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12/03/2012 | FRANCE | N°354472

France | France, Conseil d'État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 12 mars 2012, 354472


Vu le pourvoi, enregistré le 30 novembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION ; le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1102272 du 10 novembre 2011 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative à la demande de M. A, a, d'une part, ordo

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Vu le pourvoi, enregistré le 30 novembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION ; le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1102272 du 10 novembre 2011 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative à la demande de M. A, a, d'une part, ordonné la suspension de l'exécution de l'arrêté du 31 août 2011 du préfet de la Vienne lui refusant la délivrance d'un document provisoire de séjour en qualité de demandeur d'asile, d'autre part, enjoint au préfet de la Vienne de lui délivrer un titre de séjour provisoire dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'ordonnance sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande présentée par M. A ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 28 février 2012, présentée pour

M. A ;

Vu le règlement (CE) n° 2725/2000 du Conseil du 11 décembre 2000 concernant la création du système " Eurodac " pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace de la convention de Dublin ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Dominique Nuttens, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,

- les observations de Me Spinosi, avocat de M. A et de la Cimade,

- les conclusions de M. Nicolas Boulouis, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à Me Spinosi, avocat de M. A et de la Cimade ;

Considérant que la Cimade a intérêt au maintien de l'ordonnance attaquée ; qu'ainsi son intervention est recevable ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision ou de certains de ses effets lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision " ;

Considérant que, par une ordonnance en date du 10 novembre 2011, le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers a, d'une part, suspendu, à la demande de M. A, l'arrêté en date du 31 août 2011 par lequel le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre provisoire de séjour en qualité de demandeur d'asile, jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur la légalité de cette décision, d'autre part, enjoint au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'ordonnance sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; que le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION se pourvoit en cassation contre cette ordonnance ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par M. A :

Considérant que si M. A soutient que l'absence de mention du nom du signataire ne permet pas de vérifier que le pourvoi présenté par le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION a été signé par une personne ayant reçu délégation à cet effet, il résulte de la régularisation à laquelle a procédé le ministre que le recours a été signé par le sous-directeur du conseil juridique et du contentieux à la direction des libertés publiques et des affaires juridiques du ministère de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration ; qu'il suit de là que la fin de non-recevoir opposée par M. A doit en tout état de cause être écartée ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si: / (...) / 4° La demande d'asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente. Constitue, en particulier, un recours abusif aux procédures d'asile la présentation frauduleuse de plusieurs demandes d'admission au séjour au titre de l'asile sous des identités différentes. Constitue également un recours abusif aux procédures d'asile la demande d'asile présentée dans une collectivité d'outre-mer s'il apparaît qu'une même demande est en cours d'instruction dans un autre Etat membre de l'Union européenne. Constitue une demande d'asile reposant sur une fraude délibérée la demande présentée par un étranger qui fournit de fausses indications, dissimule des informations concernant son identité, sa nationalité ou les modalités de son entrée en France afin d'induire en erreur les autorités. " ; qu'en vertu des dispositions combinées des articles L. 742-5 et L. 723-1 de ce code, dans le cas où l'admission au séjour a été refusée pour l'un des motifs mentionnés au 4° de l'article L. 741-4, l'étranger qui souhaite bénéficier de l'asile peut saisir l'Office français de protection des réfugiés et apatrides de sa demande, laquelle fait l'objet d'un examen prioritaire ;

Considérant que l'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'une décision administrative lorsque l'exécution de celle-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre ; qu'il appartient au juge des référés, saisi d'une demande tendant à la suspension d'une telle décision, d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue ; qu'il lui appartient également, l'urgence s'appréciant objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de chaque espèce, de faire apparaître dans sa décision tous les éléments qui, eu égard notamment à l'argumentation des parties, l'ont conduit à considérer que la suspension demandée revêtait un caractère d'urgence ;

Considérant que l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que l'étranger présent sur le territoire français, dont la demande d'asile entrant dans les cas visés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4 de ce code est rejetée, bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) ; que, par suite, la décision par laquelle le préfet refuse, en application des dispositions des 2° à 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'admettre au séjour un demandeur d'asile, bien qu'elle ait pour conséquence de priver d'effet suspensif l'éventuel recours qu'il pourra former devant la Cour nationale du droit d'asile contre la décision de l'OFPRA si celle-ci rejette sa demande d'asile, n'a aucun effet propre sur son droit au séjour jusqu'à l'intervention de la décision de l'OFPRA ; qu'ainsi, elle ne porte pas, par elle-même, une atteinte suffisamment grave et immédiate à la situation du demandeur d'asile pour que la condition d'urgence soit, sauf circonstances particulières, toujours regardée comme remplie ; qu'en retenant une telle présomption et en jugeant que la condition tenant à l'urgence à suspendre l'exécution de la décision du préfet de la Vienne refusant, sur le fondement du 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'admettre au séjour M. A, devait être regardée comme remplie sans rechercher si M. A justifiait de circonstances particulières caractérisant la nécessité pour lui de bénéficier, à très bref délai, d'une mesure provisoire dans l'attente d'une décision juridictionnelle statuant sur la légalité de la décision litigieuse, le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers a commis une erreur de droit ; que son ordonnance doit dès lors, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, être annulée ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de statuer sur la demande de suspension en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant que les moyens tirés de ce que la décision repose sur une erreur manifeste d'appréciation dès lors que l'impossibilité de prendre ses empreintes résulte de leur détérioration à raison de son activité professionnelle en Libye, que le préfet de la Vienne a méconnu les dispositions de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, faute notamment de prendre en compte sa situation particulière et le certificat médical produit, que la décision repose sur une erreur de fait, l'administration n'apportant pas la preuve du caractère inexploitable de ses empreintes, que l'administration ne saurait tenter de justifier le motif de fraude de sa décision, qu'il n'a pas été mis à même d'expliquer les raisons de l'altération de ses empreintes, et qu'il n'a pas été informé de la procédure suivie, en particulier des conséquences de l'impossibilité de relever ses empreintes, ne sont pas, en l'état de l'instruction, de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision du 31 août 2011 du préfet de la Vienne refusant à M. A la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour en qualité de demandeur d'asile ; qu'ainsi, M. A n'est pas fondé à demander la suspension de cette décision ; que ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'intervention de la Cimade est admise.

Article 2 : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Poitiers du 10 novembre 2011 est annulée.

Article 3 : La demande de suspension de l'exécution de la décision du préfet de la Vienne en date du 31 août 2011, présentée par M. A devant le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers, est rejetée.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE

L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION, à M. Abutalib A et à la Cimade.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 12 mar. 2012, n° 354472
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Christian Vigouroux
Rapporteur ?: M. Jean-Dominique Nuttens
Rapporteur public ?: M. Nicolas Boulouis
Avocat(s) : SPINOSI

Origine de la décision
Formation : 7ème et 2ème sous-sections réunies
Date de la décision : 12/03/2012
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 354472
Numéro NOR : CETATEXT000025528982 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2012-03-12;354472 ?
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