'un centre de magasins de marques d'une surface de vente de 15 215 m² dénommé Les Collines de Honfleur et comprenant une centaine de boutiques à Honfleur (Calvados) ;

2°) de mettre à la charge de la SARL Champs Vernet une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de commerce ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Hervé Guichon, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la COMMUNE DU HAVRE,

- les conclusions de Mme Gaëlle Dumortier, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la COMMUNE DU HAVRE,

Sur la légalité externe de la décision de la commission nationale :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 752-49 du code de commerce : La Commission nationale d'aménagement commercial se réunit sur convocation de son président. ; qu'aux termes de l'article 4 du règlement intérieur de la commission : Les membres de la commission et le commissaire du gouvernement reçoivent une convocation écrite signée par le président ou par délégation en cas d'absence ou d'empêchement, accompagnée de l'ordre du jour et des documents mentionnés à l'article R. 752-49 du code de commerce, huit jours au moins avant la date de la séance ; qu'il résulte de ces dispositions que le président de la commission nationale a pu régulièrement déléguer la signature des convocations au secrétaire de cette commission ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 752-49 doit être écarté ;

Considérant que, si la COMMUNE DU HAVRE soutient qu'il ne résulte pas du dossier de la demande que celui-ci a été complété afin de répondre aux exigences de l'arrêté du 21 août 2009, entré en vigueur postérieurement au dépôt de ce dossier devant la commission nationale, les dispositions de cet arrêté n'ont pas pour objet et ne peuvent avoir pour effet d'imposer des formalités autres que celles résultant du décret d'application ou qui sont nécessairement impliquées par lui ; qu'il suit de là que doit être regardé comme étant sans incidence sur la légalité de la décision attaquée et, par suite être écarté, le moyen tiré de ce que le pétitionnaire n'aurait pas satisfait à des prescriptions de cet arrêté autres que celles que le décret qui lui sert de fondement exige, ou qu'il implique nécessairement ;

Considérant que si, eu égard à la nature, à la composition et aux attributions de la Commission nationale d'aménagement commercial, les décisions qu'elle prend doivent être motivées, cette obligation n'implique pas que la commission soit tenue de prendre explicitement parti sur le respect par le projet qui lui est soumis de chacun des objectifs et critères d'appréciation fixés par les dispositions législatives applicables ; qu'en l'espèce, la commission a suffisamment motivé sa décision ; que, contrairement à ce que soutient la COMMUNE DU HAVRE, la commission nationale n'a entaché sa décision d'aucune contradiction de motifs en relevant qu'il ne pouvait être reproché au projet, situé en zone actuellement non urbanisée, de contribuer à un mitage du territoire, dès lors qu'il prend sa place dans un parc d'activités en cours de création, lequel comprendra d'ailleurs d'autres réalisations ;

Sur la légalité interne de la décision attaquée :

En ce qui concerne la composition du dossier de la demande d'autorisation :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article R. 752-7 du code de commerce : I. - La demande d'autorisation est accompagnée : / 1° D'un plan indicatif faisant apparaître la surface de vente des commerces ; / 2° Des renseignements suivants : / a) Délimitation de la zone de chalandise du projet, telle que définie à l'article R. 752-8 (...) / II. - La demande est également accompagnée d'une étude destinée à permettre à la commission d'apprécier les effets prévisibles du projet au regard des critères prévus par l'article L. 752-6. Celle-ci comporte les éléments permettant d'apprécier les effets du projet sur : / 1° L'accessibilité de l'offre commerciale ; / 2° Les flux de voitures particulières et de véhicules de livraison ainsi que sur les accès sécurisés à la voie publique ; / 3° La gestion de l'espace ; / 4° Les consommations énergétiques et la pollution ; / 5° Les paysages et les écosystèmes ; qu'il ressort des pièces du dossier que le dossier accompagnant la demande d'autorisation comporte des données relatives aux flux des voitures particulières et des véhicules de livraison comme aux accès au site du projet ; que le dossier comprend également des informations concernant tant les consommations énergétiques et la pollution, que les paysages et les écosystèmes, dont la COMMUNE DU HAVRE ne démontre pas qu'elles soient fausses ou insuffisantes ; qu'ainsi le moyen tiré de l'insuffisance du dossier de demande au regard des prescriptions de l'article R. 752-7 du code de commerce précité doit être écarté ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes du I de l'article R. 752-8 du même code : Pour application de l'article L. 751-2, la zone de chalandise d'un équipement faisant l'objet d'une demande d'autorisation d'exploitation commerciale correspond à l'aire géographique au sein de laquelle cet équipement exerce une attraction sur la clientèle. / Cette zone est délimitée en tenant compte notamment de la nature et de la taille de l'équipement envisagé, des temps de déplacement nécessaires pour y accéder, de la présence d'éventuelle barrières géographiques ou psychologiques, de la localisation et du pouvoir d'attraction des équipements commerciaux existants ainsi que de la localisation des magasins exploités sous la même enseigne que celle de l'établissement concerné ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de sa demande d'autorisation d'exploitation commerciale la SARL Champs Vernet a délimité une zone de chalandise correspondant à un trajet en voiture d'une heure qui inclut l'agglomération du Havre ; que le moyen tiré de ce que la commune du Havre ne serait pas comprise dans la zone de chalandise du projet contesté manque donc en fait ; que l'absence de découpage de la zone de chalandise en sous-zones est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée ; que dès lors le moyen tiré de l'irrégularité de la délimitation de la zone de chalandise au regard des dispositions de l'article R. 752-8 précité du code de commerce doit être écarté ;

En ce qui concerne l'appréciation de la Commission nationale d'aménagement commercial :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 752-6 du code de commerce : La demande d'autorisation prévue à l'article L. 752-1 (...) est présentée soit par le propriétaire de l'immeuble, soit par une personne justifiant d'un titre l'habilitant à construire sur le terrain ou à exploiter commercialement l'immeuble ; qu'il ressort des pièces du dossier que la SARL Champs Vernet avait déposé sa demande d'autorisation en qualité de promoteur et de futur propriétaire de l'assiette foncière et des constructions ; que, par un acte notarié du 23 juin 2009, la parcelle d'implantation du projet a été cédée par le conseil général du Calvados à une société d'économie mixte dénommée la Société hérouvillaise d'économie mixte pour l'aménagement (SHEMA) ; que cette dernière société a délivré le 30 juin 2009 à la SARL Champs Vernet une autorisation de déposer auprès de la commission départementale un dossier de demande d'autorisation d'exploitation commerciale concernant le centre de marques dénommé Les collines de Honfleur ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la commission nationale aurait inexactement apprécié l'application, en l'espèce, des prescriptions de l'article R. 752-6 du code de commerce doit être écarté ;

Considérant qu'aux termes du troisième alinéa de l'article 1er de la loi du 27 décembre 1973 : Les pouvoirs publics veillent à ce que l'essor du commerce et de l'artisanat permette l'expansion de toutes les formes d'entreprises, indépendantes, groupées ou intégrées, en évitant qu'une croissance désordonnée des formes nouvelles de distribution ne provoque l'écrasement de la petite entreprise et le gaspillage des équipements commerciaux et ne soit préjudiciable à l'emploi ; qu'aux termes de l'article L. 750-1 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie : Les implantations, extensions, transferts d'activités existantes et changements de secteur d'activité d'entreprises commerciales et artisanales doivent répondre aux exigences d'aménagement du territoire, de la protection de l'environnement et de la qualité de l'urbanisme. Ils doivent en particulier contribuer au maintien des activités dans les zones rurales et de montagne ainsi qu'au rééquilibrage des agglomérations par le développement des activités en centre-ville et dans les zones de dynamisation urbaine. / Dans le cadre d'une concurrence loyale, ils doivent également contribuer à la modernisation des équipements commerciaux, à leur adaptation à l'évolution des modes de consommation et des techniques de commercialisation, au confort d'achat du consommateur et à l'amélioration des conditions de travail des salariés ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 752-6 du même code, issu de la même loi du 4 août 2008 : Lorsqu'elle statue sur l'autorisation d'exploitation commerciale visée à l'article L. 752-1, la commission départementale d'aménagement commercial se prononce sur les effets du projet en matière d'aménagement du territoire, de développement durable et de protection des consommateurs. Les critères d'évaluation sont : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et de montagne ; / b) L'effet du projet sur les flux de transport ; / c) Les effets découlant des procédures prévues aux articles L. 303-1 du code de la construction et de l'habitation et L. 123-11 du code de l'urbanisme ; / 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet ; / b) Son insertion dans les réseaux de transports collectifs. ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions combinées que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi ; qu'il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce ;

Considérant, s'agissant de l'objectif d'aménagement du territoire, qu'il ressort des pièces du dossier que la commission nationale, qui disposait, outre le dossier de demande, des observations présentées par les services instructeurs sur ce point et d'indications précises sur les travaux projetés pour favoriser la desserte routière de ces nouvelles surfaces, a pu sans erreur de fait ni erreur d'appréciation estimer que le projet ne comportait pas d'impact sur les conditions de circulation aux abords du site de nature à faire obstacle à cette nouvelle implantation ;

Considérant, s'agissant de l'objectif de développement durable, qu'il ressort des pièces du dossier, d'une part, que le projet prévoit l'installation de dispositifs d'économie d'énergie et des mesures concernant le traitement des déchets et les pollutions sonores, d'autre part, qu'il répond au critère de la qualité environnementale en prévoyant des mesures d'accompagnement végétal et son inscription dans un projet paysager ; que si le site d'implantation du projet jouxte la zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF), il ressort des pièces du dossier que l'emprise examinée par la commission nationale ne concernerait que 3% de la superficie totale de la ZNIEFF ; que, dans ces conditions, la commission nationale n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que le critère environnemental était rempli en l'absence même de mesures de compensation ;

Considérant qu'en vertu de l'article L. 122-1 du code de l'urbanisme, les autorisations d'exploitation délivrées par la Commission nationale d'aménagement commercial doivent être compatibles avec les schémas de cohérence territoriale ; que le schéma de cohérence territoriale en vigueur au Nord Pays d'Auge, s'il préconise le développement des activités à vocation industrielle, logistique, portuaire ou tertiaire, n'implique pas, dans la zone concernée, l'interdiction d'installations de nature commerciale semblables à celle de l'équipement projeté ; que la COMMUNE DU HAVRE n'est pas fondée à soutenir que le projet attaqué serait incompatible avec ce schéma ;

Considérant que le moyen tiré de ce que la commission nationale aurait inexactement apprécié les effets de la réalisation du projet litigieux en les estimant compatibles avec les orientations de la directive territoriale d'aménagement de l'estuaire de la Seine est inopérant, et en tout état de cause infondé ;

Considérant que les autorisations d'aménagement commercial et les autorisations délivrées en application du code de l'urbanisme relèvent de législations distinctes et sont régies par des procédures indépendantes ; que, dès lors, la COMMUNE DU HAVRE ne saurait utilement se prévaloir de ce que le projet contesté ne respecterait pas les prescriptions de l'article L. 110 du code de l'urbanisme relatif aux règles générales d'utilisation du sol ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la Commission nationale d'aménagement commercial n'a pas fait une inexacte application des dispositions précédemment citées du code de commerce en confirmant l'autorisation que la commission départementale avait accordée ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de la SARL Champs Vernet, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que demande la requérante ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la COMMUNE DU HAVRE, en application de ces mêmes dispositions, le versement de la somme de 3 000 euros à la SARL Champs Vernet au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de la COMMUNE DU HAVRE est rejetée.

Article 2 : La COMMUNE DU HAVRE versera à la SARL Champs Vernet la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DU HAVRE et à la société Champs Vernet.

Copie en sera adressée pour information à la Commission nationale d'aménagement commercial et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 22 fév. 2012, n° 335062
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Marc Dandelot
Rapporteur ?: M. Hervé Guichon
Rapporteur public ?: Mme Gaëlle Dumortier
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, THIRIEZ

Origine de la décision
Formation : 4ème sous-section jugeant seule
Date de la décision : 22/02/2012
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 335062
Numéro NOR : CETATEXT000025402139 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2012-02-22;335062 ?
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