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10/04/2012 | FRANCE | N°357492

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 10 avril 2012, 357492


Vu la requête, enregistrée le 12 mars 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la société MACO PHARMA, dont le siège est situé rue Lorthiois à Mouvaux (59420), représentée par son président directeur général ; la société demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) de suspendre, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de la décision du 10 octobre 2011 par laquelle le directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) a

modifié la décision du 20 octobre 2010 fixant la liste des produits sanguins labil...

Vu la requête, enregistrée le 12 mars 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la société MACO PHARMA, dont le siège est situé rue Lorthiois à Mouvaux (59420), représentée par son président directeur général ; la société demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) de suspendre, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de la décision du 10 octobre 2011 par laquelle le directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) a modifié la décision du 20 octobre 2010 fixant la liste des produits sanguins labiles autorisés, ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux formé à son encontre ;

2°) d'enjoindre à l'Afssaps de maintenir le plasma viro-atténué au bleu de méthylène sur cette liste ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que la condition d'urgence est remplie dès lors que la décision contestée est entrée en vigueur depuis le 1er mars 2012 et qu'elle porte une atteinte grave, immédiate et difficilement réparable aux intérêts de la société requérante ainsi qu'à l'intérêt général qu'il y a à préserver la santé publique ; que plusieurs moyens sont susceptibles de créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ; que la Commission nationale d'hémovigilance n'a pas été consultée, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 1221-28 du code de la santé publique, et que les procédures ainsi que les formes imposées à l'adoption d'une telle décision n'ont pas été suivies, en méconnaissance des articles R. 5211-22 et R. 5121-10 à R. 5121-20 de ce code ; que le directeur général de l'Afssaps a entaché sa décision de plusieurs erreurs d'appréciation ; qu'il a visé un avis de l'Établissement français du sang tout en adoptant une position contraire à lui ; qu'il a motivé sa décision sur une variabilité de la concentration en fibrinogène non suffisamment démontrée ; que l'existence d'une fréquence plus élevée de réactions allergiques sévères pour motiver sa décision de retirer le produit litigieux de la liste n'est pas établie ; qu'il n'a pas procédé à une évaluation comparative du bilan coûts/avantages des procédés de substitution ; que sa décision ne prend pas en compte les impératifs de la politique d'indépendance nationale en matière d'autosuffisance en produits sanguins ni le principe de gratuité des dons ;

Vu la décision dont la suspension de l'exécution est demandée ;

Vu la copie de la requête à fin d'annulation ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 27 mars 2012, présenté par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé qui conclut au rejet de la requête ; elle soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie ; que la société requérante n'a pas fait preuve de diligence en attendant plus de quatre mois avant de contester les décisions litigieuses devant un juge ; qu'aucune atteinte grave et immédiate à ses intérêts économiques pas plus qu'à l'intérêt général n'est caractérisée ; qu'il y a un intérêt général à protéger la santé publique en ne suspendant pas la décision contestée ; que l'application de la législation relative aux éléments et produits du corps humain n'a entraîné aucune erreur de droit ; que le moyen tiré de l'avis exprimé par l'Établissement français du sang est inopérant ; que la question de la concentration en fibrinogène pouvait motiver le retrait litigieux ; qu'en appréciant les éléments relatifs aux risques allergiques qui étaient à sa disposition, le directeur n'a commis aucune erreur manifeste ; que le moyen tiré de l'absence d'évaluation comparative du bilan coûts/avantages des procédés de substitution est inopérant dès lors que plusieurs scenarii ont été envisagés ; que la décision contestée tient compte des impératifs de la politique d'indépendance nationale en matière de produits sanguins ;

Vu les observations, enregistrées le 27 mars 2012, présentées par le ministre du travail, de l'emploi et de la santé ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la société MACO PHARMA et, d'autre part, l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 2 avril 2012 à 10 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Odent, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la société MACO PHARMA ;

- les représentants de la société MACO PHARMA ;

- les représentants de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé ;

- les représentants du ministre du travail, de l'emploi et de la santé ;

et à l'issue de laquelle le juge des référés a prolongé l'instruction jusqu'au 6 avril 2012 à 18 heures, afin de permettre à la société MACO PHARMA de verser au débat contradictoire un document comptable exposant la part de son chiffre d'affaire représentée par les ventes du produit litigieux en France ;

Vu les pièces, enregistrées le 5 avril 2012, présentées pour la société MACO PHARMA en réponse au supplément d'instruction ;

Vu le mémoire, enregistré le 6 avril 2012, présenté par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, qui soutient que les pièces comptables produites ne permettent pas de considérer que la condition de l'urgence est remplie ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision " ;

Considérant qu'en vertu du 1° de l'article L. 1221-8 du code de la santé publique, à l'exception des produits sanguins labiles destinés à des recherches biomédicales, seuls peuvent être distribués ou délivrés à des fins thérapeutiques, les produits sanguins labiles dont la liste et les caractéristiques sont fixées par décision de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps), après avis de l'Établissement français du sang ; que, par une décision du 10 octobre 2011, prenant effet le 1er mars 2012, le directeur général de l'Afssaps a modifié sa décision du 20 octobre 2010 fixant la liste et les caractéristiques des produits sanguins labiles ; qu'il a, en particulier, décidé d'en retirer le plasma frais congelé déleucocyté viro-atténué par bleu de méthylène ; que ce retrait se fonde, d'une part, sur une remise en cause de la sécurité d'utilisation de ce produit du fait d'une fréquence plus élevée de réactions allergiques sévères entre 2005 et 2010, d'autre part, sur l'identification d'une variabilité de concentration en fibrinogène, laquelle est une protéine jouant un rôle dans la coagulation, entre les établissements de transfusion sanguine, témoignant d'une difficulté de maîtrise de ce procédé de fabrication de plasma ;

Considérant que, si les décisions prises par le directeur général de l'Afssaps sur le fondement de l'article L. 1221-8 du code de la santé publique sont soumises au contrôle du juge de l'excès de pouvoir, celui-ci ne peut censurer l'appréciation portée par cette autorité sur l'existence d'un risque pour la santé publique que si cette appréciation est entachée d'une erreur manifeste ; qu'en l'état de l'instruction, il ne ressort ni des pièces du dossier ni des précisions apportées lors de l'audience que les éléments invoqués par la société MACO PHARMA à l'encontre de la décision contestée permettent de regarder le moyen tiré de l'existence, en l'espèce, d'une telle erreur comme étant propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de cette décision ;

Considérant qu'aucun des autres moyens invoqués par la requérante n'est de nature à créer, en l'état de l'instruction, un tel doute ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur l'urgence, que la société MACO PHARMA n'est pas fondée à demander que l'exécution de la décision contestée soit suspendue ; qu'il s'ensuit que la requête doit être rejetée, y compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de la société MACO PHARMA est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la société MACO PHARMA, à l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé ainsi qu'au ministre du travail, de l'emploi et de la santé.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 10 avr. 2012, n° 357492
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jacques Arrighi de Casanova
Avocat(s) : SCP ODENT, POULET

Origine de la décision
Formation : Juge des référés
Date de la décision : 10/04/2012
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 357492
Numéro NOR : CETATEXT000025685561 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2012-04-10;357492 ?
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