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26/03/2012 | FRANCE | N°336880

France | France, Conseil d'État, 3ème et 8ème sous-sections réunies, 26 mars 2012, 336880


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 février et 18 mai 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS, agissant par son représentant légal, domicilié en cette qualité rue du Vergne à Bordeaux Cedex (33059) ; la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 07LY00033 du 10 décembre 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon, réformant le jugement du 28 juin 2007 du tribunal administratif de Lyon, a rejeté sa demande tendant

à la condamnation du service départemental d'incendie et de secours (S...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 février et 18 mai 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS, agissant par son représentant légal, domicilié en cette qualité rue du Vergne à Bordeaux Cedex (33059) ; la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 07LY00033 du 10 décembre 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon, réformant le jugement du 28 juin 2007 du tribunal administratif de Lyon, a rejeté sa demande tendant à la condamnation du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de la Loire à lui verser la somme de 43 359,30 euros en remboursement de la somme qu'elle verse, au titre de l'allocation temporaire d'invalidité, à M. A, fonctionnaire territorial, victime d'un accident dont le SDIS de la Loire a été reconnu responsable ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel du SDIS de la Loire en tant qu'il conteste sa condamnation à lui verser la somme de 43 359,30 euros ;

3°) de mettre à la charge du SDIS de la Loire la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'ordonnance n° 59-78 du 7 janvier 1959 ;

Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

Vu la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, modifiée notamment par la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 ;

Vu le décret n° 2005-442 du 2 mai 2005 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Christian Fournier, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Odent, Poulet, avocat de la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS,

- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Odent, Poulet, avocat de la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS ;

Considérant qu'il résulte des dispositions combinées des articles 1er et 7 de l'ordonnance du 7 janvier 1959 relative aux actions en réparation civile de l'Etat et de certaines autres personnes publiques que Caisse des dépôts et consignations, agissant notamment comme gérante de la Caisse nationale des retraites des agents des collectivités locales, dispose de plein droit, à l'encontre du tiers responsable du décès, de l'infirmité ou de la maladie d'un agent à qui elle a versé une prestation à ce titre, d'une action subrogatoire en remboursement des prestations versées ou maintenues à la victime ou à ses ayants droit à la suite du décès, de l'infirmité ou de la maladie ; que les dispositions de l'article 31 de la loi du 5 juillet 1985, relatif à l'exercice des recours des tiers payeurs contre les personnes tenues à la réparation d'un dommage, telles qu'elles ont été modifiées par le IV de l'article 25 de la loi du 21 décembre 2006, s'appliquent aux recours exercés par la Caisse sur le fondement de l'article 1er de l'ordonnance du 7 janvier 1959 ; qu'aux termes de ces dispositions, qui s'appliquent aux événements ayant occasionné des dommages survenus antérieurement à la date d'entrée en vigueur de la loi du 21 décembre 2006, dès lors que le montant de l'indemnité due à la victime n'a pas été définitivement fixé, et, par suite, à la présente affaire : " Les recours subrogatoires des tiers payeurs s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel. / Conformément à l'article 1252 du code civil, la subrogation ne peut nuire à la victime subrogeante, créancière de l'indemnisation, lorsqu'elle n'a été indemnisée qu'en partie ; en ce cas, elle peut exercer ses droits contre le responsable, pour ce qui lui reste dû, par préférence au tiers payeur dont elle n'a reçu qu'une indemnisation partielle. / Cependant, si le tiers payeur établit qu'il a effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un poste de préjudice personnel, son recours peut s'exercer sur ce poste de préjudice " ;

Considérant qu'en application de ces dispositions, le juge saisi d'un recours de la victime d'un dommage corporel et d'un recours subrogatoire d'un tiers payeur doit, pour chacun des postes de préjudices patrimoniaux et personnels, déterminer le montant du préjudice effectivement subi en précisant la part qui a été réparée par des prestations servies par le tiers payeur et celle qui est demeurée à la charge de la victime ; qu'il lui appartient ensuite de fixer l'indemnité mise à la charge de l'auteur du dommage au titre du poste de préjudice en tenant compte, s'il a été décidé, du partage de responsabilité avec la victime ; que le juge doit allouer cette indemnité à la victime dans la limite de la part du poste de préjudice qui n'a pas été réparée par des prestations, le solde, s'il existe, étant alloué au tiers payeur ; qu'en l'absence de dispositions réglementaires définissant les postes de préjudice, il y a lieu, pour mettre en oeuvre la méthode décrite ci-dessus, de distinguer, parmi les préjudices de nature patrimoniale, les dépenses de santé, les frais liés au handicap, les pertes de revenus, l'incidence professionnelle et scolaire et les autres dépenses liées à ce dommage ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A, agent des services techniques de la commune de Roanne, a été victime, le 6 septembre 2002, d'un accident provoqué par l'explosion de l'épave d'un aéronef qui s'était écrasé sur le site de l'aéroport de Roanne, alors qu'il était occupé, après l'intervention des agents du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de la Loire, à déblayer les débris de cet aéronef ; que, par un premier jugement du 7 novembre 2006, le tribunal administratif de Lyon a retenu la responsabilité du SDIS de la Loire dans la survenance de l'accident et, avant-dire droit, a désigné un expert afin de déterminer les préjudices subis par M. A ; que, par un second jugement du 28 juin 2007, le tribunal a condamné le SDIS de la Loire à verser la somme de 24 000 euros à M. A en réparation de ses préjudices personnels, la somme de 68 907,01 euros à la commune de Roanne au titre de la prise en charge de la rémunération de M. A pendant la durée de ses arrêts de travail et de divers frais de santé et la somme de 43 359,30 euros à la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS au titre du versement à l'intéressé des arrérages échus et à échoir de l'allocation temporaire d'invalidité ; que, par l'arrêt attaqué du 10 décembre 2009, la cour administrative d'appel de Lyon a réformé ce jugement et rejeté la demande de la caisse tendant à la condamnation du SDIS de la Loire à lui verser cette dernière somme ;

Considérant que la cour a pu, sans dénaturer les pièces du dossier, estimer, au vu des conclusions produites par l'expert médical désigné par le tribunal administratif de Lyon, que les dommages provoqués par l'accident dont a été victime M. A le 6 septembre 2002 n'avaient eu pour ce dernier aucune incidence professionnelle ; que, toutefois, en déduisant de cette circonstance que M. A n'avait subi aucun préjudice patrimonial et que, par suite, la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS n'était pas fondée à demander le remboursement par le SDIS de la Loire du montant de l'allocation temporaire d'invalidité qu'elle verse à M. A, alors qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que l'incidence professionnelle n'est qu'un des éléments permettant de caractériser les préjudices de nature patrimoniale, la cour a commis une erreur de droit ; que la caisse requérante est donc fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du service départemental d'incendie et de secours de la Loire une somme de 1 500 euros à verser à la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS au titre des dispositions de L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 10 décembre 2009 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Lyon.

Article 3 : Le service départemental d'incendie et de secours de la Loire versera une somme de 1 500 euros à la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS, au service départemental d'incendie et de secours de la Loire, à M. A, et à la caisse primaire d'assurance maladie de Roanne.

Copie en sera dressée au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.


Synthèse
Formation : 3ème et 8ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 336880
Date de la décision : 26/03/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 26 mar. 2012, n° 336880
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Jacques Arrighi de Casanova
Rapporteur ?: M. Christian Fournier
Rapporteur public ?: M. Vincent Daumas
Avocat(s) : SCP ODENT, POULET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:336880.20120326
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