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24/04/2012 | FRANCE | N°325454

France | France, Conseil d'État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 24 avril 2012, 325454


Vu la requête, enregistrée le 20 février 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour l'UNION DES INDUSTRIES DE LA FERTILISATION, dont le siège est Le Diamant A 14 rue de la République à Puteaux (92800) par laquelle l'UNION DES INDUSTRIES DE LA FERTILISATION demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 18 décembre 2008 du ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire relatif aux prescriptions générales applicables aux installations classées soum

ises à déclaration sous la rubrique n° 1330 ;

2°) de mettre à la charge d...

Vu la requête, enregistrée le 20 février 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour l'UNION DES INDUSTRIES DE LA FERTILISATION, dont le siège est Le Diamant A 14 rue de la République à Puteaux (92800) par laquelle l'UNION DES INDUSTRIES DE LA FERTILISATION demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 18 décembre 2008 du ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire relatif aux prescriptions générales applicables aux installations classées soumises à déclaration sous la rubrique n° 1330 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Eric Aubry, Conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Cyril Roger-Lacan, rapporteur public ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 512-10 du code de l'environnement : " pour la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1, le ministre chargé des installations classées peut fixer par arrêté, après consultation des ministres intéressés et du Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques, les prescriptions générales applicables à certaines catégories d'installations soumises à déclaration. Les projets de prescriptions générales font l'objet d'une publication, éventuellement par voie électronique, avant leur transmission au Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques. / Ces arrêtés s'imposent de plein droit aux installations nouvelles. Ils précisent, après avis des organisations professionnelles intéressées, les délais et les conditions dans lesquels ils s'appliquent aux installations existantes. Ils précisent également les conditions dans lesquelles ces prescriptions peuvent être adaptées par arrêté préfectoral aux circonstances locales " ; que l'UNION DES INDUSTRIES DE LA FERTILISATION demande l'annulation de l'arrêté du 18 décembre 2008 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations classées soumises à déclaration sous la rubrique 1330 de la nomenclature des installations classées (stockage de nitrate d'ammonium) pris par le ministre chargé de l'environnement sur le fondement de ces dispositions ;

Sur les conclusions dirigées contre l'ensemble de l'arrêté attaqué:

Considérant que l'union requérante soutient que l'arrêté attaqué n'a été précédé, en méconnaissance de l'article L. 512-10 précité, ni de la consultation de certains des ministres intéressés ni du recueil de l'avis de certaines organisations professionnelles intéressées ;

Considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce qui est soutenu, il ressort des pièces du dossier que le ministre de l'intérieur, le ministre de la défense, le ministre chargé de l'industrie, le ministre chargé du travail et le ministre chargé de l'agriculture ont été consultés sur le projet d'arrêté ;

Considérant, en second lieu, que les organisations professionnelles intéressées, mentionnées au troisième alinéa de l'article L. 512-10, sont celles dont les membres exploitent des installations au sens de l'article L. 511-1, auxquelles l'arrêté ministériel en cause impose des prescriptions ; que l'arrêté attaqué fixe des règles techniques auxquelles doivent satisfaire les exploitations de stockage de nitrate d'ammonium soumises à déclaration au titre de la réglementation des installations classées ; que, contrairement à ce que soutient la requérante, le syndicat national des entrepreneurs de travaux publics spécialisés dans l'utilisation d'explosifs (SYNDUEX) et le groupe intersyndical de l'industrie nucléaire (GIIN), qui ne regroupent pas des installations classées soumises à déclaration au titre de la rubrique 1330 de la nomenclature des installations classées ne sont pas des organisations professionnelles intéressées au sens de l'article L. 512-10 ; qu'ils n'avaient dès lors pas à être saisis pour avis du projet d'arrêté ;

Sur les conclusions dirigées contre certaines dispositions de l'annexe I de l'arrêté attaqué :

En ce qui concerne l'article 2.1 relatif aux distances minimales d'implantation :

Considérant que cet article a pour objet de faire respecter une double distance d'éloignement de la zone à exploiter d'au moins 20 mètres des limites de propriété et de 50 mètres des locaux habités ; qu'en prévoyant, à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, que, pour la protection des intérêts qui y sont énumérés, au nombre desquels figure la " commodité du voisinage ", le ministre chargé de l'environnement peut prévoir " les prescriptions générales applicables à certaines catégories d'installations soumises à déclaration ", le législateur a habilité ce ministre à fixer une distance minimale que doit respecter, pendant toute la durée son exploitation, l'installation par rapport aux propriétés et habitations ; que, compte tenu des effets létaux possibles des installations soumises à déclaration, le ministre n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en fixant à 50 mètres la distance à respecter en permanence entre ces installations et les locaux habités; qu'il résulte de ce qui précède que le ministre a pu légalement fixer la règle contestée sans excéder l'habilitation dont il disposait ;

En ce qui concerne les articles 2.6, 2.12, 4.1 et 4.5 :

Considérant que l'union requérante soutient que ces articles seraient illégaux en tant que les règles qu'ils posent, s'agissant de la ventilation et l'aménagement des locaux, la localisation des risques et l'interdiction des feux s'appliqueraient non seulement au stockage mais aussi à la manipulation et à l'emploi du nitrate d'ammonium alors que la rubrique 1330 ne vise que les installations de stockage de cette substance ; que, toutefois, les dispositions contestées ont pour seul objet de régir les conditions dans lesquelles le nitrate d'ammonium est stocké et, le cas échéant, celles dans lesquelles il est manipulé pour les besoins de son stockage et ne sauraient avoir pour effet de poser des obligations opposables aux installations utilisant cette substance sans pour autant la stocker ; qu'il suit de là que le moyen doit être écarté ;

En ce qui concerne l'article 4.8 relatif aux appareils mécaniques de manutention :

Considérant, en premier lieu, que contrairement à ce qui est soutenu, le troisième alinéa de cet article n'est pas entaché de contradiction avec les autres dispositions de l'arrêté traitant du nitrate d'ammonium en ce qu'il interdit tout contact des appareils mécaniques et tout mélange de matière combustible avec le nitrate d'ammonium technique ;

Considérant, en second lieu, que cet article définit des obligations applicables tant aux installations existantes qu'aux installations nouvelles ; que si, ainsi que le reconnaît d'ailleurs le ministre chargé de l'environnement, l'annexe II de l'arrêté attaqué comporte une erreur quant à la date d'entrée en vigueur des alinéas cinq et six de l'article 4.8, cette erreur matérielle est sans incidence sur la légalité de ces dispositions ;

En ce qui concerne l'article 7.7 relatif à la gestion des produits générés par le nitrate d'ammonium:

Considérant que, contrairement à ce qui est soutenu, cet article, qui relève de la section 7 de l'annexe I relative aux déchets, ne s'applique qu'aux déchets générés par le nitrate d'ammonium et ne concerne ni le nitrate d'ammonium technique ni le nitrate d'ammonium en solution chaude ;

En ce qui concerne l'article 4.9.1 relatif au stockage du nitrate d'ammonium technique :

Considérant que la disposition contestée prévoit, s'agissant du stockage en vrac de nitrate d'ammonium technique, que " la taille maximale des tas est limitée à 50 tonnes " ;

Considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce qui est soutenu, la circonstance que l'activité de stockage de nitrate d'ammonium technique ne soit soumise à déclaration qu'à partir d'une quantité totale égale ou supérieur à 100 tonnes n'entache pas d'illégalité l'exigence d'un fractionnement en tas de 50 tonnes pour les installations soumises à déclaration ;

Considérant, en second lieu, que dès lors qu'il n'est pas contesté que la distance pour éviter les effets létaux est de 50 mètres pour 50 tonnes de matières stockées en vrac, le ministre de l'environnement a pu légalement imposer de fractionner le nitrate d'ammonium stocké en vrac en tas de 50 tonnes;

En ce qui concerne l'article 4.10 relatif à la détection automatique d'incendie ou de combustion :

Considérant que les conditions matérielles dans lesquelles seraient appliqués, selon la requérante, les systèmes de détection automatique qui fonctionnent en permanence sont sans incidence sur la légalité de l'obligation, posée par la disposition contestée, de les faire fonctionner en permanence aux fins de détecter efficacement les risques d'incendie et de combustion engendrés par l'activité de stockage de nitrate d'ammonium ;

En ce qui concerne l'article 5.8 relatif à l'épandage des déchets :

Considérant, d'une part, que la circonstance que, s'agissant des installations relevant de la rubrique 1331 relative aux engrais solides simples et composés à base de nitrate d'ammonium, l'épandage des déchets ne soit pas interdit est sans incidence sur la légalité de l'interdiction générale visant les installations classées soumises à déclaration sous la rubrique 1330, posée à l'article contesté, d'épandre des déchets, effluents et sous-produits ;

Considérant, d'autre part, que, contrairement à ce qui est soutenu, le ministre chargé de l'environnement a pu légalement, compte tenu des substances contenues dans les déchets, effluents, et sous produits, poser une telle interdiction générale afin de parer aux risques de pollution du sol et des nappes phréatiques ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'UNION DES INDUSTRIES DE LA FERTILISATION n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 18 décembre 2008 ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées, sur leur fondement, par l'UNION DES INDUSTRIES DE LA FERTILISATION ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce de faire droit aux conclusions, présentées sur le même fondement, par le ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de l'UNION DES INDUSTRIES DE LA FERTILISATION est rejetée

Article 2 : Les conclusions présentées par l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'UNION DES INDUSTRIES DE LA FERTILISATION et au Premier ministre, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.


Synthèse
Formation : 6ème et 1ère sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 325454
Date de la décision : 24/04/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITÉ DES ACTES ADMINISTRATIFS - COMPÉTENCE - LOI ET RÈGLEMENT - HABILITATIONS LÉGISLATIVES - ART - L - 512-10 DU CODE DE L'ENVIRONNEMENT - DISPOSITIONS HABILITANT LE MINISTRE À ÉDICTER DES PRESCRIPTIONS GÉNÉRALES APPLICABLES À DES CATÉGORIES D'ICPE SOUMISES À DÉCLARATION - HABILITATION À ÉDICTER DES RÈGLES DE DISTANCE MINIMALE APPLICABLES TOUT AU LONG DE L'EXPLOITATION - EXISTENCE [RJ1].

01-02-01-04 L'article L. 512-10 du code de l'environnement habilite le ministre chargé de l'environnement à fixer une distance minimale que doivent respecter, pendant toute la durée de leur exploitation, les installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) par rapport aux propriétés et habitations.

NATURE ET ENVIRONNEMENT - INSTALLATIONS CLASSÉES POUR LA PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT - RÉGIME JURIDIQUE - POUVOIRS DU MINISTRE - POUVOIR D'ÉDICTION DE PRESCRIPTIONS GÉNÉRALES APPLICABLES À DES CATÉGORIES D'ICPE SOUMISES À DÉCLARATION (ART - L - 512-10 DU CODE DE L'ENVIRONNEMENT) - 1) PORTÉE - POUVOIR D'ÉDICTER DES RÈGLES DE DISTANCE MINIMALE APPLICABLES TOUT AU LONG DE L'EXPLOITATION - EXISTENCE [RJ1] - 2) INSTALLATIONS DE STOCKAGE EN VRAC DE NITRATE D'AMMONIUM TECHNIQUE - INSTALLATIONS SOUMISES À DÉCLARATION À COMPTER DE 100 TONNES DE NITRATE STOCKÉ - POSSIBILITÉ D'IMPOSER - POUR LES INSTALLATIONS CONCERNÉES - LE FRACTIONNEMENT DES STOCKS EN TAS DE 50 TONNES MAXIMUM - EXISTENCE.

44-02-02-02 1) L'article L. 512-10 du code de l'environnement habilite le ministre chargé de l'environnement à fixer une distance minimale que doivent respecter, pendant toute la durée de leur exploitation, les installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) par rapport aux propriétés et habitations.... ...2) Le ministre chargé de l'environnement peut légalement imposer, sur le fondement de l'article L. 512-10, aux installations de stockage en vrac de nitrate d'ammonium technique soumises à déclaration de fractionner leurs stocks en tas de 50 tonnes maximum, alors même que le régime de la déclaration ne s'impose qu'au-delà de 100 tonnes stockées et que les installations stockant moins de 100 tonnes qui échappent à ces prescriptions pourront constituer des tas supérieurs à 50 tonnes.


Références :

[RJ1]

Cf. CE, 5 avril 2002, Syndicat national des activités du déchet, Groupement national des PME du déchet et de l'environnement, Union nationale des exploitants du déchet c/ Ministre de l'équipement, des transports et du logement, n° 212741, T. pp. 583-893-895.


Publications
Proposition de citation : CE, 24 avr. 2012, n° 325454
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Christian Vigouroux
Rapporteur ?: M. Eric Aubry
Rapporteur public ?: M. Cyril Roger-Lacan

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:325454.20120424
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