La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/03/2012 | FRANCE | N°357638

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 21 mars 2012, 357638


Vu le recours, enregistré le 15 mars 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par lequel le MINISTRE DE L'INTÉRIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION demande au juge des référés du Conseil d'État d'annuler l'ordonnance n° 1201260/1201261 du 29 février 2012 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Lille, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a suspendu l'exécution des décisions du 10 janvier 2012 par lesquelles le préfet du Nord avait refusé l'admission au séjour d

e M. et Mme B au titre de l'asile et enjoint au préfet du Nord de...

Vu le recours, enregistré le 15 mars 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par lequel le MINISTRE DE L'INTÉRIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION demande au juge des référés du Conseil d'État d'annuler l'ordonnance n° 1201260/1201261 du 29 février 2012 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Lille, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a suspendu l'exécution des décisions du 10 janvier 2012 par lesquelles le préfet du Nord avait refusé l'admission au séjour de M. et Mme B au titre de l'asile et enjoint au préfet du Nord de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

il soutient que l'administration n'a pas porté d'atteinte grave et manifestement illégale au droit d'asile ; que l'ordonnance attaquée est entachée d'erreur de droit, dès lors que les illustrations de cas de recours abusifs aux procédures d'asile énoncés au 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sont pas limitatives ; que la brièveté du délai séparant leur nouvelle demande du dernier examen de leur situation par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) ainsi que l'absence d'éléments complémentaires apportés à l'appui de cette demande doivent conduire à considérer que M. et Mme B ont exercé un recours abusif aux procédures d'asile ;

Vu l'ordonnance attaquée ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 20 mars 2012, présenté pour M. et Mme B, qui conclut au rejet du recours ; ils soutiennent que l'administration a porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit d'asile ; que l'administration s'est référée uniquement au délai séparant le dernier examen de leur situation par la CNDA de leur nouvelle demande d'asile pour considérer que celle-ci constituait un recours abusif alors que le texte invoqué n'en fait pas mention explicite ; que l'article L. 741-4 doit être interprété restrictivement ; que faute d'avoir caractérisé la fraude ou l'abus, les décisions du préfet refusant l'admission au séjour de M. et Mme B sont manifestement illégales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, le MINISTRE DE L'INTÉRIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION et, d'autre part, M. et Mme B ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 21 mars 2012 à 9 heures 30 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- les représentants du MINISTRE DE L'INTÉRIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION ;

- Me Ricard, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. et Mme B ;

et à l'issue de laquelle l'instruction a été close ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale (...) " ;

Considérant qu'en vertu de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile peut être refusée, notamment, si " 4° La demande d'asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente. Constitue, en particulier, un recours abusif aux procédures d'asile la présentation frauduleuse de plusieurs demandes d'admission au séjour au titre de l'asile sous des identités différentes. Constitue également un recours abusif aux procédures d'asile la demande d'asile présentée dans une collectivité d'outre-mer s'il apparaît qu'une même demande est en cours d'instruction dans un autre Etat membre de l'Union européenne. Constitue une demande d'asile reposant sur une fraude délibérée la demande présentée par un étranger qui fournit de fausses indications, dissimule des informations concernant son identité, sa nationalité ou les modalités de son entrée en France afin d'induire en erreur les autorités " ;

Considérant que le droit constitutionnel d'asile, qui a le caractère d'une liberté fondamentale, a pour corollaire le droit de solliciter le statut de réfugié ; que, si ce droit implique que l'étranger qui sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié soit en principe autorisé à demeurer sur le territoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande, ce droit s'exerce dans les conditions définies par l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le 4° de cet article permet de refuser l'admission en France d'un demandeur d'asile lorsque sa demande constitue une fraude délibérée ou un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée que dans le but de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente ; que selon l'article L. 723-1 du même code, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides statue prioritairement sur les demandes émanant de personnes qui n'ont pas été admises au séjour en vertu du 4° de l'article L. 741-4 ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. et Mme B, de nationalité algérienne, sont entrés en France le 21 mars 2010 et ont déposé une demande d'asile qui a été rejetée par décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 29 avril 2011 ; que le rejet des demandes d'asile a été confirmé par décision de la Cour nationale du droit d'asile en date du 17 octobre 2011, notifiée le 31 octobre 2011 ; que, dès le 15 novembre 2011, M. et Mme B ont formé une demande tendant au réexamen de leur demande d'asile ; que le préfet du Nord, en se fondant sur les dispositions du 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a refusé de leur délivrer, le 10 janvier 2012, une autorisation provisoire de séjour au motif que leur nouvelle demande présentait un caractère abusif ; que le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté les nouvelles demandes d'asile le 19 janvier 2012 ;

Considérant qu'en refusant l'admission au séjour de M. et Mme B à la suite de la présentation de leur demande de réexamen, alors que cette demande a été formée très peu de temps après le rejet de leur première demande par la Cour nationale du droit d'asile et alors qu'il ne ressort pas des éléments soumis au juge des référés qu'elle aurait reposé sur des éléments nouveaux, le préfet du Nord n'a pas porté d'atteinte grave et manifestement illégale au droit d'asile ; que le MINISTRE DE L'INTÉRIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION est, par suite, fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Lille a suspendu l'exécution des décisions du 10 janvier 2012 refusant l'admission au séjour de M. et Mme B et a enjoint au préfet du Nord de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

O R D O N N E :

------------------

Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Lille en date du 29 février 2012 est annulée.

Article 2 : Les demandes présentées par M. et Mme B devant le juge des référés du tribunal administratif de Lille sont rejetées.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée au MINISTRE DE L'INTÉRIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION ainsi qu'à M. Ilyes Bilel B et Mme Assia Ousser épouse B.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 21 mar. 2012, n° 357638
Inédit au recueil Lebon
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jacques-Henri Stahl
Avocat(s) : RICARD

Origine de la décision
Formation : Juge des référés
Date de la décision : 21/03/2012
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 357638
Numéro NOR : CETATEXT000025933966 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2012-03-21;357638 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award