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07/03/2012 | FRANCE | N°335046

France | France, Conseil d'État, 3ème et 8ème sous-sections réunies, 07 mars 2012, 335046


Vu le pourvoi, enregistré le 28 décembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT ; le ministre demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt n° 07MA01104 du 3 novembre 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille, après avoir annulé le jugement n° 0203415 du 5 décembre 2006 du tribunal administratif de Montpellier en tant qu'il statue sur la demande de la société Alimentation générale de la Cigale, a déchargé cette dernière des cotisations sup

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Vu le pourvoi, enregistré le 28 décembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT ; le ministre demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt n° 07MA01104 du 3 novembre 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille, après avoir annulé le jugement n° 0203415 du 5 décembre 2006 du tribunal administratif de Montpellier en tant qu'il statue sur la demande de la société Alimentation générale de la Cigale, a déchargé cette dernière des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 1996, ainsi que des pénalités correspondantes ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 et le code de commerce ;

Vu le code de justice administrative

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, Auditeur,

- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la société Alimentation générale de la Cigale,

- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la société Alimentation générale de la Cigale,

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à l'issue d'une vérification de la comptabilité de l'EURL Cigale Distribution portant sur l'exercice 1996, l'administration fiscale a remis en cause le bénéfice du régime de l'intégration fiscale prévu par les articles 223 A à 223 Q du code général des impôts, pour lequel l'EURL Cigale Distribution avait opté en tant que société mère d'un groupe constitué avec les sociétés Alimentation générale du Mail (AGM) et Alimentation générale de la Cigale (AGC) ; qu'à la suite de cette remise en cause, les sociétés AGM et AGC ont été assujetties à des cotisations d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt au titre de l'exercice 1996 ; que l'EURL Cigale Distribution et les sociétés AGM et AGC ont introduit une demande collective devant le tribunal administratif de Montpellier tendant à la reconnaissance du bénéfice du régime de l'intégration fiscale et à la décharge, en conséquence, des impositions supplémentaires mises à la charge des sociétés AGM et AGC ; que le tribunal administratif de Montpellier a, par un unique jugement du 5 décembre 2006, rejeté cette demande ; que, par un arrêt du 3 novembre 2009, contre lequel le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé le jugement du 5 décembre 2006 en tant qu'il a statué sur la demande présentée par la société Alimentation générale de la Cigale puis, évoquant l'affaire, a déchargé cette société des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle mises à sa charge au titre de l'exercice 1996, ainsi que des pénalités correspondantes ;

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que la cour administrative d'appel de Marseille, saisie d'une requête d'appel unique présentée par l'EURL Cigale Distribution, la société AGM et la société AGC, dirigée contre le jugement du 5 décembre 2006 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a statué sur la demande collective de ces trois contribuables, a invité les sociétés AGM et AGC à régulariser leur action par la production de requêtes distinctes de celle de l'EURL, premier requérant nommé ; que chacune de ces deux sociétés a produit une requête demandant l'annulation du jugement attaqué et la décharge des suppléments d'impôt en litige la concernant ; que la cour a, par trois arrêts, annulé le jugement du tribunal administratif de Montpellier au motif que celui-ci avait statué par une décision unique sur des conclusions présentées par des contribuables distincts, et réglé séparément chaque affaire ; que, si les conclusions de la société AGC devant le tribunal administratif de Montpellier étaient irrecevables en tant qu'elles étaient présentées dans le cadre d'une demande émanant simultanément de plusieurs contribuables, elles ont été reprises en cause d'appel par une requête distincte devant la cour, sur invitation de celle-ci, en vue de la régularisation de l'action de cette société ; que ces conclusions étaient dès lors recevables devant la cour administrative d'appel de Marseille statuant par voie d'évocation après annulation du jugement du 5 décembre 2006 ; que, par suite, le ministre n'est pas fondé à soutenir que la cour, qui n'était pas tenue de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif au lieu d'évoquer le litige, aurait entaché d'irrégularité son arrêt en statuant, après évocation, sur la demande présentée par la société AGC devant le tribunal administratif de Montpellier, sans avoir préalablement invité cette société à régulariser cette demande ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 223 A du code général des impôts dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " Une société, dont le capital n'est pas détenu à 95 p. 100 au moins directement ou indirectement, par une autre personne morale passible de l'impôt sur les sociétés, peut se constituer seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur l'ensemble des résultats du groupe formé par elle-même et les sociétés dont elle détient 95 p. 100 au moins du capital, de manière continue au cours de l'exercice, directement ou indirectement par l'intermédiaire de sociétés du groupe. /(...). Cette option est notifiée avant la date d'ouverture de l'exercice au titre duquel le régime défini au présent article s'applique (...) " ; que l'article 46 quater-0 ZF de l'annexe III au code général des impôts dispose : " Pour l'application des dispositions de l'article 223 A du code général des impôts, la détention de 95 p. 100 au moins du capital d'une société s'entend de la détention en pleine propriété de 95 p. 100 au moins des droits à dividendes et de 95 p. 100 au moins des droits de vote attachés aux titres émis par cette société. / Les droits détenus indirectement s'entendent des droits détenus par l'intermédiaire d'une chaîne de participation (...) " ; que, par ailleurs, aux termes de l'article 5 de la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales, désormais codifié à l'article L. 210-6 du code de commerce : " Les sociétés commerciales jouissent de la personnalité morale à dater de leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés. (...) / Les personnes qui ont agi au nom d'une société en formation avant qu'elle ait acquis la jouissance de la personnalité morale sont tenues solidairement et indéfiniment responsables des actes ainsi accomplis, à moins que la société, après avoir été régulièrement constituée et immatriculée, ne reprenne les engagements souscrits. Ces engagements sont alors réputés avoir été souscrits à l'origine par la société. " ;

Considérant que les conditions que doit respecter une société qui entend se constituer seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur l'ensemble des résultats du groupe formé par elle-même et les sociétés dont elle détient 95 p. 100 au moins du capital, doivent être remplies à la date du fait générateur de l'imposition qui, pour l'imposition des bénéfices d'un exercice, est celle de sa clôture ; qu'il résulte des dispositions citées ci-dessus que, lorsque 95 p. 100 au moins du capital d'autres sociétés ont été acquis avant le début d'un exercice par une personne physique au nom d'une société en formation pour le compte de laquelle une option pour le régime de l'intégration fiscale a été présentée dans le délai légal, que cette société reprend rétroactivement, après son immatriculation au cours de l'exercice, en vertu de l'article 5 de la loi du 24 juillet 1966, ces engagements, qui sont ainsi réputés avoir été souscrits initialement par elle, et qu'elle conserve les titres acquis jusqu'à la clôture de l'exercice, cette société doit être regardée, pour l'application de l'article 223 A du code général des impôts, comme ayant détenu le capital des autres sociétés du groupe de manière continue depuis la date d'ouverture de l'exercice jusqu'à la date de sa clôture ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la cour aurait commis une erreur de droit en jugeant qu'alors même que l'EURL Cigale Distribution avait été immatriculée le 3 janvier 1996, elle devait être regardée, pour l'application de l'article 223 A du code général des impôts, comme ayant, du fait de la reprise des engagements conclus en son nom par M. Campo, détenu de manière continue 95 p. 100 au moins du capital des sociétés AGM et AGC durant l'exercice ouvert le 1er janvier 1996 et clos le 31 décembre 1996 et qu'elle avait pu, dès lors, bénéficier dès cet exercice du régime de l'intégration fiscale prévue par ces dispositions, doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la société Alimentation générale de la Cigale au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera 3 000 euros à la société Alimentation générale de la Cigale au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT, PORTE-PAROLE DU GOUVERNEMENT et à la société Alimentation générale de la Cigale.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES - RÈGLES GÉNÉRALES - IMPÔT SUR LES BÉNÉFICES DES SOCIÉTÉS ET AUTRES PERSONNES MORALES - DÉTERMINATION DU BÉNÉFICE IMPOSABLE - CONDITION DE DÉTENTION DES TITRES À LA DATE DU FAIT GÉNÉRATEUR DE L'IMPÔT - APPRÉCIATION SELON LES RÈGLES DU DROIT COMMERCIAL (ART - L - 210-6 DU CODE DE COMMERCE) [RJ1].

19-04-01-04-03-01 Les conditions que doit respecter une société qui entend se constituer seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur l'ensemble des résultats du groupe formé par elle-même et les sociétés dont elle détient 95 p. 100 au moins du capital, doivent être remplies à la date du fait générateur de l'imposition qui, pour l'imposition des bénéfices d'un exercice, est celle de sa clôture. Lorsque 95 p. 100 au moins du capital d'autres sociétés ont été acquis avant le début d'un exercice par une personne physique au nom d'une société en formation pour le compte de laquelle une option pour le régime de l'intégration fiscale a été présentée dans le délai légal, que cette société reprend rétroactivement, après son immatriculation au cours de l'exercice, en vertu de l'article 5 de la loi du 24 juillet 1966, désormais codifié à l'article L. 210-6 du code de commerce, ces engagements, qui sont ainsi réputés avoir été souscrits initialement par elle, et qu'elle conserve les titres acquis jusqu'à la clôture de l'exercice, cette société doit être regardée, pour l'application de l'article 223 A du code général des impôts, comme ayant détenu le capital des autres sociétés du groupe de manière continue depuis la date d'ouverture de l'exercice jusqu'à la date de sa clôture.

PROCÉDURE - VOIES DE RECOURS - APPEL - POSSIBILITÉ - POUR PLUSIEURS CONTRIBUABLES AYANT PRÉSENTÉ UNE REQUÊTE UNIQUE EN PREMIÈRE INSTANCE - DE RÉGULARISATION PAR LA PRODUCTION EN APPEL DE REQUÊTES DISTINCTES - EXISTENCE.

54-08-01 Des contribuables ayant présenté une seule requête en première instance peuvent procéder à une régularisation en présentant chacun une requête d'appel. La cour, après évocation, peut ainsi statuer régulièrement sur les conclusions en décharge initialement présentées.


Références :

[RJ1]

Voir aussi décision du même jour, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat c/ Société alimentation générale du Mail, n° 335047, inédite au Recueil.


Publications
Proposition de citation: CE, 07 mar. 2012, n° 335046
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Christian Vigouroux
Rapporteur ?: Mme Emilie Bokdam-Tognetti
Rapporteur public ?: M. Vincent Daumas
Avocat(s) : SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER

Origine de la décision
Formation : 3ème et 8ème sous-sections réunies
Date de la décision : 07/03/2012
Date de l'import : 23/03/2016

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 335046
Numéro NOR : CETATEXT000025469049 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2012-03-07;335046 ?
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