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24/04/2012 | FRANCE | N°345301

France | France, Conseil d'État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 24 avril 2012, 345301


Vu la requête, enregistrée le 24 décembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Jérémy A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la circulaire n° 09-519-H11 du 4 novembre 2010 du ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés concernant l'application des dispositions du code de procédure pénale relatives à la garde à vue ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le

code de procédure pénale ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir e...

Vu la requête, enregistrée le 24 décembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Jérémy A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la circulaire n° 09-519-H11 du 4 novembre 2010 du ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés concernant l'application des dispositions du code de procédure pénale relatives à la garde à vue ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Sophie Roussel, Auditeur,

- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;

Considérant que M. A demande l'annulation de la circulaire du 4 novembre 2010 du ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés concernant l'application des dispositions du code de procédure pénale relatives à la garde à vue ; que, par cette circulaire, adressée aux magistrats du parquet pour attribution et aux magistrats du siège pour information, le garde des sceaux a prescrit aux magistrats du parquet, après avoir rappelé la jurisprudence du Conseil constitutionnel et de la Cour de cassation sur le régime de la garde à vue alors en vigueur, d'organiser dans leurs ressorts des réunions afin de souligner la nécessité d'appliquer strictement les dispositions, toujours en vigueur, du code de procédure pénale relatives à la garde à vue ;

Sur la compétence de la juridiction administrative :

Considérant que la juridiction administrative est compétente pour connaître des recours pour excès de pouvoir dirigés contre les instructions ou circulaires par lesquelles l'autorité ministérielle fait connaître, au moyen de dispositions impératives à caractère général, l'interprétation qu'elle entend donner des lois et règlements ; qu'il en va ainsi alors même que les instructions ou circulaires concernent la procédure pénale, sous réserve toutefois qu'elles ne se rapportent pas directement et exclusivement au déroulement d'une procédure judiciaire ;

Considérant que la circulaire attaquée, adressée pour attribution aux magistrats du parquet et pour information aux magistrats du siège, a pour objet de rappeler les dispositions du code de procédure pénale relatives à la garde à vue en vigueur à la suite, d'une part, de la décision n° 2010-14/22 QPC du Conseil constitutionnel en date du 30 juillet 2010, d'autre part, des arrêts nos 5699, 5700 et 5701 de la chambre criminelle de la Cour de cassation en date du 19 octobre 2010 ; que la circulaire attaquée ne se rapporte pas au déroulement de procédures judiciaires particulières et est par elle-même sans effet sur la régularité des procédures judiciaires ; qu'il ne peut dès lors être soutenu que la juridiction administrative serait incompétente pour connaître de la requête de M. A tendant à son annulation ;

Sur les conclusions à fin de non-lieu :

Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la circulaire du 4 novembre 2010, alors même qu'elle a été implicitement mais nécessairement abrogée par une circulaire du 15 avril 2011 relative aux droits de la personne gardée à vue, postérieure à l'introduction de la requête, n'a pas reçu application ; que, par suite, le ministre n'est pas fondé à soutenir que les conclusions de la requête dirigées contre la circulaire du 4 novembre 2010, enregistrées le 24 décembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, seraient privées d'objet ;

Sur la légalité de la circulaire attaquée :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés ;

Considérant que lorsqu'une autorité administrative commente, par la voie d'une circulaire, une décision de justice, et prescrit d'en tirer certaines conséquences, elle ne peut que respecter l'autorité qui s'attache à cette décision ; qu'il n'appartient pas au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un recours dirigé contre une telle circulaire, d'apprécier le bien-fondé de la décision de justice commentée ; qu'il lui appartient en revanche d'apprécier, dans l'exercice de son contrôle de légalité et dans la limite des moyens soulevés, si l'interprétation retenue par la circulaire ne méconnaît pas le sens et la portée de cette décision ;

Considérant que la circulaire attaquée n'a pas d'autre objet que de commenter la jurisprudence constitutionnelle et judiciaire, en vigueur à la date de son édiction, relative aux dispositions du code de procédure pénale concernant la garde à vue et de prescrire aux magistrats du ministère public de s'y conformer en mettant en oeuvre strictement les dispositions pertinentes du code de procédure pénale, toujours applicables, dans l'attente de l'entrée en vigueur de la loi destinée à les mettre en conformité avec les exigences constitutionnelles et conventionnelles ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que cette circulaire serait entachée d'illégalité en ce qu'elle prescrirait de continuer à appliquer des dispositions du code de procédure pénale contraires aux stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et en ce qu'elle ferait obstacle, fût-ce pour une durée déterminée, à l'application immédiate des principes découlant de ces stipulations, ne peut qu'être écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à demander l'annulation de la circulaire attaquée ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Jérémy A et au garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.


Synthèse
Formation : 6ème et 1ère sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 345301
Date de la décision : 24/04/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - DIFFÉRENTES CATÉGORIES D'ACTES - ACTES ADMINISTRATIFS - NOTION - INSTRUCTIONS ET CIRCULAIRES - CIRCULAIRE INTERPRÉTATIVE À PORTÉE IMPÉRATIVE - INTERPRÉTATION D'UNE DÉCISION DE JUSTICE - DEMANDE D'ANNULATION POUR EXCÈS DE POUVOIR - 1) CONTRÔLE DU JUGE DE L'EXCÈS DE POUVOIR - A) CONTRÔLE DU BIEN-FONDÉ DE LA DÉCISION DE JUSTICE - ABSENCE - B) CONTRÔLE DE LA CONFORMITÉ À LA DÉCISION DE JUSTICE DE L'INTERPRÉTATION QUI EN EST DONNÉE - EXISTENCE - 2) REVIREMENT DE JURISPRUDENCE POSTÉRIEUR À LA CIRCULAIRE - NON-LIEU À STATUER - ABSENCE (SOL - IMPL - ) [RJ1].

01-01-05-03 1) a) Il n'appartient pas au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un recours contre une circulaire commentant une décision de justice et prescrivant d'en tirer certaines conséquences, d'apprécier le bien-fondé de la décision de justice commentée. b) Il lui appartient en revanche d'apprécier, dans l'exercice de son contrôle de légalité et dans la limite des moyens soulevés, si l'interprétation retenue par la circulaire ne méconnaît pas le sens et la portée de cette décision. 2) Le recours pour excès de pouvoir dirigé contre une telle circulaire ne perd pas son objet du fait de l'abandon, postérieur à l'introduction du recours, de la jurisprudence commentée.

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - DIFFÉRENTES CATÉGORIES D'ACTES - ACTES ADMINISTRATIFS - NOTION - INSTRUCTIONS ET CIRCULAIRES - LÉGALITÉ - CIRCULAIRE IMPÉRATIVE INTERPRÉTANT UNE DÉCISION DE JUSTICE - CONTRÔLE PAR LE JUGE DE L'EXCÈS DE POUVOIR - PORTÉE - 1) CONTRÔLE DU BIEN-FONDÉ DE LA DÉCISION DE JUSTICE - ABSENCE - 2) CONTRÔLE DE LA CONFORMITÉ À LA DÉCISION DE JUSTICE DE L'INTERPRÉTATION QUI EN EST DONNÉE - EXISTENCE.

01-01-05-03-02 1) Il n'appartient pas au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un recours contre une circulaire commentant une décision de justice et prescrivant d'en tirer certaines conséquences, d'apprécier le bien-fondé de la décision de justice commentée. 2) Il lui appartient en revanche d'apprécier, dans l'exercice de son contrôle de légalité et dans la limite des moyens soulevés, si l'interprétation retenue par la circulaire ne méconnaît pas le sens et la portée de cette décision.

PROCÉDURE - INCIDENTS - NON-LIEU - ABSENCE - DEMANDE D'ANNULATION D'UNE CIRCULAIRE IMPÉRATIVE INTERPRÉTANT UNE DÉCISION DE JUSTICE - REVIREMENT DE JURISPRUDENCE POSTÉRIEUR À LA CIRCULAIRE (SOL - IMPL - ) [RJ1].

54-05-05-01 Le recours pour excès de pouvoir dirigé contre une circulaire commentant une décision de justice et prescrivant d'en tirer certaines conséquences ne perd pas son objet du fait de l'abandon, postérieur à l'introduction du recours, de la jurisprudence commentée.

PROCÉDURE - POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE - CONTRÔLE DU JUGE DE L'EXCÈS DE POUVOIR - PORTÉE - DEMANDE D'ANNULATION D'UNE CIRCULAIRE IMPÉRATIVE INTERPRÉTANT UNE DÉCISION DE JUSTICE - 1) CONTRÔLE DU BIEN-FONDÉ DE LA DÉCISION DE JUSTICE - ABSENCE - 2) CONTRÔLE DE LA CONFORMITÉ À LA DÉCISION DE JUSTICE DE L'INTERPRÉTATION QUI EN EST DONNÉE - EXISTENCE.

54-07-02 1) Il n'appartient pas au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un recours contre une circulaire commentant une décision de justice et prescrivant d'en tirer certaines conséquences, d'apprécier le bien-fondé de la décision de justice commentée. 2) Il lui appartient en revanche d'apprécier, dans l'exercice de son contrôle de légalité et dans la limite des moyens soulevés, si l'interprétation retenue par la circulaire ne méconnaît pas le sens et la portée de cette décision.

PROCÉDURE - POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE - CONTRÔLE DU JUGE DE L'EXCÈS DE POUVOIR - APPRÉCIATIONS ÉCHAPPANT AU CONTRÔLE DU JUGE - DEMANDE D'ANNULATION D'UNE CIRCULAIRE IMPÉRATIVE INTERPRÉTANT UNE DÉCISION DE JUSTICE - BIEN-FONDÉ DE LA DÉCISION DE JUSTICE.

54-07-02-01 Il n'appartient pas au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un recours contre une circulaire commentant une décision de justice et prescrivant d'en tirer certaines conséquences, d'apprécier le bien-fondé de la décision de justice commentée.


Références :

[RJ1]

Comp., pour le recours dirigé contre une circulaire interprétant un acte réglementaire annulé en cours d'instance, CE, 24 novembre 1989, Ville de Montpellier et autres, n°s 93162 93241 93249 93254 93284, p. 237 ;

CE, 18 octobre 2006, Section française de l'observatoire international des prisons, n° 281086, T. pp. 689-717-1023.


Publications
Proposition de citation : CE, 24 avr. 2012, n° 345301
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Philippe Martin
Rapporteur ?: Mme Sophie Roussel
Rapporteur public ?: M. Xavier de Lesquen

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:345301.20120424
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