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07/05/2012 | FRANCE | N°358639

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 07 mai 2012, 358639


Vu la requête, enregistrée le 18 avril 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Robert A, demeurant ... ; le requérant demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de l'arrêté du président de l'université Bordeaux I du 30 mars 2012 ayant prolongé la suspension de ses fonctions de professeur des universités à l'université Bordeaux I, à compter du 5 avril 2012 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versemen

t d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice ad...

Vu la requête, enregistrée le 18 avril 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Robert A, demeurant ... ; le requérant demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de l'arrêté du président de l'université Bordeaux I du 30 mars 2012 ayant prolongé la suspension de ses fonctions de professeur des universités à l'université Bordeaux I, à compter du 5 avril 2012 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient qu'en raison des conséquences de la décision contestée sur ses activités professionnelles d'enseignement et de recherche, la condition d'urgence est remplie ; que seul le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche était compétent pour prendre la décision litigieuse ; qu'en prenant cette décision après le prononcé d'une sanction pénale, le président de l'université Bordeaux I a commis une erreur de droit ; que, dès lors que le juge pénal n'a pas entendu inscrire la condamnation du requérant au bulletin n° 2 de son casier judiciaire, l'administration ne pouvait prolonger sa suspension sans commettre une erreur manifeste d'appréciation ;

Vu la décision dont la suspension est demandée ;

Vu la requête à fin d'annulation de cette décision ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 27 avril 2012, présenté par le président de l'université Bordeaux I, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie dès lors que la décision contestée, qui n'est pas une sanction disciplinaire, ne prive pas l'intéressé de sa rémunération et ne l'empêche que temporairement d'exercer ses activités d'enseignement et de recherche ; qu'en vertu des dispositions de l'arrêté du 10 février 2012 portant délégation de pouvoirs en matière de recrutement et de gestion de certains personnels enseignants des établissements publics d'enseignement supérieur et de recherche, il était seul compétent pour prendre la décision litigieuse ; que la circonstance que le jugement du tribunal correctionnel à son encontre est intervenu n'interdit pas, en l'attente de la décision de la section disciplinaire du conseil d'administration de l'université, le prononcé d'une mesure de suspension ; que la décision contestée ne saurait être entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que le jugement pénal ne fait pas obstacle à ce que les faits reprochés fassent l'objet d'une procédure disciplinaire ;

Vu les observations, enregistrées le 2 mai 2012, présentées par le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche ;

Vu le mémoire de production, enregistré le 4 mai 2012, présenté par le président de l'université Bordeaux I ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'éducation, notamment l'article L. 951-4 ;

Vu l'arrêté du 10 février 2012 portant délégation de pouvoirs en matière de recrutement et de gestion de certains personnels enseignants des établissements publics d'enseignement supérieur et de recherche ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. A et, d'autre part, l'université Bordeaux I ainsi que le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 4 mai à 11 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Meier-Bourdeau, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. A ;

- la représentante de l'université Bordeaux I ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. " ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 951-4 du code de l'éducation : " Le ministre chargé de l'enseignement supérieur peut prononcer la suspension d'un membre du personnel de l'enseignement supérieur pour un temps qui n'excède pas un an, sans suspension de traitement " ; que la suspension prévue par ces dispositions législatives est une mesure provisoire, de caractère conservatoire, décidée dans l'intérêt du service, en particulier dans l'attente de l'issue d'une procédure disciplinaire ; que l'article 2 de l'arrêté du 10 février 2012 portant délégation de pouvoirs en matière de recrutement et de gestion de certains personnels enseignants des établissements publics d'enseignement supérieur et de recherche, prévoit que " les présidents et les directeurs des établissements publics d'enseignement supérieur dont la liste est fixée à l'article 3 du présent arrêté reçoivent délégation des pouvoirs du ministre chargé de l'enseignement supérieur pour le recrutement et la gestion des personnels enseignants mentionnés à l'article 1er du présent arrêté en ce qui concerne : [...] 24. La suspension " ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A, professeur des universités affecté à l'université Bordeaux I, a fait l'objet d'une condamnation par le tribunal correctionnel de Bordeaux qui lui a notamment infligé une peine de huit mois d'emprisonnement avec sursis pour des faits d'agression sexuelle imposée à une personne vulnérable, tout en prévoyant que cette peine ne serait pas inscrite au bulletin n° 2 du casier judiciaire de l'intéressé ; qu'à raison des faits à l'origine de cette condamnation, le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche a, par un arrêté du 3 octobre 2011 pris sur le fondement des dispositions de l'article L. 951-4 du code de l'éducation, suspendu M. A de ses activités universitaires pour une durée de six mois ; qu'à l'issue de cette période, le président de l'université Bordeaux I a, le 30 mars 2012, pris une nouvelle décision de suspension d'une durée de six mois, dans l'attente de la décision de la section disciplinaire du conseil d'administration de l'université Bordeaux I ;

Considérant qu'eu égard à la délégation de pouvoirs accordée par l'arrêté ministériel du 10 février 2012 aux présidents d'université en matière notamment de suspension des enseignants, le moyen tiré de l'incompétence du président de l'université pour prendre la mesure dont la suspension est demandée n'est pas de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de cette mesure ;

Considérant que le prononcé d'une condamnation pénale ne fait pas obstacle à ce qu'une décision de suspension soit prononcée à l'encontre d'un enseignant dans l'attente d'une décision de la section disciplinaire du conseil d'administration de l'université ; que le moyen tiré de ce que la mesure contestée serait entachée d'erreur de droit n'est, dès lors, pas de nature à créer un doute sérieux sur sa légalité ; que la décision de suspension litigieuse a été prise par le président de l'université dans le souci de préserver le bon fonctionnement du service public universitaire ; qu'eu égard à la nature et à la gravité des faits reprochés à M. A, et alors même que le juge pénal a décidé de ne pas inscrire au bulletin n° 2 du casier judiciaire la sanction infligée au requérant, le moyen tiré de ce que la suspension contestée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation n'est pas non plus de nature à faire naître, en l'état de l'instruction, un doute sérieux sur sa légalité ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'aucun des moyens invoqués par M. A n'est de nature à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux sur la légalité de la décision dont il demande la suspension ; qu'ainsi, l'une des conditions auxquelles est subordonné l'exercice, par le juge des référés, des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 521-1 du code de justice administrative n'est pas remplie ; que, dès lors, la requête doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Robert A, au président de l'université Bordeaux I et au ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 358639
Date de la décision : 07/05/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 07 mai. 2012, n° 358639
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Bernard Stirn
Avocat(s) : SCP ANCEL, COUTURIER-HELLER, MEIER-BOURDEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:358639.20120507
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