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08/03/2012 | FRANCE | N°343273

France | France, Conseil d'État, 2ème et 7ème sous-sections réunies, 08 mars 2012, 343273


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 13 septembre et 13 décembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'ASSOCIATION RACING CLUB DE CANNES VOLLEY, dont le siège est 62, boulevard de la Croisette, CS 80038 à Cannes (06414), représentée par sa présidente ; l'association requérante demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le règlement de la Ligue nationale de volley applicable à compter de la saison 2010/2011, en tant qu'il impose l'inscription sur la feuille de match des compétitions o

fficielles de la Ligue A féminine d'un minimum de joueuses " issues de l...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 13 septembre et 13 décembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'ASSOCIATION RACING CLUB DE CANNES VOLLEY, dont le siège est 62, boulevard de la Croisette, CS 80038 à Cannes (06414), représentée par sa présidente ; l'association requérante demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le règlement de la Ligue nationale de volley applicable à compter de la saison 2010/2011, en tant qu'il impose l'inscription sur la feuille de match des compétitions officielles de la Ligue A féminine d'un minimum de joueuses " issues de la formation française " ;

2°) de mettre à la charge de la Ligue nationale de volley la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

Vu le code du sport ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. David Gaudillère, Auditeur,

- les observations de la SCP Monod, Colin, avocat de l'ASSOCIATION RACING CLUB DE CANNES VOLLEY et de la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, avocat de la Ligue nationale de volley,

- les conclusions de M. Damien Botteghi, rapporteur public,

La parole ayant à nouveau été donnée à la SCP Monod, Colin, avocat de l'ASSOCIATION RACING CLUB DE CANNES VOLLEY et de la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, avocat de la Ligue nationale de volley ;

Considérant que, par une décision du 2 avril 2010, le comité directeur de la Ligue nationale de volley a modifié les règles de participation aux compétitions officielles organisées par la Ligue à compter de la saison 2010/2011 ; que ces dispositions réglementaires prévoient notamment que les clubs de Ligue A féminine de volley doivent inscrire sur leurs feuilles de match un minimum de quatre " joueuses issues de la formation française " pour la saison 2010/2011, puis un minimum de cinq pour la saison 2011/2012, pour un maximum de douze joueuses inscrites sur les feuilles de match ; que l'ASSOCIATION RACING CLUB DE CANNES VOLLEY demande l'annulation pour excès de pouvoir de ces dispositions ;

Considérant qu'aux termes du 2° de l'article 15 des statuts de la Ligue nationale de volley, le comité directeur ne peut délibérer valablement que si le tiers au moins de ses membres est présent ; qu'il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal de la réunion du comité directeur du 2 avril 2010, que vingt des vingt-cinq membres du comité directeur étaient présents lors de cette réunion ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le quorum n'aurait pas été atteint lors de la réunion du 2 avril 2010 manque en fait ;

Considérant que les dispositions attaquées imposent aux clubs participant aux compétitions organisées par la Ligue de faire jouer un nombre minimum de " joueuses issues de la formation française ", c'est-à-dire de joueuses ayant soit obtenu leur première licence de volley-ball en France, soit passé un minimum de trois années dans un centre de formation d'un club professionnel (CFCP), soit été licenciées pendant au moins cinq saisons avant celle au cours de laquelle elles ont atteint la catégorie d'âge " Espoir ", c'est-à-dire leur vingtième anniversaire, soit été naturalisées avant le 30 juin 2010 ;

Considérant que l'ASSOCIATION RACING CLUB DE CANNES VOLLEY soutient que ces dispositions créent entre les joueuses des discriminations indirectement fondées sur la nationalité et méconnaissent ainsi les dispositions du titre III du règlement de la Fédération française de volley-ball, qui prévoient une règle d'équivalence entre les titulaires d'une licence avec mention " Française " et les titulaires d'une licence avec mention " UE " (Union européenne) ou " AFR " (étrangères assimilées françaises), le principe d'égalité, le principe de libre accès aux activités sportives résultant des dispositions de l'article L. 100-1 du code du sport et le principe de libre circulation des travailleurs résultant des dispositions de l'article 45 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

Considérant que les dispositions litigieuses, en tant qu'elles concernent les joueuses naturalisées avant le 30 juin 2010, créent entre les joueuses susceptibles de participer aux compétitions organisées par la Ligue nationale de volley une discrimination directement fondée sur la nationalité, qui n'est justifiée par aucune considération d'intérêt général et notamment pas par les besoins de formation des joueuses ; qu'elles sont, par suite, entachées d'illégalité et doivent être annulées ;

Considérant, en revanche, que les dispositions de ce règlement, en tant qu'elles concernent les autres catégories de " joueuses issues de la formation française ", sont indistinctement applicables aux joueuses, quelle que soit leur nationalité, et n'introduisent ainsi aucune discrimination directement fondée sur la nationalité ; qu'à supposer que les conditions qu'elles posent puissent être plus facilement remplies par des joueuses de nationalité française que par les joueuses d'autres nationalités et soient ainsi susceptibles d'avoir des effets indirectement discriminatoires selon la nationalité des joueuses, il ressort des pièces du dossier que ces dispositions sont destinées à permettre aux joueuses formées sous l'égide de la fédération nationale, notamment dans les centres de formation professionnelle des clubs affiliés à cette fédération, de développer leur pratique de haut niveau et d'améliorer leurs chances de recrutement dans les clubs professionnels ; que ces objectifs de formation et de promotion des jeunes joueuses constituent des raisons impérieuses d'intérêt général ; que le seuil minimal de quatre joueuses issues de la formation française prévu pour la saison 2010/2011, puis de cinq joueuses pour la saison 2011/2012, est nécessaire et proportionné aux objectifs poursuivis, compte tenu de la possibilité pour un club d'inscrire sur la feuille de match jusqu'à sept joueuses non issues de la formation française ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les dispositions en cause méconnaîtraient les dispositions du titre III du règlement de la Fédération française de volley-ball, le principe d'égalité, le principe de libre accès aux activités sportives ainsi que le principe de libre circulation des travailleurs doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'ASSOCIATION RACING CLUB DE CANNES VOLLEY n'est fondée à demander l'annulation des dispositions du règlement de la Ligue nationale de volley adoptées par son comité directeur le 2 avril 2010 qu'en tant seulement qu'elles prévoient que les joueuses naturalisées avant le 30 juin 2010 doivent être regardées comme des joueuses issues de la formation française ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les parties au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les dispositions du règlement de la Ligue nationale de volley modifié par la décision de son comité directeur du 2 avril 2010 sont annulées en tant qu'elles prévoient que les joueuses naturalisées avant le 30 juin 2010 doivent être regardées comme des joueuses issues de la formation française.

Article 2 : Le surplus de la requête de l'ASSOCIATION RACING CLUB DE CANNES VOLLEY est rejeté.

Article 3 : Les conclusions présentées par la Ligue nationale de volley au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'ASSOCIATION RACING CLUB DE CANNES VOLLEY et à la Ligue nationale de volley. Copie en sera adressée pour information au Comité national olympique sportif français et au ministre des sports.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITÉ DES ACTES ADMINISTRATIFS - VIOLATION DIRECTE DE LA RÈGLE DE DROIT - TRAITÉS ET DROIT DÉRIVÉ - DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE (VOIR AUSSI : COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES ET UNION EUROPÉENNE) - PRINCIPE DE LIBRE CIRCULATION DES TRAVAILLEURS - ABSENCE DE VIOLATION - RÈGLES DE PARTICIPATION AUX COMPÉTITIONS OFFICIELLES ORGANISÉES PAR LA LIGUE NATIONALE DE VOLLEY - OBLIGATION D'INSCRIRE SUR LA FEUILLE DE MATCH UN NOMBRE MINIMUM DE JOUEUSES ISSUES DE LA FORMATION FRANÇAISE - QUELLE QUE SOIT LEUR NATIONALITÉ [RJ1].

01-04-01-01 Règlement de la Ligue nationale de volley imposant l'inscription sur la feuille de match des compétitions officielles de la Ligue A féminine d'un minimum de « joueuses issues de la formation française » (JIFF), c'est-à-dire de joueuses ayant soit obtenu leur première licence de volley-ball en France, soit passé un minimum de trois années dans un centre de formation d'un club professionnel, soit été licenciées pendant au moins cinq saisons avant leur vingtième anniversaire, soit été naturalisées avant le 30 juin 2010.... ...Si les dispositions relatives aux joueuses naturalisées avant le 30 juin 2010 constituent une discrimination directement fondée sur la nationalité, les conditions posées pour les autres catégories de JIFF, en revanche, à supposer même qu'elles puissent être plus facilement remplies par des joueuses de nationalité française que par des joueuses d'autres nationalités et soient ainsi susceptibles d'avoir des effets indirectement discriminatoires selon la nationalité des joueuses, sont justifiées par des motifs impérieux d'intérêt général, à savoir permettre aux joueuses formées sous l'égide de la fédération nationale de développer leur pratique de haut niveau et d'améliorer leurs chances de recrutement dans les clubs professionnels. Ainsi, et dès lors que le seuil minimal de joueuses est nécessaire et proportionné aux objectifs poursuivi, ces mesures ne méconnaissent pas le principe de libre circulation des travailleurs.

COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES ET UNION EUROPÉENNE - RÈGLES APPLICABLES - LIBERTÉS DE CIRCULATION - LIBRE CIRCULATION DES PERSONNES - MÉCONNAISSANCE - ABSENCE - RÈGLES DE PARTICIPATION AUX COMPÉTITIONS OFFICIELLES ORGANISÉES PAR LA LIGUE NATIONALE DE VOLLEY - OBLIGATION D'INSCRIRE SUR LA FEUILLE DE MATCH UN NOMBRE MINIMUM DE JOUEUSES ISSUES DE LA FORMATION FRANÇAISE - QUELLE QUE SOIT LEUR NATIONALITÉ [RJ1].

15-05-01-01-01 Règlement de la Ligue nationale de volley imposant l'inscription sur la feuille de match des compétitions officielles de la Ligue A féminine d'un minimum de « joueuses issues de la formation française » (JIFF), c'est-à-dire de joueuses ayant soit obtenu leur première licence de volley-ball en France, soit passé un minimum de trois années dans un centre de formation d'un club professionnel, soit été licenciées pendant au moins cinq saisons avant leur vingtième anniversaire, soit été naturalisées avant le 30 juin 2010.... ...Si les dispositions relatives aux joueuses naturalisées avant le 30 juin 2010 constituent une discrimination directement fondée sur la nationalité, les conditions posées pour les autres catégories de JIFF, en revanche, à supposer même qu'elles puissent être plus facilement remplies par des joueuses de nationalité française que par des joueuses d'autres nationalités et soient ainsi susceptibles d'avoir des effets indirectement discriminatoires selon la nationalité des joueuses, sont justifiées par des motifs impérieux d'intérêt général, à savoir permettre aux joueuses formées sous l'égide de la fédération nationale de développer leur pratique de haut niveau et d'améliorer leurs chances de recrutement dans les clubs professionnels. Ainsi, et dès lors que le seuil minimal de joueuses est nécessaire et proportionné aux objectifs poursuivi, ces mesures ne méconnaissent pas le principe de libre circulation des travailleurs.

SPORTS ET JEUX - SPORTS - FÉDÉRATIONS SPORTIVES - ORGANISATION DES COMPÉTITIONS - VOLLEY - RÈGLES DE PARTICIPATION AUX COMPÉTITIONS OFFICIELLES ORGANISÉES PAR LA LIGUE NATIONALE DE VOLLEY - OBLIGATION D'INSCRIRE SUR LA FEUILLE DE MATCH UN NOMBRE MINIMUM DE JOUEUSES ISSUES DE LA FORMATION FRANÇAISE - QUELLE QUE SOIT LEUR NATIONALITÉ - MÉCONNAISSANCE DU PRINCIPE DE LIBRE CIRCULATION DES TRAVAILLEURS - ABSENCE [RJ1].

63-05-01-04 Règlement de la Ligue nationale de volley imposant l'inscription sur la feuille de match des compétitions officielles de la Ligue A féminine d'un minimum de « joueuses issues de la formation française » (JIFF), c'est-à-dire de joueuses ayant soit obtenu leur première licence de volley-ball en France, soit passé un minimum de trois années dans un centre de formation d'un club professionnel, soit été licenciées pendant au moins cinq saisons avant leur vingtième anniversaire, soit été naturalisées avant le 30 juin 2010.... ...Si les dispositions relatives aux joueuses naturalisées avant le 30 juin 2010 constituent une discrimination directement fondée sur la nationalité, les conditions posées pour les autres catégories de JIFF, en revanche, à supposer même qu'elles puissent être plus facilement remplies par des joueuses de nationalité française que par des joueuses d'autres nationalités et soient ainsi susceptibles d'avoir des effets indirectement discriminatoires selon la nationalité des joueuses, sont justifiées par des motifs impérieux d'intérêt général, à savoir permettre aux joueuses formées sous l'égide de la fédération nationale de développer leur pratique de haut niveau et d'améliorer leurs chances de recrutement dans les clubs professionnels. Ainsi, et dès lors que le seuil minimal de joueuses est nécessaire et proportionné aux objectifs poursuivi, ces mesures ne méconnaissent pas le principe de libre circulation des travailleurs.


Références :

[RJ1]

Rappr. CJUE, 15 décembre 1995, Bosman, aff. C-415/93.


Publications
Proposition de citation: CE, 08 mar. 2012, n° 343273
Publié au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. David Gaudillère
Rapporteur public ?: M. Damien Botteghi
Avocat(s) : SCP BARTHELEMY, MATUCHANSKY, VEXLIARD ; SCP MONOD, COLIN

Origine de la décision
Formation : 2ème et 7ème sous-sections réunies
Date de la décision : 08/03/2012
Date de l'import : 23/03/2016

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 343273
Numéro NOR : CETATEXT000025469061 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2012-03-08;343273 ?
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