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21/03/2012 | FRANCE | N°357546

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 21 mars 2012, 357546


Vu, 1° sous le numéro 357546, la requête enregistrée le 13 mars 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Inga B, épouse C, demeurant ... ; Mme C demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1200874, du 27 février 2012, par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier, statuant sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a rejeté la demande de Mme C tendant, d'une part, à la suspension de la décision en date du 9 août 2011 du préfet

de l'Hérault refusant son admission provisoire au séjour au titre de l'asi...

Vu, 1° sous le numéro 357546, la requête enregistrée le 13 mars 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Inga B, épouse C, demeurant ... ; Mme C demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1200874, du 27 février 2012, par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier, statuant sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a rejeté la demande de Mme C tendant, d'une part, à la suspension de la décision en date du 9 août 2011 du préfet de l'Hérault refusant son admission provisoire au séjour au titre de l'asile ainsi que de la décision du 21 février 2012 du préfet des Pyrénées-Orientales prononçant sa réadmission à destination de la Pologne et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au préfet de l'Hérault de statuer à nouveau sur sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile et de lui délivrer l'autorisation provisoire de séjour au titre de l'asile ;

2°) de faire droit à sa demande de première instance ;

3°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que les décisions attaquées portent une atteinte grave et manifestement illégale au droit d'asile ; que la décision refusant son admission provisoire au séjour a été adoptée en méconnaissance des garanties procédurales prévues par les articles 4 et 24 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration ; que l'arrêté de réadmission du préfet des Pyrénées-Orientales est manifestement illégal ; qu'en décidant de procéder à son transfert plus de six mois après la décision implicite d'acceptation de la Pologne, les autorités françaises sont devenues responsables du traitement de la demande d'asile et méconnaissent par cet arrêté litigieux les dispositions des articles 16 et 20 du règlement du Conseil du 18 février 2003 ; que la procédure suivie pour l'adoption de l'arrêté de réadmission a méconnu le respect du principe du contradictoire ; qu'au vu de l'état de santé de son époux, il appartenait au préfet de faire application de la " clause humanitaire " prévue par l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et par l'article 15 du règlement du Conseil du 18 février 2003 ; que les décisions litigieuses méconnaissent l'intérêt supérieur de son enfant au sens de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; que la condition d'urgence est remplie dès lors qu'elle est destinataire d'une décision de réadmission susceptible d'exécution d'office ;

Vu, 2° sous le numéro 357547, la requête enregistrée le 13 mars 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Alkahzour A, demeurant ... ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1200878, en date du 27 février 2012, par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier, statuant sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a rejeté la demande de M. A tendant, d'une part, à la suspension de la décision en date du 9 août 2011 du préfet de l'Hérault refusant son admission provisoire au séjour au titre de l'asile ainsi que de la décision du 21 février 2012 du préfet des Pyrénées-Orientales prononçant sa réadmission à destination de la Pologne et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au préfet de l'Hérault de statuer à nouveau sur sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile et de lui délivrer l'autorisation provisoire de séjour au titre de l'asile ;

2°) de faire droit à sa demande de première instance ;

3°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que les décisions attaquées portent une atteinte grave et manifestement illégale au droit d'asile ; que la décision refusant son admission provisoire au séjour a été adoptée en méconnaissance des garanties procédurales prévues par les articles 4 et 24 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration ; que l'arrêté de réadmission du préfet des Pyrénées-Orientales est manifestement illégal ; qu'en décidant de procéder à son transfert plus de six mois après la décision implicite d'acceptation de la Pologne, les autorités françaises sont devenues responsables du traitement de la demande d'asile et méconnaissent par cet arrêté litigieux les dispositions des articles 16 et 20 du règlement du Conseil du 18 février 2003 ; que la procédure suivie pour l'adoption de l'arrêté de réadmission a méconnu le respect du principe du contradictoire ; qu'au vu de son état de santé, il appartenait au préfet de faire application de la " clause humanitaire " prévue par l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et par l'article 15 du règlement du Conseil du 18 février 20003 ; que les décisions litigieuses méconnaissent l'intérêt supérieur de son enfant au sens de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; que la condition d'urgence est remplie dès lors qu'il est destinataire d'une décision de réadmission susceptible d'exécution d'office ;

Vu l'ordonnance attaquée ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 20 mars 2012, présenté par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration ; il soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie dès lors que, d'une part, un délai de plus de six mois s'est écoulé depuis les décisions de refus d'admission provisoire au séjour et que, d'autre part, ces décisions de réadmission ne sont pas susceptibles d'exécution immédiate ; que les décisions attaquées ne portent aucune atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ; que ces décisions ont été adoptées selon une procédure régulière ; que le délai pour procéder à la réadmission des requérants, ayant été déclenché par la décision du 16 novembre 2011 par laquelle la Pologne a accepté la reprise en charge des requérants, expire le 16 mai 2012 ; qu'il suit de là que les décisions de réadmission en date du 20 février 2012 ne méconnaissent pas les dispositions du règlement du Conseil du 18 février 2003 ; que le moyen tiré de ce que la réadmission de M. A vers la Pologne l'exposerait à un grave danger eu égard à son état de santé manque en fait ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le règlement (CE) n°343/2003 du Conseil du 18 février 2003 ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. et Mme A et, d'autre part, le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 21 mars 2012 à 11 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Ricard, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de Mme C et de M. A ;

- les représentants du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration ;

et à l'issue de laquelle l'instruction a été close ;

Considérant que les requêtes de Mme et M. présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule ordonnance ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale (...) " ;

Considérant que le droit constitutionnel d'asile, qui a le caractère d'une liberté fondamentale, a pour corollaire le droit de solliciter le statut de réfugié ; que, s'il implique que l'étranger qui sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié soit en principe autorisé à demeurer sur le territoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande, ce droit s'exerce dans les conditions définies par l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le 1° de cet article permet de refuser l'admission en France d'un demandeur d'asile lorsque l'examen de la demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat en application des dispositions du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 ; que l'article 20 de ce règlement prévoit que le transfert du demandeur d'asile vers le pays de réadmission doit se faire dans les six mois à compter de l'acceptation de la demande de reprise en charge ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme C et M. , ressortissants russes, se sont présentés à la préfecture de l'Hérault le 26 juillet 2011 pour demander à être admis au séjour en vue de présenter une demande d'asile ; que la consultation du fichier " EURODAC " a permis d'établir que les requérants avaient déjà déposé une demande d'asile en Pologne le 8 juin 2011, puis en Belgique le 15 juin 2011 ; que, par des arrêtés en date du 9 août 2011, le préfet de l'Hérault a refusé leur admission provisoire au séjour et a décidé la mise en oeuvre de la procédure de reprise en charge à leur encontre ; que, par un courrier en date du 16 novembre 2011, la Pologne a accepté leur reprise en charge ; que le préfet des Pyrénées-Orientales a décidé, par arrêtés en date du 20 février 2012, leur réadmission ainsi que leur départ à destination de la Pologne ; qu'un vol a été réservé à cette fin le 21 février 2012 ; que le même jour, en raison de l'état de santé avancé par M. A pour refuser l'exécution de cette décision, ce préfet a sollicité un avis médical ; que dans l'attente d'obtenir cet avis, Mme C et M. sont assignés à résidence ; que les requérants relèvent appel de l'ordonnance du 27 février 2012 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté leurs demandes présentées sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative et dirigées contre ces deux décisions ;

Considérant, en premier lieu, qu'alors même que le 29 juillet 2011, le préfet de l'Hérault a saisi les autorités belges d'une demande de reprise en charge de Mme C et M. , lesquelles l'ont informé le 1er août suivant de la saisine des autorités polonaises aux fins de reprise en charge des intéressés, le préfet des Pyrénées-Orientales n'a pas commis d'illégalité manifeste en estimant que seule la demande de reprise en charge des intéressés, qu'il avait directement adressée aux autorités polonaises le 14 novembre 2011, avait saisi régulièrement ces dernières d'une demande présentée au nom de la France, sur le fondement de l'article 20 du règlement du Conseil du 18 février 2003 ; qu'il n'a pas davantage commis d'illégalité manifeste en en déduisant, contrairement à ce qui est soutenu, que le délai de six mois imposé par cet article 20, au cours duquel l'Etat membre requérant doit procéder au transfert des demandeurs d'asile vers l'Etat responsable, n'avait commencé à courir qu'à compter de la décision du 16 novembre 2011 par laquelle la Pologne a fait savoir qu'elle acceptait de reprendre en charge Mme C et M. et n'était pas expiré le 20 février 2012, date d'adoption des arrêtés préfectoraux litigieux ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction que la procédure suivie pour l'adoption des décisions litigieuses aurait méconnu les dispositions du règlement du Conseil du 18 février 2003 ni celles de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, en troisième lieu, que s'il est avancé par les requérants que, d'une part, l'état de santé de M. A et, d'autre part, la présence d'un enfant en bas âge, auraient justifié qu'ils bénéficient de l'application des dispositions de l'article 15 de ce règlement, il ne résulte pas de l'instruction qu'en refusant de mettre en oeuvre la " clause humanitaire " prévue à cet article, le préfet des Pyrénées-Orientales aurait porté au droit d'asile une atteinte manifestement illégale ; que toutefois, dans l'hypothèse où l'avis médical sollicité par le préfet des Pyrénées-Orientales dans le cadre de l'assignation à résidence des requérants apporterait des éléments nouveaux, il lui appartiendra de réexaminer la demande de M. tendant à l'application de cette disposition avant de procéder à l'exécution de ses décisions de réadmission ;

Considérant qu'il suit de là que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition d'urgence, les arrêtés en date du 20 février 2012 ne sont entachés d'aucune atteinte grave et manifestement illégale à la liberté fondamentale que constitue le droit d'asile ; que pour les mêmes motifs, les arrêtés préfectoraux en date du 9 août 2011 ne sont entachés d'aucune atteinte grave et manifestement illégale à ce droit constitutionnellement garanti ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'ordonnance ; qu'il y a toutefois lieu d'admettre provisoirement Mme C et M. à l'aide juridictionnelle ;

Considérant qu'il y a lieu, dès lors, de rejeter les requêtes, y compris leurs conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

O R D O N N E :

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Article 1er : L'aide juridictionnelle provisoire est accordée.

Article 2 : Les requêtes de Mme et M. sont rejetées.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme Inga B, épouse C, à M. Alkahzour A ainsi qu'au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 357546
Date de la décision : 21/03/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 21 mar. 2012, n° 357546
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Mattias Guyomar
Avocat(s) : RICARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:357546.20120321
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