La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/03/2012 | FRANCE | N°338856

France | France, Conseil d'État, 3ème et 8ème sous-sections réunies, 26 mars 2012, 338856


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 avril et 22 juillet 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le SYNDICAT NATIONAL DES INSPECTEURS EN SANTE PUBLIQUE VETERINAIRE (SNIPSV), dont le siège est 251 rue de Vaugirard à Paris Cedex 15 (75732), représenté par son président ; le SNIPSV demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 23 février 2010, par laquelle le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche a refusé de proposer aux vétérinaires inspecteurs non tit

ulaires qu'il emploie à temps incomplet une régularisation de leurs contr...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 avril et 22 juillet 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le SYNDICAT NATIONAL DES INSPECTEURS EN SANTE PUBLIQUE VETERINAIRE (SNIPSV), dont le siège est 251 rue de Vaugirard à Paris Cedex 15 (75732), représenté par son président ; le SNIPSV demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 23 février 2010, par laquelle le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche a refusé de proposer aux vétérinaires inspecteurs non titulaires qu'il emploie à temps incomplet une régularisation de leurs contrats conclus sur le fondement de l'article 4 de la loi du 11 janvier 1984 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la note de service du 4 mars 2010 du même ministre, en tant qu'elle prévoit le recrutement de vétérinaires inspecteurs non titulaires à temps incomplet sur le fondement de l'article 4 de la loi du 11 janvier 1984 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

Vu la loi n° 2001-2 du 3 janvier 2001 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Guillaume Odinet, Auditeur,

- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat du SYNDICAT NATIONAL DES INSPECTEURS EN SANTE PUBLIQUE VETERINAIRE,

- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat du SYNDICAT NATIONAL DES INSPECTEURS EN SANTE PUBLIQUE VETERINAIRE ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par lettre du 22 janvier 2010, le SYNDICAT NATIONAL DES INSPECTEURS EN SANTE PUBLIQUE VETERINAIRE (SNISPV) a demandé au ministre chargé de l'agriculture de proposer aux vétérinaires inspecteurs non titulaires qu'il emploie à temps incomplet une régularisation de leurs contrats conclus sur le fondement de l'article 4 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ; que, par une décision du 23 février 2010, le ministre a refusé de faire droit à cette demande ; que le SNISPV demande l'annulation de cette décision et des dispositions de la note de service du 4 mars 2010 qui prescrivent à ses destinataires de procéder au recrutement des vétérinaires inspecteurs non titulaires à temps incomplet par voie de contrats conclus sur le fondement de l'article 4 de la loi du 11 janvier 1984 ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 23 février 2010 :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 351-4 du code de justice administrative : " Lorsque tout ou partie des conclusions dont est saisi un tribunal administratif, une cour administrative d'appel ou le Conseil d'Etat relève de la compétence d'une juridiction administrative, le tribunal administratif, la cour administrative d'appel ou le Conseil d'Etat, selon le cas, est compétent, nonobstant les règles de répartition des compétences entre juridictions administratives, pour rejeter les conclusions entachées d'une irrecevabilité manifeste insusceptible d'être couverte en cours d'instance ou pour constater qu'il n'y a pas lieu de statuer sur tout ou partie des conclusions. " ;

Considérant que la décision attaquée rejette une demande du SNISPV tendant à obtenir la régularisation des contrats des vétérinaires inspecteurs non titulaires employés à temps incomplet par le ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire ; qu'eu égard à la nature de cette demande, qu'il ne lui appartenait pas de former en lieu et place des agents concernés, le syndicat requérant est sans qualité pour introduire contre son rejet un recours pour excès de pouvoir ; que, par suite, les conclusions de la requête dirigées contre la décision du 23 février 2010 sont entachées d'une irrecevabilité manifeste insusceptible d'être couverte en cours d'instance ; qu'il appartient dès lors au Conseil d'Etat de les rejeter, en application de l'article R. 351-4 du code de justice administrative ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la note de service du 4 mars 2010 :

En ce qui concerne les fins de non-recevoir opposées par le ministre :

Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré de ce que la requête n'est pas accompagnée de la décision attaquée manque en fait ;

Considérant, en deuxième lieu, que la note de service attaquée du 4 mars 2010 a été publiée le lendemain au bulletin officiel du ministère de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche ; qu'ainsi, les conclusions du SNISPV tendant à l'annulation de cette note de service, qui ont été enregistrées au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 22 avril 2010, ont été présentées dans le délai de recours prévu par l'article R. 421-1 du code de justice administrative ;

Considérant, en troisième lieu, que cette note prescrit à ceux qui sont chargés de sa mise en oeuvre de recruter des vétérinaires inspecteurs non titulaires à temps incomplet par voie de contrats conclus sur le fondement de l'article 4 de la loi du 11 janvier 1984, sans tenir compte de la limite de 70 % d'un service à temps complet prévue par l'article 6 de la même loi ; que, contrairement à ce que soutient le ministre, elle présente un caractère impératif ; qu'elle est donc susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les fins de non-recevoir opposées par le ministre doivent être écartées ;

En ce qui concerne la légalité interne de la note de service attaquée :

Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Sauf dérogation prévue par une disposition législative, les emplois civils permanents de l'Etat, des régions, des départements, des communes et de leurs établissements publics à caractère administratif sont, à l'exception de ceux réservés aux magistrats de l'ordre judiciaire et aux fonctionnaires des assemblées parlementaires, occupés soit par des fonctionnaires régis par le présent titre, soit par des fonctionnaires des assemblées parlementaires, des magistrats de l'ordre judiciaire ou des militaires dans les conditions prévues par leur statut. " ; que l'article 2 de la loi du 11 janvier 1984 dispose : " Le présent titre s'applique aux personnes qui, régies par les dispositions du titre Ier du statut général, ont été nommées dans un emploi permanent à temps complet et titularisées dans un grade de la hiérarchie des administrations centrales de l'Etat, des services déconcentrés en dépendant ou des établissements publics de l'Etat. " ; qu'aux termes de l'article 4 de la même loi : " Par dérogation au principe énoncé à l'article 3 du titre Ier du statut général, des agents contractuels peuvent être recrutés dans les cas suivants : / 1° Lorsqu'il n'existe pas de corps de fonctionnaires susceptibles d'assurer les fonctions correspondantes ; / 2° Pour les emplois du niveau de la catégorie A et, dans les représentations de l'Etat à l'étranger, des autres catégories, lorsque la nature des fonctions ou les besoins des services le justifient. / (...) " ; que l'article 6 de la même loi, dans sa rédaction issue de la loi du 3 janvier 2001 relative à la résorption de l'emploi précaire et à la modernisation du recrutement dans la fonction publique ainsi qu'au temps de travail dans la fonction publique territoriale, dispose : " Les fonctions qui, correspondant à un besoin permanent, impliquent un service à temps incomplet d'une durée n'excédant pas 70 % d'un service à temps complet, sont assurées par des agents contractuels. / (...) " ;

Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'article 4 de la loi du 11 janvier 1984 permet, dans des cas limitativement énumérés, de déroger aux dispositions de l'article 3 de la loi du 13 juillet 1983, en vertu desquelles, s'agissant de la fonction publique d'Etat, les emplois permanents à temps complet sont occupés par des fonctionnaires, en recrutant des agents contractuels ; que cet article n'a ni pour objet, ni pour effet, de permettre le recrutement d'agents contractuels pour assurer des fonctions qui, tout en correspondant à un besoin permanent, impliquent un service à temps incomplet ; que de telles fonctions doivent être assurées par des agents contractuels sur le fondement de l'article 6 de la loi du 11 janvier 1984 et ne peuvent être exercées que pour une durée n'excédant pas 70 % d'un temps complet ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en ordonnant à ses services de recruter des vétérinaires inspecteurs non titulaires à temps incomplet par voie de contrats conclus sur le fondement de l'article 4 de la loi du 11 janvier 1984, alors que cet article ne permet pas le recrutement d'agents contractuels pour assurer des fonctions qui, correspondant à un besoin permanent, impliquent un service à temps incomplet, le ministre a entaché sa note de service du 4 mars 2010 d'erreur de droit ; que, par suite, le SNISPV est fondé à en demander, pour ce motif, l'annulation, en tant qu'elle prévoit le recrutement de vétérinaires inspecteurs non titulaires à temps incomplet sur le fondement de l'article 4 de la loi du 11 janvier 1984 ;

Sur les conclusions du SNISPV présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser au SNISPV au titre des de ces dispositions ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La note de service du 4 mars 2010 du ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche est annulée en tant qu'elle prévoit le recrutement de vétérinaires inspecteurs non titulaires à temps incomplet sur le fondement de l'article 4 de la loi du 11 janvier 1984.

Article 2 : L'Etat versera au SYNDICAT NATIONAL DES INSPECTEURS EN SANTE PUBLIQUE VETERINAIRE une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au SYNDICAT NATIONAL DES INSPECTEURS EN SANTE PUBLIQUE VETERINAIRE et au ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-12 FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS. AGENTS CONTRACTUELS ET TEMPORAIRES. - 1) FACULTÉ DE RECRUTER DES AGENTS CONTRACTUELS OUVERTE PAR L'ARTICLE 4 DE LA LOI DU 11 JANVIER 1984 - FACULTÉ DE RECRUTER DE TELS AGENTS POUR ASSURER DES FONCTIONS CORRESPONDANT À UN BESOIN PERMANENT MAIS IMPLIQUANT UN SERVICE À TEMPS INCOMPLET - ABSENCE - 2) FACULTÉ DE RECRUTER DES AGENTS CONTRACTUELS SUR LE FONDEMENT DE L'ARTICLE 6 DE LA MÊME LOI POUR ASSURER DE TELLES FONCTIONS - EXISTENCE, UNIQUEMENT POUR UNE DURÉE N'EXCÉDANT PAS 70 % D'UN TEMPS COMPLET.

36-12 1) Il résulte de la combinaison des dispositions de l'article 3 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et des articles 2, 4 et 6 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, que l'article 4 de la loi du 11 janvier 1984 permet, dans des cas limitativement énumérés, de déroger aux dispositions de l'article 3 de la loi du 13 juillet 1983, en vertu desquelles, s'agissant de la fonction publique d'Etat, les emplois permanents à temps complet sont occupés par des fonctionnaires, en recrutant des agents contractuels. Cet article n'a ni pour objet, ni pour effet de permettre le recrutement d'agents contractuels pour assurer des fonctions qui, tout en correspondant à un besoin permanent, impliquent un service à temps incomplet. 2) De telles fonctions doivent être assurées par des agents contractuels recrutés sur le fondement de l'article 6 de la loi du 11 janvier 1984 et ne peuvent être exercées que pour une durée n'excédant pas 70 % d'un temps complet.


Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 26 mar. 2012, n° 338856
Mentionné aux tables du recueil Lebon
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. Jacques Arrighi de Casanova
Rapporteur ?: M. Guillaume Odinet
Rapporteur public ?: M. Vincent Daumas
Avocat(s) : SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER

Origine de la décision
Formation : 3ème et 8ème sous-sections réunies
Date de la décision : 26/03/2012
Date de l'import : 23/03/2016

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 338856
Numéro NOR : CETATEXT000025580444 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2012-03-26;338856 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award