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12/03/2012 | FRANCE | N°350958

France | France, Conseil d'État, 6ème sous-section jugeant seule, 12 mars 2012, 350958


Vu la requête, enregistrée le 15 juillet 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présentée pour Mme Isabelle A, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 16 mai 2011 du garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés rejetant sa demande d'intégration dans la magistrature ;

2°) d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur le fondement des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de prononcer une décision sous astreinte sur sa

demande d'intégration dans la magistrature ;

3°) de mettre à la charge d...

Vu la requête, enregistrée le 15 juillet 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présentée pour Mme Isabelle A, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 16 mai 2011 du garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés rejetant sa demande d'intégration dans la magistrature ;

2°) d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur le fondement des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de prononcer une décision sous astreinte sur sa demande d'intégration dans la magistrature ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Nadia Bergouniou-Gournay, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;

Sur la légalité externe de la décision attaquée :

Considérant, d'une part, que Mme Isabelle B, sous-directrice des ressources humaines de la magistrature de la direction des services judiciaires du ministère de la justice et des libertés, a reçu délégation de signature, par arrêté du 17 mars 2011 du Premier ministre et du garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, à l'effet de signer au nom du garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés tous actes et décisions à l'exclusion des décrets ; que, par suite, Mme Isabelle B était compétente pour signer au nom du garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés la décision du 16 mai 2011 rejetant la demande d'intégration de Mme A dans la magistrature ;

Considérant, d'autre part, que l'article 23 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature prévoit la possibilité pour des personnes remplissant certaines conditions d'être nommées directement aux fonctions du premier grade de la hiérarchie judiciaire ; que l'article 25-2 de la même ordonnance dispose que : " Les nominations au titre des articles 22 et 23 interviennent après avis conforme de la commission prévue à l'article 34 " ; que le rejet d'une candidature à l'intégration directe dans la magistrature ne constitue pas le refus d'une autorisation ou d'un avantage dont l'attribution constitue un droit au sens de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ; que dès lors, le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait insuffisamment motivée ne peut qu'être écarté ;

Sur la légalité interne de la décision attaquée :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 28 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 précitée : " Les décrets portant promotion de grade ou nomination aux fonctions de magistrat (...) sont pris par le Président de la République sur proposition du garde des sceaux, ministre de la justice, après avis conforme de la formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature pour ce qui concerne les magistrats du siège et après avis de la formation compétente du Conseil supérieur en ce qui concerne les magistrats du parquet " ; que s'agissant en l'espèce d'un magistrat du parquet, le garde des sceaux, ministre de la justice, qui n'était pas lié par l'avis négatif du Conseil supérieur de la magistrature, n'a méconnu ni les dispositions de l'article 28 cité ci-dessus, ni l'étendue de sa propre compétence en prenant la décision attaquée ;

Considérant, en deuxième lieu, que le ministre de la justice n'est pas tenu de procéder à la nomination d'une personne au titre de l'intégration directe dans la magistrature lorsque l'avis de la commission d'avancement prévu à l'article 25-2 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 est favorable ;

Considérant, en troisième lieu, que l'article 23 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 subordonne la nomination aux fonctions du premier grade de la hiérarchie judiciaire au respect des conditions prévues à l'article 16 de cette même ordonnance ; qu'au nombre de ces conditions, figure celle d'" être de bonne moralité " ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A a été interpellée le 28 octobre 2010 après un accident matériel de la circulation alors que, selon les fonctionnaires de police du neuvième arrondissement de Paris l'ayant appréhendée, elle conduisait en état d'ivresse manifeste et a refusé de se soumettre au dépistage de son alcoolémie ; qu'en estimant que la commission de ces faits, non contestés, ne permettait pas à Mme A de remplir la condition de bonne moralité requise pour son intégration dans la magistrature, le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés n'a ni commis une erreur manifeste d'appréciation, ni méconnu le principe de la présomption d'innocence ;

Considérant, enfin, que le moyen tiré de ce que la décision attaquée révélerait l'existence d'une attitude discriminatoire envers la requérante n'est pas assorti des précisions suffisantes pour permettre d'en apprécier les bien fondé ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision attaquée ; qu'il n'y a pas lieu, par suite, d'enjoindre au ministre de réexaminer la demande d'intégration de Mme A ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que demande Mme A ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme A et au garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 12 mar. 2012, n° 350958
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : Mme Christine Maugüé
Rapporteur ?: Mme Nadia Bergouniou-Gournay
Rapporteur public ?: M. Xavier de Lesquen

Origine de la décision
Formation : 6ème sous-section jugeant seule
Date de la décision : 12/03/2012
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 350958
Numéro NOR : CETATEXT000025528969 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2012-03-12;350958 ?
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