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12/04/2012 | FRANCE | N°347574

France | France, Conseil d'État, 2ème sous-section jugeant seule, 12 avril 2012, 347574


Vu le pourvoi, enregistré le 18 mars 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour Mlle Hamada A, demeurant ... ; Mlle A demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt n° 09BX01869 du 6 juillet 2010 par laquelle la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement n° 0900819 du 3 juillet 2009 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 mars 2009 par lequel le préfet des Pyrénées-Atlantiques a refusé de lui accorder un titre de séjour, l'a obligée à qu

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Vu le pourvoi, enregistré le 18 mars 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour Mlle Hamada A, demeurant ... ; Mlle A demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt n° 09BX01869 du 6 juillet 2010 par laquelle la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement n° 0900819 du 3 juillet 2009 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 mars 2009 par lequel le préfet des Pyrénées-Atlantiques a refusé de lui accorder un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et fixé les Comores comme pays de destination ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

Vu la loi organique n° 2009-969 du 3 août 2009 ;

Vu le code civil ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Aymeric Pontvianne, chargé des fonctions de Maître des requêtes,

- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de Mlle A,

- les conclusions de M. Damien Botteghi, rapporteur public,

La parole ayant à nouveau été donnée à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de Mlle A ;

Sur le pourvoi :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mlle A, ressortissante comorienne entrée en France métropolitaine en septembre 2008, a fait l'objet, le 9 mars 2009, d'un arrêté du préfet des Pyrénées-Atlantiques portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ; que, par un jugement en date du 2 juillet 2009, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ; que Mlle A se pourvoit en cassation à l'encontre de l'arrêt du 6 juillet 2010 par lequel la cour administrative de Bordeaux a rejeté sa requête tendant à l'annulation de ce jugement ;

Considérant que Mlle A a soutenu devant la cour administrative d'appel qu'elle possède la nationalité française par filiation, son père naturel, M. Kassime B, étant français ; qu'elle a produit à cet effet les papiers d'identité français de M. B ainsi que le certificat de nationalité française de ce dernier, établi par le tribunal de première instance de Mamoudzou-Mayotte le 10 mai 1995 sur la base d'un avis du ministère français de la justice en date du 22 septembre 1989, également produit au dossier, qui déclare que M. B est français en sa qualité d'originaire des Comores ; qu'ainsi, en estimant que Mlle A n'établissait pas ni même n'alléguait que M. B avait la nationalité française au jour de sa naissance, la cour administrative d'appel a dénaturé les pièces du dossier ; que, dès lors, son arrêt doit être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Sur la légalité externe de l'arrêté attaqué :

Considérant que l'arrêté attaqué a été signé par le secrétaire général de la préfecture des Pyrénées-Atlantiques, qui bénéficiait d'une délégation régulièrement publiée à cette fin ; que la validité de cette délégation n'était pas subordonnée à l'empêchement du préfet ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision doit être écarté ;

Considérant que le refus de titre de séjour et la décision fixant le pays de destination mentionnent l'ensemble des circonstances de fait et de droit qui en constituent le fondement ; que l'obligation de quitter le territoire français n'avait pas à être motivée, ainsi qu'il ressort des termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui a pour objet de déroger à l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ; qu'elle ne saurait non plus, en tout état de cause, utilement exciper de l'incompatibilité de cet article L. 511-1 avec " le principe de la motivation de toute décision de justice dégagé par la cour européenne des droits de l'homme ", dès lors qu'une obligation de quitter le territoire ne saurait être regardée comme une décision juridictionnelle ;

Sur la légalité interne de l'arrêté attaqué :

Considérant, en premier lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet des Pyrénées-Atlantiques se soit abstenu de procéder à un examen particulier de la situation de la requérante ;

Considérant, en deuxième lieu, si Mlle A a produit un jugement supplétif de naissance en date du 18 avril 2002 rendu par le tribunal de 1ère instance de Fomboni qui juge qu'elle est fille de M. B, elle a également produit un jugement qui porte les mêmes références et la même date et a été rendu par le même tribunal, et qui la déclare fille de M. Hamada C ; qu'elle a également produit deux extraits du registre des actes de naissance de la préfecture du centre de Fomboni, qui portent les mêmes mentions contradictoires quant à sa filiation ; que, par suite, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mlle A puisse sérieusement prétendre à la nationalité française ; qu'elle n'est pas fondée à soutenir que l'exception de nationalité qu'elle soulève présente une difficulté sérieuse ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " ... l'octroi de la carte de séjour temporaire et celui de la carte de séjour "compétences et talents" sont subordonnés à la production par l'étranger d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois " ; qu'aux termes de l'article R. 313-1 du même code : " L'étranger qui, n'étant pas déjà admis à résider en France, sollicite la délivrance d'une carte de séjour temporaire présente à l'appui de sa demande... un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois... " ; qu'aux termes de l'article R. 313-10 du même code : " Peut être exempté, sur décision du préfet, de l'obligation de présentation du visa de long séjour prescrite au 3° de l'article R. 313-1 : / 1° L'étranger qui suit en France un enseignement ou y fait des études, en cas de nécessité liée au déroulement des études. Sauf cas particulier, l'étranger doit justifier avoir accompli quatre années d'études supérieures et être titulaire d'un diplôme, titre ou certificat au moins équivalent à celui d'un deuxième cycle universitaire ou d'un titre d'ingénieur. Il est tenu compte des motifs pour lesquels le visa de long séjour ne peut être présenté à l'appui de la demande de titre de séjour, du niveau de formation de l'intéressé, ainsi que des conséquences que présenterait un refus de séjour pour la suite de ses études ; / 2° L'étranger qui a suivi une scolarité en France depuis au moins l'âge de seize ans et qui y poursuit des études supérieures. A l'appui de sa demande, l'étranger doit justifier du caractère réel et sérieux des études poursuivies " ; qu'aux termes de l'article L. 111-3 du même code : " Au sens des dispositions du présent code, l'expression "en France" s'entend de la France métropolitaine, des départements d'outre-mer et de Saint-Pierre-et-Miquelon " ;

Considérant, d'une part, que si Mlle A soutient qu'elle était dispensée de produire au soutien de sa demande de titre de séjour le visa exigé par les dispositions des articles L. 311-7 et R. 313-1 du fait de son séjour à Mayotte, il ressort de ces dispositions qu'un séjour à Mayotte ne peut être regardé comme un séjour " en France " au sens et pour l'application des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'elle ne saurait utilement se prévaloir de la départementalisation de Mayotte décidée par l'article 63 de la loi organique du 3 août 2009, lequel est postérieur à l'arrêté attaqué et n'a pas eu pour conséquence, en tout état de cause, la modification des règles spéciales applicables à Mayotte dans le domaine concerné ; que, si elle soutient que l'exigence d'un visa constitue une différence de traitement entre les habitants de Mayotte et ceux des autres régions françaises qui serait contraire à la Constitution, un tel moyen, faute d'avoir été présenté dans un écrit distinct ainsi que l'exige expressément, et à peine d'irrecevabilité, l'article 23-1 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, doit être écarté comme irrecevable ; que, d'autre part, la requérante n'établit pas se trouver dans l'une des deux situations visées par les dispositions de l'article R. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'ainsi, elle n'est pas fondée à soutenir qu'elle pouvait à bon droit prétendre à l'octroi d'un titre de séjour d'étudiant ;

Considérant, en quatrième lieu, que Mlle A ne saurait utilement invoquer à l'encontre de la décision attaquée la méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont elle ne s'était pas prévalu à l'appui de sa demande;

Considérant, en cinquième lieu, que si Mlle A fait valoir qu'elle a vécu à Mayotte depuis l'école primaire avec toute sa famille en situation régulière, les liens personnels et familiaux ainsi allégués ne peuvent être regardés comme s'étant développés " en France " au sens des dispositions précitées ; que, célibataire et sans charge familiale, elle est entrée en France métropolitaine en septembre 2008, à l'âge de vingt ans ; que si elle soutient ne plus avoir d'attaches familiales aux Comores, elle n'établit ni même n'allègue avoir de telles attaches sur le territoire métropolitain ; qu'ainsi, eu égard à la durée et aux conditions du séjour de Mlle A en France métropolitaine, le préfet des Pyrénées-Atlantiques n'a pas, en lui refusant un titre de séjour et en l'obligeant à quitter le territoire français, porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, ni porté une appréciation manifestement erronée sur les conséquences de ces décisions sur sa situation personnelle ;

Considérant, en sixième lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; que l'absence d'attache familiale dans le pays d'origine ne suffit pas à établir le risque d'un traitement prohibé par ces stipulations ; qu'en l'absence d'élément précis sur les risques courus, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations ne peut qu'être écarté ;

Considérant, toutefois, en septième lieu, que si le préfet a désigné les Comores comme pays de renvoi de Mlle A, il ressort des pièces du dossier, et n'est pas sérieusement contesté, que Mlle A est originaire de Mayotte, où elle a résidé de nombreuses années et où l'essentiel de sa famille séjourne régulièrement ; que, par suite, Mlle A est fondée à demander l'annulation de l'arrêté attaqué en tant qu'il fixe les Comores comme pays de destination ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mlle A est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 mars 2009 en tant que, par cet arrêté, le préfet des Pyrénées-Atlantiques a fixé les Comores comme pays de destination ; que les conclusions de la requérante tendant à ce qu'il soit enjoint à l'administration de lui accorder un titre de séjour ou, à défaut, une autorisation provisoire de séjour ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ; qu'enfin, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la requérante tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux en date du 6 juillet 2010 est annulé.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Pau en date du 3 juillet 2009 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de la demande de Mlle A tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 mars 2009 du préfet des Pyrénées-Atlantiques en tant qu'il fixe les Comores comme pays de renvoi.

Article 3 : L'arrêté du préfet des Pyrénées-Atlantiques en date du 9 mars 2009 est annulé en tant qu'il fixe les Comores comme pays de renvoi.

Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mlle Hamada A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.


Synthèse
Formation : 2ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 347574
Date de la décision : 12/04/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 12 avr. 2012, n° 347574
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Edmond Honorat
Rapporteur ?: M. Aymeric Pontvianne
Rapporteur public ?: M. Damien Botteghi
Avocat(s) : SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:347574.20120412
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