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04/04/2012 | FRANCE | N°326760

France | France, Conseil d'État, 10ème et 9ème sous-sections réunies, 04 avril 2012, 326760


Vu le pourvoi, enregistré le 3 avril 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE ; le ministre demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 08NT00497 du 2 février 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes, faisant droit à l'appel de M. Jean A, a, d'une part, annulé le jugement du 20 décembre 2007 du tribunal administratif de Nantes, d'autre part, déchargé l'intéressé des compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales résultant de la réint

égration, dans ses revenus de l'année 1993, de la somme de 128 057 euros...

Vu le pourvoi, enregistré le 3 avril 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE ; le ministre demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 08NT00497 du 2 février 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes, faisant droit à l'appel de M. Jean A, a, d'une part, annulé le jugement du 20 décembre 2007 du tribunal administratif de Nantes, d'autre part, déchargé l'intéressé des compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales résultant de la réintégration, dans ses revenus de l'année 1993, de la somme de 128 057 euros ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de M. A ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Gilles Pellissier, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Odent, Poulet, avocat de M. A,

- les conclusions de Mme Delphine Hedary, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Odent, Poulet, avocat de M. A ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'administration fiscale a accordé le 13 janvier 1994 à M. A, sur le fondement du III ter de l'article 238 bis HA du code général des impôts, l'agrément lui permettant d'imputer sur son revenu de l'année 1993 une somme de 840 000 francs correspondant au prix d'acquisition d'un catamaran destiné à la location touristique en Guadeloupe ; qu'à la suite de contrôles effectués en 1996 et 1997, l'administration fiscale a constaté que la condition d'une exploitation effective du navire pendant une durée de cinq années n'avait pas été respectée ; qu'elle a procédé, le 11 juin 2004, au retrait de l'agrément et informé M. A, le 4 août 2004, de la réintégration dans son revenu imposable de l'année 1993 de la déduction de 840 000 francs ; que, par un arrêt du 2 février 2009 contre lequel le ministre se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Nantes a prononcé la décharge totale des compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales résultant de cette réintégration au motif qu'elle n'avait pas pu légalement intervenir après l'expiration du délai de prescription fixé par l'article L. 186 du livre des procédures fiscales ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 168 du livre des procédures fiscales : " Les omissions totales ou partielles constatées dans l'assiette de l'impôt, les insuffisances, les inexactitudes ou les erreurs d'imposition peuvent être réparées par l'administration des impôts ou par l'administration des douanes et droits indirects, selon le cas, dans les conditions et dans les délais prévus aux articles L. 169 à L. 189, sauf dispositions contraires du code général des impôts. " ; qu'aux termes de l'article L. 186 du même code, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " Dans tous les cas où il n'est pas prévu un délai de prescription plus court, le droit de reprise de l'administration s'exerce pendant dix ans à partir du jour du fait générateur de l'impôt. " ; qu'aux termes de l'article 1756 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " 1. Lorsque les engagements souscrits en vue d'obtenir un agrément administratif ne sont pas exécutés ou lorsque les conditions auxquelles l'octroi de ce dernier a été subordonné ne sont pas remplies, cette inexécution entraîne le retrait de l'agrément et les personnes physiques ou morales à qui des avantages fiscaux ont été accordés, du fait de l'agrément, sont déchues du bénéfice desdits avantages. Les impôts dont elles ont été dispensées deviennent immédiatement exigibles, nonobstant toutes dispositions contraires, sans préjudice de l'intérêt de retard prévu à l'article 1734 et compté de la date à laquelle ils auraient dû être acquittés. (...) " ;

Considérant, d'une part, qu'il résulte des dispositions précitées du livre des procédures fiscales que la prescription édictée par l'article L. 186 a une portée générale et s'applique dans tous les cas où il n'est pas prévu de délai de prescription plus court ; que l'absence de tout délai de prescription ou un délai plus long ne pourrait résulter, aux termes de l'article L. 168 du livre des procédures fiscales, que de dispositions expresses en ce sens du code général des impôts ; qu'en prévoyant que le retrait de l'agrément rend les impôts immédiatement exigibles " nonobstant toutes dispositions contraires ", l'article 1756 du code général des impôts ne peut être regardé comme ayant expressément entendu permettre à l'administration d'exercer un droit de reprise sans limitation de durée ; que si ces dispositions font obstacle à l'application des délais de prescription plus courts propres à certains impôts, elles ne sauraient avoir pour effet de dispenser l'administration du respect du délai général de reprise de l'article L. 186 du livre des procédures fiscales ; que, par suite, le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE n'est pas fondé à soutenir qu'en appliquant aux conséquences des retraits d'agréments prononcés en application des dispositions de l'article 1756 du code général des impôts le délai général de prescription de l'article L. 186 du livre des procédures fiscales, la cour aurait commis une erreur de droit ;

Considérant, d'autre part, qu'il ressort des termes mêmes de l'article 1756 du code général des impôts, en vertu desquels le retrait de l'agrément a pour effet de rendre les impôts immédiatement exigibles, nonobstant toutes dispositions contraires, sans préjudice de l'intérêt de retard prévu à l'article 1734 et compté de la date à laquelle ils auraient dû être acquittés et des dispositions de l'article L. 186 du livre des procédures fiscales, selon lesquelles le droit de reprise de l'administration s'exerce pendant dix ans à partir du jour du fait générateur de l'impôt ; que le point de départ du délai de reprise par l'administration des impositions redevenues exigibles du fait du retrait de l'agrément est le jour du fait générateur de l'impôt, soit, s'agissant de l'impôt sur le revenu, le 31 décembre de l'année au titre de laquelle l'imposition est due ; que, par suite, le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE n'est pas fondé à soutenir que la cour administrative d'appel de Nantes aurait commis une erreur de droit en jugeant que le délai de reprise de l'administration fiscale courait à compter du 31 décembre 1993 et non à compter de la date à laquelle l'administration a eu connaissance du non-respect des engagements auxquels le bénéfice de l'agrément était subordonné ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 189 du livre des procédures fiscales : " La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de redressement, par la déclaration ou la notification d'un procès-verbal, de même que par tout acte comportant reconnaissance de la part des contribuables et par tous les autres actes interruptifs de droit commun. (...) " ; que si le ministre soutient en cassation que la cour administrative d'appel aurait commis une erreur " au regard de la matérialité des faits et des dispositions applicables " en ne tenant pas compte d'un courrier adressé le 27 mai 2003 par le directeur des services fiscaux de la Guadeloupe à M. A, l'arrêt attaqué ne se prononce pas sur le caractère interruptif de ce courrier, sans que le ministre soutienne que la cour aurait omis de répondre à un moyen présenté devant elle ; que ce moyen, qui n'est pas né de l'arrêt attaqué, est donc sans incidence sur le bien-fondé de cet arrêt ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera la somme de 3 000 euros à M. A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT, PORTE-PAROLE DU GOUVERNEMENT et à M. Jean A.


Synthèse
Formation : 10ème et 9ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 326760
Date de la décision : 04/04/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-05-01-005 CONTRIBUTIONS ET TAXES. GÉNÉRALITÉS. RECOUVREMENT. ACTION EN RECOUVREMENT. PRESCRIPTION. - RETRAIT D'AGRÉMENT (ARTICLE 1756 DU CGI) - 1) APPLICABILITÉ DU DÉLAI DE REPRISE ÉDICTÉ PAR L'ARTICLE L. 186 DU LPF - EXISTENCE - 2) POINT DE DÉPART DU DÉLAI DE REPRISE - JOUR DU FAIT GÉNÉRATEUR DE L'IMPÔT.

19-01-05-01-005 1) Le délai général de prescription édicté par l'article L. 186 du livre des procédures fiscales (LPF) est applicable aux conséquences des retraits d'agrément prononcés en application de l'article 1756 du code général des impôts (CGI), lequel ne peut être regardé comme ayant expressément entendu permettre à l'administration d'exercer un droit de reprise sans limitation de durée. 2) Le point de départ du délai de reprise par l'administration des impositions redevenues exigibles du fait du retrait de l'agrément est le jour du fait générateur de l'impôt, soit, s'agissant de l'impôt sur le revenu, le 31 décembre de l'année au titre de laquelle l'imposition est due, et non la date à laquelle l'administration a eu connaissance du non-respect des engagements.


Publications
Proposition de citation : CE, 04 avr. 2012, n° 326760
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Philippe Martin
Rapporteur ?: M. Gilles Pellissier
Rapporteur public ?: Mme Delphine Hedary
Avocat(s) : SCP ODENT, POULET

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:326760.20120404
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