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12/03/2012 | FRANCE | N°338678

France | France, Conseil d'État, 6ème sous-section jugeant seule, 12 mars 2012, 338678


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 15 avril 2010 et 6 juillet 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Gisèle A, demeurant au ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 08VE02455 du 4 février 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a annulé, à la demande du préfet de la Seine-Saint-Denis, le jugement n° 0800497 du 5 mai 2008 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté du 8 janvier 2008 portant refus de titre de séjour, obligation

de quitter le territoire français et fixation du pays de destination ;

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Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 15 avril 2010 et 6 juillet 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Gisèle A, demeurant au ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 08VE02455 du 4 février 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a annulé, à la demande du préfet de la Seine-Saint-Denis, le jugement n° 0800497 du 5 mai 2008 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté du 8 janvier 2008 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel du préfet de la Seine-Saint-Denis ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Nadia Bergouniou-Gournay, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,

- les observations de Me Balat, avocat de Mme A,

- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à Me Balat, avocat de Mme A ;

Considérant que par un arrêté préfectoral du 8 janvier 2008, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté la demande de séjour présentée par Mme A et lui a enjoint de quitter le territoire français ; que par un arrêt du 4 février 2010, la cour administrative d'appel de Versailles a annulé, à la demande du préfet, le jugement du 5 mai 2008 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé cet arrêté ; que Mme A se pourvoit en cassation contre cet arrêt ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance./2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des lois et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : "Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...)7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) " ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme Gisèle A, ressortissante de la République du Congo, est entrée régulièrement en France le 30 janvier 2000, avec ses deux enfants, Naela et Igor Gambe, alors respectivement âgés de 10 ans et demi et de 8 ans , qui sont depuis lors scolarisés en France ; qu'elle vit avec eux au domicile de sa soeur Patricia et des trois enfants mineurs de celle-ci ; que ses trois autres frères et soeur, dont deux ont la nationalité française, et leurs parents vivent également en France ; que, bien qu'elle ne justifie pas d'un domicile qui lui soit propre et qu'elle soit actuellement sans emploi, les liens personnels et familiaux de Mme A en France sont tels que la cour administrative d'appel de Versailles, en jugeant que le refus de titre de séjour n'avait pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus et qu'il n'a méconnu, par suite, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a donné aux faits ainsi énoncés une qualification juridique erronée ; que Mme A est, dès lors, fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant qu'il y a lieu pour le Conseil d'Etat de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant que contrairement à ce que soutient le préfet de la Seine-Saint-Denis, le refus opposé à la demande de séjour présentée par Mme A méconnaît, pour les motifs développés ci-dessus, les dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté du 8 janvier 2008 ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à Mme A au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 4 février 2010 est annulé.

Article 2 : La requête présentée par le préfet de la Seine-Saint-Denis devant la cour administrative d'appel de Versailles est rejetée.

Article 3 : L'Etat versera à Mme A la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme Gisèle A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 12 mar. 2012, n° 338678
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : Mme Christine Maugüé
Rapporteur ?: Mme Nadia Bergouniou-Gournay
Rapporteur public ?: M. Xavier de Lesquen
Avocat(s) : BALAT

Origine de la décision
Formation : 6ème sous-section jugeant seule
Date de la décision : 12/03/2012
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 338678
Numéro NOR : CETATEXT000025528937 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2012-03-12;338678 ?
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