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19/03/2012 | FRANCE | N°346263

France | France, Conseil d'État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 19 mars 2012, 346263


Vu, 1°) sous le n° 346263, le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 31 janvier et 3 mai 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNAUTE URBAINE DE LYON, dont le siège est 20 rue du Lac BP 3103 à Lyon Cedex 03 (69399) ; la COMMUNAUTE URBAINE DE LYON demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 08LY02681 du 25 novembre 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a, sur la requête de la société Eral SA, annulé le jugement n° 0606167 du 25 septembre 2008 du tribunal administratif de Lyon et l'a

condamnée à verser à la société Eral SA la somme de 190 921,63 euros TT...

Vu, 1°) sous le n° 346263, le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 31 janvier et 3 mai 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNAUTE URBAINE DE LYON, dont le siège est 20 rue du Lac BP 3103 à Lyon Cedex 03 (69399) ; la COMMUNAUTE URBAINE DE LYON demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 08LY02681 du 25 novembre 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a, sur la requête de la société Eral SA, annulé le jugement n° 0606167 du 25 septembre 2008 du tribunal administratif de Lyon et l'a condamnée à verser à la société Eral SA la somme de 190 921,63 euros TTC, assortie des intérêts moratoires à compter du 20 janvier 2003, au titre du règlement du solde du marché de travaux du lot n° 4 " façades " passé pour la construction de l'école normale supérieure (ENS) " lettres-sciences humaines " ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter les conclusions d'appel de Me Sapin es qualité de commissaire à l'exécution du plan de cession de la société Eral SA ;

3°) de mettre à la charge de Me Sapin es qualité de commissaire à l'exécution du plan de cession de la société Eral SA le versement d'une somme de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu, 2°) sous le n° 346275, le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 31 janvier et 29 avril 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour ME SAPIN ES QUALITE DE COMMISSAIRE A L'EXECUTION DU PLAN DE CESSION DE LA SOCIETE ERAL SA, dont le siège est 174 rue de Créqui à Lyon (69003) ; ME SAPIN ES QUALITE DE COMMISSAIRE A L'EXECUTION DU PLAN DE CESSION DE LA SOCIETE ERAL SA demande au Conseil d'Etat d'annuler le même arrêt du 25 novembre 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a, sur la requête de la société ERAL SA, annulé le jugement n° 0606167 du 25 septembre 2008 du tribunal administratif de Lyon et limité à 190 921,63 euros TTC, outre les intérêts moratoires à compter du 20 janvier 2003, le montant de la somme que la communauté urbaine de Lyon est condamnée à verser à la société ERAL SA au titre du règlement du solde du marché de travaux du lot n° 4 " façades " passé pour la construction de l'école normale supérieure (ENS) " lettres-sciences humaines " ;

....................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Frédéric Dieu, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la COMMUNAUTE URBAINE DE LYON et de la SCP Ghestin, avocat de ME SAPIN ES QUALITE DE COMMISSAIRE A L'EXECUTION DU PLAN DE CESSION DE LA SOCIETE ERAL SA,

- les conclusions de M. Nicolas Boulouis, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la COMMUNAUTE URBAINE DE LYON et à la SCP Ghestin, avocat de ME SAPIN ES QUALITE DE COMMISSAIRE A L'EXECUTION DU PLAN DE CESSION DE LA SOCIETE ERAL SA ;

Considérant que les pourvois de la COMMUNAUTE URBAINE DE LYON et de ME SAPIN ES QUALITE DE COMMISSAIRE A L'EXECUTION DU PLAN DE CESSION DE LA SOCIETE ERAL SA sont dirigés contre le même arrêt ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une convention en date du 10 octobre 1997, l'Etat a confié à la COMMUNAUTE URBAINE DE LYON la maîtrise d'ouvrage afférente aux travaux de construction de l'Ecole Normale Supérieure - Lettres et Sciences humaines dans le cadre du transfert de cette école à Lyon ; que, par une convention de mandat en date du 12 novembre 1997, la COMMUNAUTE URBAINE DE LYON a confié à la société G3A la réalisation pour son compte de l'opération de construction de cette école ; que le lot n° 4 " façades " a été attribué, par acte d'engagement en date du 8 mars 1999, au groupement d'entreprises solidaires constitué des sociétés Eral et Garrigues dont la société Eral était le mandataire ; que, par un jugement en date du 14 novembre 2000, le tribunal de commerce de Lyon a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société Eral et a désigné Me SAPIN, administrateur judiciaire, en qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement de la société ; que ce dernier est ensuite devenu commissaire à l'exécution du plan de cession de la société Eral ; que, par courrier en date du 22 décembre 2000, Me SAPIN a informé la société G3A, mandataire de la COMMUNAUTE URBAINE DE LYON, que la société n'entendait pas poursuivre le marché ; que les travaux objet du marché, dont la réalisation a été poursuivie et achevée par la seule société Garrigues, ont été réceptionnés le 17 janvier 2001 avec effet au 11 décembre 2000 ; que la société Garrigues a accepté et signé le décompte général du marché le 23 octobre 2002 ; que, cependant, le 29 octobre 2002, Me SAPIN a adressé à la COMMUNAUTE URBAINE DE LYON son projet de décompte final et a, le 11 février 2003, mis en demeure le maître d'ouvrage délégué, la société G3A, puis, le 20 juillet 2005, la COMMUNAUTE URBAINE DE LYON, d'établir le décompte du marché ; que, par l'arrêt attaqué, la cour administrative d'appel de Lyon, après avoir, d'une part, annulé le jugement par lequel le tribunal administratif a rejeté la demande de Me SAPIN tendant à la condamnation de la COMMUNAUTE URBAINE DE LYON à lui verser la somme de 190 921,63 euros au titre du règlement du solde du lot n° 4 et, d'autre part, estimé que la demande de Me SAPIN tendait à l'établissement du solde du décompte général de résiliation de ce marché, a condamné la COMMUNAUTE URBAINE DE LYON à lui verser cette même somme ;

Considérant qu'aux termes de l'article 2.31 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicable au marché litigieux : " Les entrepreneurs groupés sont solidaires lorsque chacun d'entre eux est engagé pour la totalité des obligations qui découlent du marché et doit pallier une éventuelle défaillance de ses cotraitants ; l'un d'entre eux, désigné dans l'acte d'engagement comme mandataire, représente l'ensemble des cotraitants, vis-à-vis du maître de l'ouvrage et du maître d'oeuvre, pour l'exécution du marché. " ; qu'aux termes de l'article 9.72 du même cahier : " Le mandataire ou l'entrepreneur est seul habilité à présenter les projets de décomptes et à accepter le décompte général [...] " ; qu'aux termes de l'article 11.3 du même cahier : " Décompte général - 11.31 - Après le prononcé de la réception par le maître de l'ouvrage, le titulaire dresse le projet de décompte final établissant le montant total des sommes auxquelles il peut prétendre du fait de l'exécution du marché dans son ensemble (...) 11.34 - Le projet de décompte final (...) est accepté ou rectifié par le maître d'oeuvre ; il devient le décompte final " ; qu'aux termes de l'article 11.4 du même document : " Décompte général - Solde - (...) 11.42 - Le décompte général, signé par l'autorité compétente, doit être notifié au titulaire par ordre de service (...) quarante-cinq jours après la date de remise du projet de décompte final (...) 11.44 - Le titulaire doit, dans un délai de quarante-cinq jours compté à partir de la notification du décompte général, le renvoyer au maître de l'ouvrage, revêtu de sa signature, sans ou avec réserves, ou faire connaître les raisons pour lesquelles il refuse de le signer (...) 11.45 - Dans le cas où le titulaire n'a pas renvoyé au maître de l'ouvrage le décompte signé dans le délai de quarante-cinq jours (...), ce décompte général est réputé accepté par lui ; il devient le décompte général et définitif du marché " ; qu'aux termes enfin de l'article 41.1 du même document : " Il peut être mis fin à l'exécution des travaux faisant l'objet du marché, avant l'achèvement de ceux-ci, par une décision de résiliation du marché qui en fixe la date d'effet. / Le règlement du marché est fait alors selon les modalités prévues aux articles 11.3 et 11.4, sous réserve des autres stipulations du présent article (...) " ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que la société Eral, à la suite de sa mise en redressement judicaire, avait renoncé à poursuivre l'exécution des travaux ; que la société Garrigues, seul autre membre du groupement, contractante solidaire de la société Eral, avait achevé les travaux puis accepté et signé le décompte général le 23 octobre 2002 ; qu'il résulte des dispositions de l'article 9-72 du CCAG applicable au marché litigieux, que, d'une part, en raison du renoncement de la société Eral et de la poursuite des travaux par son cotraitant solidaire, ce dernier devenait le mandataire du groupement, seul habilité à présenter les projets de décomptes et à accepter et signer le décompte général ; que, d'autre part, l'acceptation et la signature par la société Garrigues, devenue mandataire du groupement, du décompte général, avait donné à celui-ci un caractère définitif pour les deux membres du groupement ; que, par suite, en jugeant que l'acceptation et la signature par la société Garrigues du décompte général du marché, notifié par la COMMUNAUTE URBAINE DE LYON, ne faisait pas obstacle à ce que Me SAPIN demandât l'établissement du solde d'un décompte général de résiliation du marché, en ce qui concernait cette société, sur le fondement des dispositions des articles 11.3, 11.4 et 41.1 du CCAG, la cour administrative d'appel de Lyon a commis une erreur de droit ; que, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, son arrêt doit être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par courrier en date du 22 décembre 2000, Me SAPIN a informé la société G3A, mandataire de la COMMUNAUTE URBAINE DE LYON, que la société n'entendait pas poursuivre l'exécution du marché ; que cette renonciation, qui faisait obstacle à ce que cette société demeurât le mandataire du groupement solidaire qu'elle avait constitué avec la société Garrigues, a nécessairement eu pour effet, en l'absence d'autre cotraitant, de transférer le mandat à cette dernière, laquelle a poursuivi et achevé seule les travaux objet du marché conclu avec la COMMUNAUTE URBAINE DE LYON ; qu'il appartenait en conséquence à la seule société Garrigues d'établir, pour le compte du groupement, le projet de décompte final du marché ; que, par suite, en l'absence de résiliation du marché et eu égard à l'acceptation sans réserves du décompte général du marché par la société Garrigues le 23 octobre 2002, Me SAPIN n'est pas fondé à soutenir que le décompte accepté par la société Garrigues n'est pas opposable à la société Eral et à demander au profit de cette dernière l'établissement du solde du décompte général de résiliation de ce marché sur le fondement des dispositions des articles 11.3, 11.4 et 41.1 du cahier des clauses administratives générales applicable au marché litigieux ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que ME SAPIN ES QUALITE DE COMMISSAIRE A L'EXECUTION DU PLAN DE CESSION DE LA SOCIETE ERAL SA n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement dont il a relevé appel, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la COMMUNAUTE URBAINE DE LYON à lui verser la somme de 190 921,63 euros au titre du règlement du solde du lot n° 4 ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées à ce titre par ME SAPIN ES QUALITE DE COMMISSAIRE A L'EXECUTION DU PLAN DE CESSION DE LA SOCIETE ERAL SA ; qu'il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ce dernier le versement à la COMMUNAUTE URBAINE DE LYON d'une somme de 4 500 euros en application des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 25 novembre 2010 est annulé.

Article 2 : Les conclusions présentées par ME SAPIN ES QUALITE DE COMMISSAIRE A L'EXECUTION DU PLAN DE CESSION DE LA SOCIETE ERAL SA devant la cour administrative d'appel de Lyon sont rejetées.

Article 3 : ME SAPIN ES QUALITE DE COMMISSAIRE A L'EXECUTION DU PLAN DE CESSION DE LA SOCIETE ERAL SA versera une somme de 4 500 euros à la COMMUNAUTE URBAINE DE LYON en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par ME SAPIN ES QUALITE DE COMMISSAIRE A L'EXECUTION DU PLAN DE CESSION DE LA SOCIETE ERAL SA en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNAUTE URBAINE DE LYON et à ME SAPIN ES QUALITE DE COMMISSAIRE A L'EXECUTION DU PLAN DE CESSION DE LA SOCIETE ERAL SA


Synthèse
Formation : 7ème et 2ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 346263
Date de la décision : 19/03/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05-02-01 MARCHÉS ET CONTRATS ADMINISTRATIFS. EXÉCUTION FINANCIÈRE DU CONTRAT. RÈGLEMENT DES MARCHÉS. DÉCOMPTE GÉNÉRAL ET DÉFINITIF. - ACCEPTATION DU DÉCOMPTE PAR UNE SEULE DES DEUX SOCIÉTÉS MEMBRES D'UN GROUPEMENT - SOCIÉTÉ DEVENUE MANDATAIRE DU GROUPEMENT APRÈS LA MISE EN LIQUIDATION JUDICIAIRE DE L'AUTRE - CONSÉQUENCES - DÉCOMPTE DEVENU DÉFINITIF À L'ÉGARD DES DEUX MEMBRES DU GROUPEMENT [RJ1].

39-05-02-01 En raison du renoncement de son cotraitant solidaire, l'autre société membre d'un groupement solidaire, devenue mandataire de ce dernier, était seule habilitée à présenter les projets de décomptes et à accepter et signer le décompte général. L'acceptation et la signature par cette société devenue mandataire du groupement du décompte général a donné à celui-ci un caractère définitif pour les deux membres du groupement.


Références :

[RJ1]

Cf. CE, Section, 9 janvier 1976, Société Caillol et Cie et autres, n° 90350 et autres, p. 19.


Publications
Proposition de citation : CE, 19 mar. 2012, n° 346263
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Christian Vigouroux
Rapporteur ?: M. Frédéric Dieu
Rapporteur public ?: M. Nicolas Boulouis
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, THIRIEZ ; SCP GHESTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:346263.20120319
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