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12/03/2012 | FRANCE | N°337297

France | France, Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 12 mars 2012, 337297


Vu le pourvoi sommaire, le mémoire complémentaire et le nouveau mémoire, enregistrés les 5 mars, 7 juin et 24 novembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Ludovic A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 0900106 du 17 novembre 2009 par lequel le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté n° 2507/PR du 24 juillet 2008 du président de la Polynésie française en tant qu'il prévoit une retenue de 20 % sur le remboursement des frais de t

ransport pour lui et sa famille et sur le montant de l'indemnité forfaita...

Vu le pourvoi sommaire, le mémoire complémentaire et le nouveau mémoire, enregistrés les 5 mars, 7 juin et 24 novembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Ludovic A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 0900106 du 17 novembre 2009 par lequel le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté n° 2507/PR du 24 juillet 2008 du président de la Polynésie française en tant qu'il prévoit une retenue de 20 % sur le remboursement des frais de transport pour lui et sa famille et sur le montant de l'indemnité forfaitaire de changement de résidence et ne lui a pas appliqué la majoration prévue au II de l'article 24 du décret du 22 septembre 1998 ;

2°) statuant au fond, de faire droit à sa demande présentée devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de la Polynésie française la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;

Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Vu le décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 ;

Vu le décret n° 98-844 du 22 septembre 1998 ;

Vu la délibération n° 98-145 APF du 10 septembre 1998 de l'assemblée de Polynésie française ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Marc Anton, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de M. A et de la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat du Gouvernement de Polynésie française,

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de M. A et à la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat du Gouvernement de Polynésie française ;

Considérant qu'il résulte des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A, après avoir répondu à un appel à candidatures publié au bulletin officiel des impôts, a été détaché auprès de la Polynésie française par arrêté du 27 juin 2008 du ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique pris sur le fondement du 2° de l'article 14 du décret du 16 septembre 1985 puis, par arrêté du 14 août 2008 du président de la Polynésie française, affecté au service des contributions de cette collectivité à compter du 30 juillet 2008 ; qu'il a vainement contesté l'arrêté du 24 juillet 2008 du président de la Polynésie française fixant à 80 % des sommes engagées le remboursement de ses frais de transport ainsi que ceux de sa famille et opérant un abattement de 20 % sur le montant de son indemnité forfaitaire de changement de résidence ; qu'il se pourvoit en cassation contre le jugement du 17 novembre 2009 par lequel le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Considérant qu'aux termes de l'article 28 de la loi organique du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française : " Lorsque les fonctionnaires des corps de l'Etat pour l'administration de la Polynésie française sont affectés dans l'administration du pays, les décisions relatives à leur situation particulière, à l'exception des décisions d'avancement de grade, ainsi que celles qui se rattachent au pouvoir disciplinaire en ce qui concerne les sanctions des premier et deuxième groupes sont, pendant la durée de leur affectation, prises par l'autorité de la Polynésie française dont ils relèvent, qui décide notamment de leur affectation dans les emplois desdits services et établissements publics " ; que, par délibération du 10 septembre 1998, l'assemblée de Polynésie française a prévu, en matière de couverture des frais de transport et de déménagement, de faire bénéficier les fonctionnaires détachés auprès de cette collectivité des mêmes droits, servis dans les mêmes conditions, que ceux que l'Etat accorde à ses fonctionnaires affectés en Polynésie française ; qu'aux termes de l'article 38 du décret du 22 septembre 1998 fixant les conditions et les modalités de règlement des frais occasionnés par les déplacements des personnels civils de l'Etat à l'intérieur d'un territoire d'outre-mer, entre la métropole et un territoire d'outre-mer, entre deux territoires d'outre-mer et entre un territoire d'outre-mer et un département d'outre-mer, la collectivité territoriale de Mayotte ou celle de Saint-Pierre-et-Miquelon : " La prise en charge des frais de changement de résidence décrits au présent titre comporte : / a) La prise en charge des frais de transport des personnes dans les conditions prévues par le décret n° 2006-781 du 3 juillet 2006 fixant les conditions et les modalités de règlement des frais occasionnés par les déplacements temporaires des personnels civils de l'Etat ; / b) L'attribution d'une indemnité forfaitaire de transport de bagages ou de changement de résidence dans les conditions prévues aux articles 39 et 40 ci-dessous. Elle est payable sans application des coefficients de majoration prévus par le décret du 23 juillet 1967 susvisé (...) " ; qu'aux termes du I de l'article 24 du même décret : " L'agent a droit à la prise en charge des frais de changement de résidence mentionnés à l'article 38, majorée de 20 %, lorsque le changement de résidence est rendu nécessaire par (...) 2° Un changement d'affectation pour pourvoir à un emploi vacant pour lequel aucune candidature n'a été présentée ou lorsque l'autorité ayant pouvoir de nomination a écarté toutes les candidatures présentées (...) 3° Une promotion de grade et, par assimilation, a) Une nomination dans un autre corps de même catégorie ou de catégorie supérieure au sens de l'article 29 de la loi du 11 janvier 1984 (...) 4° Une nomination : a) Soit à un emploi prévu par l'article D. 15 du code des pensions civiles et militaires de retraite ; b) Soit à un emploi conduisant à pension d'une administration de l'Etat (...) lorsque le détachement est le principal mode de recrutement de cet emploi (...) " ; qu'aux termes du II du même article : " L'agent a droit à l'indemnité forfaitaire (...), réduite de 20 %, et à la prise en charge des frais (...), limitée à 80 % des sommes engagées, lorsque le changement de résidence est consécutif à : 1° Un changement d'affectation ou un détachement dans un emploi conduisant à pension du code des pensions civiles et militaires de retraite (...) " ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant que, pour juger que, par l'arrêté attaqué, le président de la Polynésie française avait pu légalement fixer à 80 % des sommes engagées le remboursement des frais de transport de M. A et de sa famille et opérer un abattement de 20 % sur le montant de son indemnité forfaitaire de changement de résidence, le tribunal administratif a estimé que le changement de résidence de l'intéressé était consécutif à un détachement dans un emploi conduisant à pension du code des pensions civiles et militaires de retraite, au sens des dispositions du 1° du II de l'article 24 du décret du 22 septembre 1998 ; qu'en statuant ainsi, alors que l'emploi dans lequel M. A a été détaché dans les services du gouvernement de la Polynésie française ne conduit pas à pension de ce code et que ses droits à pension restent déterminés en fonction de la rémunération qu'il percevrait dans son emploi d'origine dans les services de l'Etat, le tribunal administratif a commis une erreur de droit ; que, dès lors, M. A est fondé à demander, pour ce motif, l'annulation du jugement attaqué ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant, en premier lieu, que l'arrêté attaqué ne comporte pas la mention des voies et délais de recours ; qu'ainsi, en vertu de l'article R. 421-5 du code de justice administrative, applicable en Polynésie française en vertu du 6° de l'article 7 de la loi organique du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française, le délai de recours contre cette décision n'a pas couru à compter de sa notification à M. A ; que la demande de M. A, enregistrée le 11 mars 2009, n'est donc pas tardive ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée à cette demande doit être rejetée ;

Considérant, en deuxième lieu, et ainsi qu'il a été mentionné précédemment, que M. A ne relève pas du champ d'application des dispositions du 1° du II de l'article 24 du décret du 22 septembre 1998 ; que, par suite, il est fondé à demander l'annulation de l'arrêté attaqué en tant qu'il prévoit une retenue de 20 % sur le remboursement des frais de transport pour lui et sa famille et sur le montant de l'indemnité forfaitaire de changement de résidence ;

Considérant, en troisième et dernier lieu, que M. A demande, en outre, l'annulation de cet arrêté en tant qu'il l'exclut du bénéfice des dispositions du I de cet article ;

Considérant que si l'appel à candidatures publié au bulletin officiel des impôts prévoyait la prise en charge par l'administration des frais de changement de résidence, sans comporter de restriction dans cette prise en charge, cet appel à candidatures n'émanait pas des services de l'administration polynésienne, seuls compétents pour fixer les modalités de prise en charge des frais de changement de résidence du requérant, mais du ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique ; que, par suite, il n'était, en tout état de cause, pas susceptible d'être interprété comme ayant garanti à M. A la prise en charge intégrale de ces frais ;

Considérant qu'il n'est pas établi qu'aucune candidature n'a été présentée sur l'emploi obtenu par M. A, ni que la Polynésie française ait écarté toutes les candidatures présentées avant le dépôt de sa demande ; qu'ainsi, le requérant n'est pas au nombre des agents mentionnés au 2° du I de l'article 24 du décret du 22 septembre 1998 ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par son détachement, M. A n'a pas été nommé dans un corps de fonctionnaires de la Polynésie française ; qu'ainsi, l'intéressé n'entre pas dans le champ d'application du a du 3° du I de l'article 24 du décret du 22 septembre 1998 ;

Considérant que le détachement du requérant n'est pas une nomination à un emploi prévu par l'article D. 15 du code des pensions civiles et militaires de retraite ni une nomination à un emploi conduisant à pension d'une administration de l'Etat qui est normalement pourvu par voie de détachement prévu au 1° de l'article 14 du décret du 16 septembre 1985, relatif au régime particulier de certaines positions des fonctionnaires de l'Etat et à certaines modalités de cessation définitive de fonction ; que, par suite, M. A ne peut se prévaloir ni du a ni du b du 4° du I de l'article 24 du décret du 22 septembre 1998 ;

Considérant, dès lors, que les conclusions dirigées contre l'arrêté attaqué en tant qu'il exclut M. A du bénéfice d'une prise en charge majorée de ses frais de changement de résidence sur le fondement des dispositions du I de cet article ne peuvent qu'être rejetées ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du gouvernement de la Polynésie française le versement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A la somme que demande le gouvernement de la Polynésie française au titre de ces dispositions ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le jugement du 17 novembre 2009 du tribunal administratif de la Polynésie française est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 24 juillet 2008 du président de la Polynésie française est annulé en tant qu'il prévoit une retenue de 20 % sur le remboursement des frais de transport de M. A et sa famille et sur le montant de l'indemnité forfaitaire de changement de résidence.

Article 3 : Le gouvernement de la Polynésie française versera à M. A la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. A est rejeté.

Article 5 : Les conclusions présentées par le gouvernement de la Polynésie française au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. Ludovic A et au Président de la Polynésie française.

Copie en sera adressée, pour information, au haut-commissaire de la République en Polynésie française.


Synthèse
Formation : 8ème et 3ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 337297
Date de la décision : 12/03/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 12 mar. 2012, n° 337297
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Christian Vigouroux
Rapporteur ?: M. Jean-Marc Anton
Rapporteur public ?: Mme Nathalie Escaut
Avocat(s) : SCP BORE ET SALVE DE BRUNETON ; SCP DE CHAISEMARTIN, COURJON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:337297.20120312
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