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02/03/2012 | FRANCE | N°357129

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 02 mars 2012, 357129


Vu la requête, enregistrée le 27 février 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présentée par M. Scheikh-Magomed A, domicilié au ... ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'État :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1200631 du 14 février 2012 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a rejeté sa demande tendant à la suspension de l'arrêté du 27 janvier 2012 du préfet de l'Hérault lui refusant l'admission provisoire de séjour au tit

re de l'asile, et à ce qu'il soit enjoint au préfet, sous astreinte de 100 eur...

Vu la requête, enregistrée le 27 février 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présentée par M. Scheikh-Magomed A, domicilié au ... ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'État :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1200631 du 14 février 2012 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a rejeté sa demande tendant à la suspension de l'arrêté du 27 janvier 2012 du préfet de l'Hérault lui refusant l'admission provisoire de séjour au titre de l'asile, et à ce qu'il soit enjoint au préfet, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer le document provisoire de séjour prévu à l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, après l'enregistrement de sa demande à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour au titre de l'asile et, à défaut, de statuer à nouveau sur sa demande ;

2°) de faire droit à sa demande de première instance ;

3°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son avocat d'une somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

il soutient que l'administration a porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit d'asile ; qu'en ayant refusé d'admettre sa demande d'asile au motif que son examen relevait de la compétence de la Pologne, l'administration a méconnu les articles 16 et 17 du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003, dès lors qu'il est retourné plus de trois mois dans son pays d'origine et que le délai pour saisir la Pologne est expiré ; que l'ordonnance attaquée n'a pas statué sur ce dernier point ; que le signalement à fin de non admission au système d'information Schengen ne dispense pas l'autorité administrative de statuer sur la demande d'asile ; qu'en vertu de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'étranger qui sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié doit être autorisé à demeurer sur le territoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande ; que la décision attaquée méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'il craint de graves persécutions en Tchétchénie et dans toute la Russie où il est susceptible d'être renvoyé à tout moment en cas de réadmission vers la Pologne ; que la condition d'urgence est ainsi remplie ; qu'en outre, étant exclu du dispositif d'aide aux demandeurs d'asile, il est actuellement sans domicile et sans aucune ressource ;

Vu l'ordonnance attaquée ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 1er mars 2012, présenté par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que la décision du préfet ne porte pas d'atteinte grave et manifestement illégale au droit d'asile ; qu'elle ne méconnaît pas les articles 16 et 17 du règlement du 18 février 2003 ; que la condition d'urgence n'est pas remplie, dès lors que la Pologne, qui a accepté de réexaminer la demande d'asile du requérant, offre aux demandeurs d'asile des garanties pouvant faire obstacle à un refoulement vers leur pays d'origine ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. A et, d'autre part, le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 2 mars 2012 à 12 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Haas, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, avocat de M. A;

- les représentants du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public (...) aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A, ressortissant russe, a été interpellé à Perpignan le 26 septembre 2011 ; qu'après avoir constaté qu'il faisait l'objet d'un signalement aux fins de non admission du système d'information Schengen en vertu d'une décision des autorités polonaises du 20 juillet 2011, le préfet des Pyrénées Orientales a pris à son encontre, le 27 septembre 2011, sur le fondement de l'article L. 531-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, un arrêté portant obligation de quitter le territoire français ; que M. A s'est néanmoins présenté, le 22 novembre 2001, à la préfecture de l'Hérault en vue de déposer une demande d'asile et qu'un refus lui a été opposé, fondé sur le caractère incomplet de son dossier au regard des prescriptions de l'article R. 741-2 du même code ; qu'après avoir vainement tenté de retourner à la préfecture de l'Hérault, le 6 décembre suivant, l'intéressé a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier d'une demande tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de l'Hérault d'enregistrer sa demande d'asile et de lui délivrer l'autorisation provisoire de séjour prévue à l'article L. 742-1 du même code ; que, par une ordonnance du 13 janvier 2012, le juge des référés du Conseil d'État a rejeté sa requête en appel de l'ordonnance du 22 décembre 2011 du premier juge ayant rejeté cette demande, le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration ayant produit une convocation du requérant en préfecture, le 17 janvier 2012, afin qu'il dépose un dossier complet de demande d'asile et qu'il puisse être procédé au relevé de ses empreintes digitales dans le but de déterminer si la France est ou non responsable de l'examen de sa demande d'asile ; que, M. A s'étant rendu à cette convocation, la consultation du fichier Eurodac a permis de constater que ses empreintes avaient déjà été relevées le 5 novembre 2010 par les autorités polonaises ; que celles-ci ont été saisies le 27 janvier 2012 aux fins de reprise en charge ; que, par une décision du même jour, le préfet de l'Hérault lui a refusé son admission au séjour au titre de l'asile ; que, le 1er février 2012, les autorités polonaises ont confirmé cette prise en charge ;

Considérant que M. A relève appel de l'ordonnance du 14 février 2012 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à ce que soit ordonné la suspension de la décision du 27 janvier 2012 ; que, cette demande ayant été présentée sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, afin de faire cesser, en urgence, l'atteinte grave et manifestement illégale que cette décision aurait, selon le requérant, portée au droit d'asile, il en résulte, d'une part, que les moyens tendant à mettre en cause la légalité des décisions antérieurement prises par l'administration à son encontre, notamment de l'arrêté du 27 septembre 2011 portant obligation de quitter le territoire français, sont inopérants et, d'autre part, que le juge des référés ne peut faire droit à une demande présentée sur un tel fondement qu'à la condition, notamment, que les illégalités dont serait, selon le requérant, entaché le refus de l'admettre au séjour au titre de l'asile présentent un caractère manifeste ;

Considérant qu'en vertu du 1° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile peut être refusée si l'examen de la demande d'asile relève de la compétence d'un autre État en application du règlement du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers ; que, d'une part, l'article 16 de ce règlement définit dans son paragraphe 1 les obligations qui pèsent sur l'État membre qui est responsable de l'examen d'une demande d'asile et mentionne différents cas de reprise en charge, notamment celui, régi par le e), où le ressortissant d'un pays tiers dont l'État membre responsable a rejeté la demande d'asile, se trouve, sans en avoir reçu la permission, sur le territoire d'un autre État membre ; qu'il résulte toutefois du paragraphe 3 du même article que les obligations pesant sur l'État membre responsable cessent de produire effet quand l'intéressé a quitté le territoire des États membres pendant une durée d'au moins trois mois, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité délivré par l'État membre responsable ; que, d'autre part, il découle du paragraphe 1 de l'article 17 du même règlement que l'État membre auprès duquel une demande d'asile a été introduite et qui estime qu'un autre État membre est responsable de l'examen de cette demande dispose d'un délai de trois mois après l'introduction de la demande d'asile pour requérir cet État aux fins de prise en charge, faute de quoi la responsabilité de l'examen de cette demande d'asile incombe à l'État membre auprès duquel elle a été introduite ;

Considérant, en premier lieu, que si M.A soutient que la Pologne a cessé d'être responsable de l'examen de sa demande d'asile par application du paragraphe 3 du l'article 16 du règlement du 18 février 2003 et produit à cet effet des pièces tendant à établir la réalité et la durée du séjour qu'il déclare avoir effectué dans son pays d'origine avant son arrivée en France, ces documents, notamment celui qui se présente comme une carte d'identité provisoire mentionnant une date d'expiration au 5 octobre 2011, sans qu'il soit possible d'en déterminer la date de délivrance, ne sont pas de nature à établir que l'administration aurait commis une illégalité manifeste en estimant que la condition posée par le paragraphe 3 du l'article 16 du règlement du 18 février 2003 n'était pas remplie et que, par suite, la Pologne demeurait responsable de l'examen de la nouvelle demande d'asile présentée par l'intéressé ;

Considérant, en deuxième lieu, que, dans les circonstances de l'espèce rappelées ci-dessus, et eu égard notamment au fait que la demande d'asile présentée par M. A n'a pu être regardée comme complète, au regard des prescriptions de l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que le 17 janvier 2012, il n'apparaît pas non plus que l'administration ait manifestement méconnu l'article 17 du même règlement en ne prenant pas en compte une date antérieure pour apprécier si le délai imparti à la France pour saisir les autorités polonaises aux fins de réadmission était ou non expiré le 27 janvier ;

Considérant, enfin, que le requérant ne fait état d'aucun élément précis de nature à établir qu'il risquerait d'être soumis en Pologne à des traitements prohibés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, alors que cet État membre de l'Union Européenne est partie à cette convention et a ratifié la convention de Genève et ses protocoles additionnels ; qu'ainsi M. A n'est pas fondé à invoquer une illégalité manifeste au regard de l'article 3 de la convention européenne ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, qui est suffisamment motivée, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a estimé que l'administration n'avait pas porté d'atteinte manifestement illégale à son droit d'asile et a, en conséquence, rejeté sa demande ; que, par suite, et sans qu'il y ait lieu de l'admettre provisoirement à l'aide juridictionnelle, sa requête doit être rejeté, y compris les conclusions de son avocat tendant au bénéfice des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Scheikh-Magomed A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 357129
Date de la décision : 02/03/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 02 mar. 2012, n° 357129
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jacques Arrighi de Casanova
Avocat(s) : HAAS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:357129.20120302
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