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24/04/2012 | FRANCE | N°355623

France | France, Conseil d'État, 6ème sous-section jugeant seule, 24 avril 2012, 355623


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 janvier et 20 janvier 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE AUTOROUTES DU SUD DE LA FRANCE, dont le siège est au 9, place de l'Europe à Rueil-Malmaison (92500) ; la SOCIETE AUTOROUTES DU SUD DE LA FRANCE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1104976 du 13 décembre 2011 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a suspendu, à la

demande de l'association de défense de l'environnement de l'aire de ...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 janvier et 20 janvier 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE AUTOROUTES DU SUD DE LA FRANCE, dont le siège est au 9, place de l'Europe à Rueil-Malmaison (92500) ; la SOCIETE AUTOROUTES DU SUD DE LA FRANCE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1104976 du 13 décembre 2011 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a suspendu, à la demande de l'association de défense de l'environnement de l'aire de Narbonne-Vinassan A9, l'exécution de l'arrêté du 9 août 2011 par lequel le préfet de l'Aude a déclaré d'utilité publique le projet d'extension de l'aire de Vinassan-Nord de l'Autoroute A9 sur le territoire des communes de Vinassan et Sallèles d'Aude ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de suspension présentée par l'association de défense de l'environnement de l'aire de Narbonne-Vinassan A9 ;

3°) de mettre à la charge de l'association de défense de l'environnement de l'aire de Narbonne-Vinassan A9 la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Pierre Chaubon, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la SOCIETE AUTOROUTES DU SUD DE LA FRANCE et de Me Ricard, avocat de l'association de défense de l'environnement de l'aire de Narbonne-Vinassan A9,

- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la SOCIETE AUTOROUTES DU SUD DE LA FRANCE et à Me Ricard, avocat de l'association de défense de l'environnement de l'aire de Narbonne-Vinassan A9,

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision " ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 126-1 du code de l'environnement : " Lorsqu'un projet public de travaux, d'aménagements ou d'ouvrages a fait l'objet d'une enquête publique en application du chapitre III du présent titre, l'autorité de l'Etat ou l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou de l'établissement public responsable du projet se prononce, par une déclaration de projet, sur l'intérêt général de l'opération projetée. / La déclaration de projet mentionne l'objet de l'opération tel qu'il figure dans le dossier soumis à l'enquête et comporte les motifs et considérations qui justifient son caractère d'intérêt général. La déclaration de projet prend en considération l'étude d'impact, l'avis de l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement et le résultat de la consultation du public. Elle indique, le cas échéant, la nature et les motifs des principales modifications qui, sans en altérer l'économie générale, sont apportées au projet au vu des résultats de l'enquête publique " ;

Considérant qu'il ressort des énonciations de l'ordonnance attaquée que par arrêté du 9 août 2011 pris sur le fondement des dispositions citées ci-dessus de l'article L. 126-1 du code de l'environnement relatif aux déclarations de projet, le préfet de l'Aude a déclaré d'intérêt général le projet d'extension de l'aire de Vinassan-Nord de l'autoroute A9 sur le territoire des communes de Vinassan et Sallèles d'Aude ; que, saisi par l'association de défense de l'environnement de l'aire de Narbonne-Vinassan A9 sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a, par une ordonnance du 13 décembre 2011, suspendu l'exécution de cet arrêté ; que la SOCIETE AUTOROUTES DU SUD DE LA FRANCE se pourvoit en cassation contre cette ordonnance ;

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que le préfet de l'Aude et la SOCIETE AUTOROUTES DU SUD DE LA FRANCE avaient opposé devant le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier une fin de non-recevoir tirée de ce que l'association de défense de l'environnement de l'aire de Narbonne-Vinassan A9 ne justifiait pas d'un intérêt pour demander la suspension de l'arrêté contesté ; que si le juge des référés a écarté l'autre fin de non-recevoir opposée par le préfet de l'Aude, tirée de ce que la personne signataire de la demande de suspension ne justifiait pas d'une habilitation à agir en justice au nom de l'association requérante, il a omis de statuer sur cette fin de non-recevoir ;

Considérant, en second lieu, qu'il appartient au juge des référés saisi d'une demande de suspension de l'exécution d'une décision administrative d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à porter à sa situation ou à un intérêt public une atteinte suffisamment grave et immédiate pour caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue ; que le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a déduit de la seule circonstance que le commissaire enquêteur avait donné un avis défavorable à l'opération projetée que la condition d'urgence posée par l'article L. 521-1 était satisfaite ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait d'apprécier concrètement et globalement si la condition d'urgence était satisfaite, au regard, notamment, de l'atteinte grave et immédiate à la sécurité publique constituée par l'absence de réalisation de l'opération projetée, le juge des référés a entaché son ordonnance d'erreur de droit ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'ordonnance attaquée doit être annulée ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant que si l'association de défense de l'environnement de l'aire de Narbonne-Vinassan soutient que l'opération projetée ne présentait pas un caratère d'intérêt général au sens de l'article L.126-1 du code de l'environnement, il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que l'opération projetée vise à remédier à un important déficit de places de stationnement pour poids lourds sur cette portion de l'autoroute A9 ; que le stationnement anarchique des poids lourds résultant de ce déficit de places de stationnement pose de graves problèmes de sécurité publique ; que le parking de Béziers Ouest, parc de stationnement sécurisé pour poids lourds, est payant et situé en dehors du domaine public autoroutier, ce qui explique qu'il soit peu utilisé ; que l'aire de Mèze, située à 50 kilomètres de l'aire de Vinassan, est une simple aire de repos, dénuée des services dont est dotée l'aire de Vinassan ; que, malgré l'avis défavorable rendu par le commissaire enquêteur, les incidences alléguées du projet sur l'environnement et les riverains apparaissent très limitées ; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce que l'opération projetée ne présentait pas un caractère d'intérêt général n'est pas de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de l'arrêté du préfet de l'Aude du 9 août 2011 ;

Considérant que l'association de défense de l'environnement de l'aire de Narbonne-Vinassan A9 soutient en outre que l'arrêté a été pris au terme d'une procédure irrégulière dès lors qu'une seconde enquête publique aurait dû être organisée sur le fondement des articles L. 214-1 et suivants du code de l'environnement ; que l'enquête publique aurait dû porter sur la mise en compatibilité du schéma de cohérence territoriale de la commune de Vinassan ; que le dossier soumis à enquête publique présentait des insuffisances importantes, notamment s'agissant de l'évaluation des incidences du projet sur l'environnement ; que les modifications du projet initial annoncées après l'enquête publique nécessitaient une seconde enquête ; que l'acte contesté méconnaît les articles L. 411-1 et suivants et L. 414-1 et suivants du code de l'environnement ; qu'aucun de ces moyens n'est davantage de nature, en l'état de l'instruction, à faire naître un doute sérieux sur la légalité de l'arrêté du préfet de l'Aude du 9 août 2011 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, l'une des conditions posées par l'article L. 521-1 du code de justice administrative n'étant pas remplie, la demande présentée par l'association de défense de l'environnement de l'aire de Narbonne-Vinassan A9 devant le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier tendant à ce que soit ordonnée la suspension de l'exécution de l'arrêté du préfet de l'Aude du 9 août 2011 doit être rejetée, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par le préfet de l'Aude et la SOCIETE AUTOROUTES DU SUD DE LA FRANCE ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association de défense de l'environnement de l'aire de Narbonne-Vinassan A9 la somme de 3 000 euros à verser à la SOCIETE AUTOROUTES DU SUD DE LA FRANCE, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier du 13 décembre 2011 est annulée.

Article 2 : La demande de suspension présentée par l'association de défense de l'environnement de l'aire de Narbonne-Vinassan A9 devant le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier est rejetée.

Article 3 : L'association de défense de l'environnement de l'aire de Narbonne-Vinassan A9 versera à la SOCIETE AUTOROUTES DU SUD DE LA FRANCE une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE AUTOROUTES DU SUD DE LA France, à l'association de défense de l'environnement de l'aire de Narbonne-Vinassan A9 et au Premier ministre, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 24 avr. 2012, n° 355623
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : Mme Christine Maugüé
Rapporteur ?: M. Pierre Chaubon
Rapporteur public ?: M. Xavier de Lesquen
Avocat(s) : SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN ; RICARD

Origine de la décision
Formation : 6ème sous-section jugeant seule
Date de la décision : 24/04/2012
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 355623
Numéro NOR : CETATEXT000025744448 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2012-04-24;355623 ?
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